Nom de noms

-beep

Elle me conduisait en étant tigresse, s'enflammait sur la faim, quand elle était encore belle et magnifique je m'approchais chaque matin et répondais à son état d'ivresse par un rappel de magicien. Je n'avais pas grand-chose à faire tu sais, je crois que ça n'aurait servi à rien finalement.
J'ai cru bon d'en écrire un livre, de poser mes lettres sur son corps et d'y faire revivre ce qui était mort, mais il suffisait d'essayer pour comprendre que tout ça n'avait aucun sens. Je me suis perdu des centaines de fois, dans sa vie de souvenirs  et mon horreur de semblant, dans son vide à mourir j'ai souffert du silence et rêvé tout en restant.

C'était quand il faisait beau, c'était quand il faisait château dans le ciel et radeau sur la mer. C'était quand il faisait chaud comme ta mère, quand il faisait bon à perdre la guerre et sucer des morceaux de galère échouée sur la plage de nos emmerdes.

Elles avaient toutes un nom différent, comme s'il fallait pouvoir les appeler dans tout ce silence, comme si les épeler allait changer quelque chose, quelque chance. Lola, Louisa, Emma et Laura. Autant de putains qui se baladaient dans un coin de ma tête, autant d'amours pour le petit Tom qui ne comprenait pas grand-chose à la mort. Pas encore.

Alors à l'âge de cent ans, j'ai décédé de changement. J'ai décidé d'épater la galerie à grand coup de revolver et le monde m'a accueilli à bras le coeur.

- Il n'y avait plus de Lola, la pauvre s'était dégonflée en me sentant venir, et essoufflée en me voyant partir. Rien que je ne puisse faire, si ce n'est l'enfermer bien au fond de ma cervelle et prier pour qu'elle y reste deux ou trois éternités supplémentaires.

- Louisa s'était envolée, elle. Disparue dans une jungle de nuages j'ai bien cru l'avoir effrayée pour de bon. Je l'ai vu s'échapper par les cieux de ceux qui n'en avaient que trop, elle passait de fantôme en fantasme avec une aisance déconcertante. 

- Emma était différente. Elle n'avait jamais eu peur et ne cherchait rien d'autre que le confort d'une main autour de son sein. Ce qu'elle eut, pour un temps. Le temps qu'il fallait. 

- Enfin, Laura n'avait aucune raison de partir je crois. Elle ne le voulait pas d'ailleurs, je pense que Laura n'avait jamais été là, tout simplement. 

Elles avaient toutes un nom différent et moi, je n'avais que cent ans. Lola, Louisa, Emma, Laura.
Autant de vies dans cette histoire que de vide dans mon réservoir. Un grand coup de revolver et le monde s'écroule à mes pieds. Pendu la tête en bas, je ne comprends pas grand-chose à la mort. Pas encore.



 

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