Nos failles

compteclos

Chapitre 2

« Eh merde ! » balança Emy, dans son appartement.

« J'en ai encore foutu partout ! »


La poudre blanche était étalée par terre. Emy venait de renverser son sachet.


« Putain de merde ! »


Emy attrapa la balayette et ramassait ce qu'elle pouvait.


« C'est bon pour la poubelle tout ça ! Mais j'ai plus d'argent moi ! Merde merde merde à la fin ! »


L'homme qui s'était endormi auprès d'Emy la veille venait de se lever et regardait cette si jolie femme s'énerver après elle-même. Il sourit, gêné, ne sachant pas quoi faire pour la calmer.


« Bonjour Emy » susurra-t-il.


« Salut Damien, excuse-moi, j'ai encore fais n'importe quoi, je suis trop tête en l'air en ce moment. »


« Ne t'excuses pas ma jolie, je peux t'aider si tu veux.. »


« T'en fais pas, j'ai fini de tout nettoyer, mais c'est mon fric que je jette à la poubelle ! »


Damien s'approcha d'Emy et la regarda.


« Tu es vraiment belle, tu sais. »


Emy rougit.


« C'est gentil Dam', tu n'es pas mal non plus tu sais.. »


« Bon ma belle, faut que j'y aille. Sinon mon patron va encore faire la gueule. » plaisanta Damien.


Ils se firent la bise, comme convenu, passé le matin, plus aucune relation ne convenait. Emy avertissait tous ceux avec qui elle avait des rapports intimes. Elle ne voulait ni se poser, ni s'engager. Elle aimait sa liberté. Plus encore, elle savait qu'elle n'avait aucune liberté mais elle se prêtait à croire qu'en pensant être libre, elle le serait davantage.


Emy repensait à la conversation qu'elle avait eu avec Ed', une semaine auparavant. Pour tout dire, elle ne savait pas quoi en penser. Ed' était gentil comme tout, trop gentil..


Emy, était, sans doute, perdue. Perdue dans l'océan déferlant de sa frêle existence. Ces derniers temps, tout allait mal.


Ce soir, je sors au DD'S. Il faut que je le revoie, qu'on mette les choses au claire. Que je m'en fiche de lui, que j'aime encore Raphaël. Qu'il faut qu'il me laisse tranquille. Que je sais qu'il reviendra, par ce que lui aussi, il m'aime, enfin, je crois..



****




Ed, la tête dans la cuvette, repeignait ses toilettes impeccablement propres.


Putain de vodka.


D'un revers de manche et armé de papier WC il s'essuya la bouche. Il avait encore trop bu la veille. Boire pour oublier, c'est que les autres lui disaient. Alors, il buvait. Puisqu'il ne touchait plus à la drogue, il lui fallait une consolation. Emy, toujours Emy. Satanée Emy !


Bon allez, ce soir, je n'irai pas au DD'S, elle ne veut plus y aller, alors moi non plus. Je n'ai pas besoin d'y aller et puis me bourrer la gueule tous les soirs,je n'en peux plus.


Ed' était ce garçon qui, à première vue était le plus heureux des Hommes. Mais au fond de lui, ses cicatrices encore à vif saignaient abondamment. Mais, au fond de lui, les marques du passé laissaient leurs traces..


Ed' se leva, tituba, manqua de prendre la porte en pleine figure et s'écroula sur son lit. Il dormit, pendant de longues heures.


****


Le DD'S battait son plein. La fête était à son paroxysme et Emy cherchait Ed' du regard.

Mais c'est là, qu'elle le vit. Ses cheveux noirs épais en forme de « fausse » crête sur sa tête, son regard se balançant de gauche à droite, ses narines en haleine et sa bouche pincée donnèrent le vertige à Emy.

Elle s'approcha, doucement, tenant l'équilibre entre un couple qui dansait de façon très sensuelle, un mec qui lui attrapa le bras en criant « DANSE AVEC MOI OH DANSE AVEC MOIIII », une fille complètement sous drogue qui manquait de vomir sur les pieds d'Emy.


Elle arriva enfin près de lui.


Il regardait la foule danser et n'avait même pas remarqué la présence d'Emy.

Il regardait la vie sans tenter de la saisir. Il matait la vie comme un PDG materait sa nouvelle secrétaire. Le désir, l'excitation, l'envie de voir ce qu'il se passe sous la jupe de la nouvelle demoiselle.

Comme le regard perdu d'un enfant naïf et innocent.

Oxymore au coin de ses pupilles.


Emy s'assit à ses côtés.


« Emy » grogna-t-elle.


« Pardon ? » répondit-il.


« Je m'appelle Emy. »


« Oh. Enchantée Emy . »


« Et toi ? » lui lança-t-elle.

« Noir.. Appelle moi, Noir. »


« Pourquoi Noir ? »


« à quoi te fais penser le Noir, Emy ? »


« La nuit, j'dirais. Mon âme. L'épicier de la rue Saint Exupéry. »


Noir esquissa un sourire.



« Je suis Noir comme tes futures dents après ta surconso de came ma jolie. »


Il s'approcha, un peu plus et lui murmura ;


« Je suis bien plus noir que n'importe quelle âme résidant sur cette planète. »


Un frisson parcouru le corps d'Emy.



« Impossible », bafouilla-t-elle.


« Je vis en règle de trois. Je calcule mes actes en fonction des dommages et intérêts, des avantages. Et ce cercle, manipulation, et excitation du risque forme me petite vie. »


« Que fais-tu ici ? »


« à cette question, 98% des garçons dansant ce club ou matant les demoiselles te répondront « j'veux choper d'la gonzelle », 1% te répondront, la bave encore dégoulinant le long de leurs lèvres sèches « c'est de la bonne », et moi ? J'étudie. »


« Qu'étudies-tu ? » demanda Emy, les yeux ronds.


« La vie. » souffla Noir.


« Comment étudies-t-on la vie ? »


Emy ne connaissait pas ce genre de conversation. A vrai dire, elle ne s'était jamais intéressée à cela pourtant, elle-même se posait de nombreuses questions et était douée en matière de réflexion sur elle-même et la société en général. Mais là, elle restait abasourdie par l'influence que cet homme avait sur elle, sur l'emprise qu'il commençait à avoir.


« La vie, c'est pas un truc que t'étudies dans les bouquins, tu peux même pas étudier ta propre vie, ce serait comme essayer de donner de la salade à un tigre, ce serait comme apprendre à lire les yeux fermés. Tu vois.. La vie ce n'est pas une fleur, ni même un roseau et encore moins un humain. La vie c'est le lien, la porte que l'on ouvre,ce n'est pas un sentiment ou une émotion,c'est bien plus que ça, la vie ce n'est pas l'oxygène ni même l'amour. La vie ce n'est ni toi, ni moi, ni le barman, ni même le dealer au coin de la rue. La vie c'est ce lien. »


« Et que contient ce lien ? »


« C'est la raison de ma présence ici. »

Aucun son ne sortait de la bouche d'Emy, elle était troublée. Complètement. Cette discussion donnait à son cerveau l'occasion d'avoir des comètes qui s'entrechoquent à la place des neurones. Elle n'arrêtait pas de réfléchir au pourquoi du comment.


« D'où es-tu ? » envoya-t-elle après un long silence.


« D'ici et d'ailleurs. De partout et de nul part. Je vais et je viens.. »


« Entre tes reins. » ironisa Emy.


Noir sourit.


« Bonne soirée Emy. »


Il se leva et partit. Laissant Emy plantée là. Les yeux ronds et les oreilles avides de sa voix et de ses interprétations. Emy resta assise sur ce banc, de longues heures. Comme pour ne pas se détacher de la présence de Noir, comme s'il était encore là, ou bien qu'il ne l'avait jamais été. Comme pour s'assurer que tout ça n'était pas une hallucination, pur produit de son imagination.


Emy finit par rentrer à 6 heures du matin.


Cette nuit-là, elle rêva de la Vie.


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