Nos transports amoureux

Francisco Varga

Suite de "conduite à haut risques". Petite revue très personnelle et expérimentale des transports en commun Thaï.

Je n'étais pas trop chaud pour le suicide (cf- conduite à haut risque) et je n'avais surtout pas envie de faire courir le moindre risque à ma chérie. J'ai donc décidé de lâcher l'affaire question deux roues. J'ai découvert la moto sur le tard et j'adore ça. Mais quand on voit l'état du trafic dans le pays et que l'on met en regard nos 900 tués par ans et l'hécatombe thaïe (11 000), j'avoue que je me sens nettement moins enthousiaste. Enfin, ce n'est que partie remise. Je suis sûr d'y revenir et cette fois, je tenterai le coup, mais hors d'une grande ville. J'ai donc sagement décidé de m'en remettre aux transports en commun. C'est à cette occasion que j'ai pu approfondir ma connaissance de la psychologie et des coutumes siamoises.

Le Tuk Tuk, moustique à moteur qui apprécie les touristes.

Qui dit transport en commun à Bangkok, dit Tuk-tuk. Ça se prononce très vite comme touctouc en laissant les sons rebondir… c'est bien le seul mot que l'on peut se permettre de risquer en étant certain d'être compris par tout le monde. D'ailleurs, il suffit de marcher dans la rue quelle que soit l'heure pour entendre claquer les deux syllabes. A force de les entendre en permanence, je les avais en tête dès le matin, comme une chanson de Michelle Thor dont on ne parvient pas se débarrasser.

Le tuk-tuk thaïlandais est un peu plus moderne que celui que l'on rencontre au Vietnam ou au Cambodge. C'est une sorte de moto – triporteur qui peut accueillir six personnes sur banquette en face à face dans sa version pour locaux et trois pharangs dans le sens de la route dans son conditionnement touristique.

Le Tuk-tuk est bruyant et ressemble dans certains cas à une petite boite de nuit à l'éclairage de bordel d'avant la fermeture des maisons closes. Au début, j'attribuais le bruit à la rusticité relative des véhicules, mais je me suis rapidement rendu à l'évidence que le thaï aime le bruit. La coutume veut que l'on s'exprime avec discrétion, mais ça c'est dans les bouquins. Certains engins sont équipés d'amplificateur sonore au niveau du pot d'échappement et rugissent à la façon de voitures de sports thunés par momo du 93. Ça se conduit avec un guidon, je ne suis pas sûr qu'il y ait de différentiel et la suspension n'est souvent qu'un souvenir aussi lointain que la libido de Mélanie Trump.

Chasseur solitaire ou en meute, le Tuk Tuk un maillon essentiel de l'éco système touristique.

Le tuk-tuk est un chasseur de pharangs qu'il attend souvent en meutes dans le quartier de Kaosan. Les courses simples ne le motivent pas trop. Ce qu'il recherche c'est le joli trophée, le tour de Bangkok avec arrêt dans les boutiques de souvenirs pour les couples et dans les bordels de Pâtong pour les males célibataires grisonnants, bedonnants ou pas. Inutile de demander un renseignement. Vous aurez beau chercher un simple street food économique et  gouteux, il vous conduira systématiquement dans un restau déserté des locaux où l'on vous y servira de la bouffe insipide à des prix indécents. L'étalon pour tester un bon restaurant local c'est le prix et le conditionnement de la bière. Si on vous propose un demi rachitique à la française plus cher qu'une bouteille de 75 cl qui est la norme ici, c'est que vous vous êtes fait avoir. Autant se lever et aller voir ailleurs vous serez de toute façon déçus par la suite.

Rustique, kitchissime et pas du tout économique.

Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, le tuk-tuk n'est pas du tout un moyen de transport économique. C'est avant tout un attrape touriste, pratique parce que disponible un peu partout, mais généralement bien plus cher qu'un taxi.

Le prix de la course proposée est de l'ordre de deux à trois fois celui pratiqué localement. On peut bien sur négocier, mais une course à 200 TB ne sera jamais rabattue de moitié. Lors de notre départ, alors que nous étions sur un marché flottant, nous en avons pris un pour rentrer chez nos amis. La course était d'une dizaine de minutes. Le prix de base était de 200, nous en avons proposé 100, le pilote était d'accord en voyant que nous savions ou nous allions. Ca ne l'a pas empêché de nous réclamer une rallonge à l'arrivée. Il faisait très chaud ce jour-là et les 20 TB que nous avons lâchés lui auront permis de se payer un coup de flotte.

Certains touristes répugnent à négocier les prix. Si on fait l'impasse, ce n'est pas considéré comme un signe de générosité mais de connerie. Ceci dit, une course de dix minutes pour 150 TB cela fait tout juste un peu plus de trois euros.

Le tour de Bangkok se résume la plupart du temps à un ou deux quartiers stratégiques et se négocie entre 1 000 et 1 500 TB. Autant le dire tout de suite, un tour de la capitale est illusoire. Il faudrait y consacrer une journée entière et prévoir des bouteilles à oxygène vu la pollution locale.

Le Moto taxi, pour les courageux.

Les motos taxis sont une bonne alternative quand on est seul bien sûr… en version locale, il n'est pas rare de croiser des scooters avec 3 personnes voire plus si l'on compte le petit entre les jambes de la grande sœur ou de la maman et qui se tient au guidon. On reconnait les officiels avec leur gilet orange ou jaune ainsi que leur petite étiquette d'identification et les sauvages qui font n'importe quoi, n'importe comment. La plupart des deux-roues sont en versions 125 ou 150. On prend un vrai risque quand on s'embarque la dessus. Je l'ai fait une ou deux fois, mais j'avais les fesses si serrées que j'en ai gardé des courbatures durables.

Les prix sont à l'avenant. On m'a proposé une course Kaosan – Aéroport pour 600 TB, soit plus de trois fois le tarif. Je connaissais un peu les prix, mais je n'avais pas le courage d'entamer une négociation à coup de 50 TB après une demi-heure de palabres pour finir de toute façon à deux fois le tarif… je suis parti et j'ai choisi de booker un scoot via Grab… pour une course estimée à 187 TB. Et là, surprise, qui vois je arriver ? Mon rouquin bridé qui venait de me proposer un prix délirant. Un thaï déteste perdre la face. Je lui ai proposé de booker quelqu'un d'autre. Je n'avais pas envie d'une vengeance à la ninja.

Grab, l'application magique qui met tout le monde d'accord.

Grab c'est l'application magique, à condition d'avoir du réseau. Le principe est simple. On s'inscrit simplement sans renseigner sa carte de crédit comme pour Uber. Le chauffeur fait pareil. Il peut bosser pour Uber, pour Grab, ou pour autre chose, chacun est libre.

L'avantage c'est l'étalonnage du prix par l'application qui ignore à priori si vous êtes un local ou un pharang. Ça évite donc de négocier à n'en plus finir et donne accès aux touristes à des tarifs à peu près locaux. Autant vous dire que les taxis et autres chauffeurs privés n'apprécient pas trop, mais comme ils sont notés, et que leurs revenus récurrents dépendent en grande partie de cette application, ils ne s'amusent pas trop à remettre en cause les règles du jeu.

L'inconvénient c'est que vous pouvez attendre un certain temps. Quand vous passez dans le radar vous pouvez encore patienter quelques temps. Les chauffeurs de taxi ont l'habitude de vous envoyer un message pré enregistré « Je suis là » au moment où ils se mettent tout juste en route. Et vous avez beau être géo localisé, s'il n'a pas envie de faire la course pour tout un tas de raison, notamment parce qu'il aura croisé quelques pharangs qui ne connaissent pas le truc, alors vous pouvez toujours attendre il ne vous trouvera jamais, même devant l'entrée du palais royal.

L'alternative à l'énigme de la prononciation impossible.

Le deuxième avantage de Grab c'est d'indiquer clairement l'endroit où l'on veut aller. Alors que nous étions parfois hébergés chez Nico et Oam dans un quartier populaire assez proche du Wat Arun. Nos amis nous avaient expliqué que si nous nous perdions, il suffisait de choper un taxi et lui demander de nous conduire au Wat Ampawa. A paris, les repères sont les stations de métro, à Bangkok ce sont les temples. Au-delà de la négociation des prix, l'explication de la destination était parfois déroutante.

Sadi Ka.How much to go to « ouat ampaoua » ?

Silence intrigué de l'autre….

Where ?Euhhh ou ate amp awa……What ?It's un wat you dont know ?

Ça peut encore durer un moment. Le seul truc à faire c'est sortir de son téléphone l'adresse en thaï et en anglais que le chauffeur regarde avec attention. Nous avons parfois eu l'impression que certains avaient du mal à lire. Mais je crois tout simplement que nous sortions du circuit touristique et nous les déroutions un peu.

AHHHH ouad ambpawa….Yes out ambawa.

Le thaï a ceci de troublant que le moindre accent tonique mal placé vous rend incompréhensible pour votre interlocuteur. Nous on ne s'en rend pas compte. Ça se passe sur des harmoniques que nos oreilles occidentales ne peuvent pas entendre. Nico, qui totalise vingt ans d'Asie et aujourd'hui marié à toute une famille Thaï nous disait avoir des problèmes similaires non résolus malgré le temps.

Une fois que l'on est accordé sur la destination, il n'y a plus qu'à négocier le prix. J'ai remarqué une relation cachée entre le prix proposé et le temps mis à comprendre la destination. Mais comme je n'ai pas trop pris de notes, je ne revendiquerai pas la paternité d'une nouvelle loi ethno urbaine.

Le taxi officiel, moins exotique mais sûr et économique.

Sinon, l'autre avantage de Grab est qu'il vous permet de réserver soit des taxis officiels, soit des conducteurs qui sans avoir de statut font des courses à longueur de jour et de nuit, des limousines, des deux roues licenciés ou non. Contrairement à la France, le mode de transport en commun privé le moins onéreux quand on est deux est toujours le taxi classique.

Les taxis sont vraiment nombreux. Je n'ai pas compté, mais à vue de nez, je dirai au moins trois ou quatre fois plus qu'à paris en terme de densité d'occupation de la voirie.

On les repère facilement, ils sont soit bleus, soit jaune et vert soit Rose Barbie et ce sont tous des Toyota, comme 80% du parc automobile local. Nous n'avons jamais croisé de voiture française et les européennes (Mercedes et BM) n'étaient pas non plus très fréquentes. Pour les thaï, la France c'est chanel, l'Oréal et Michelin….même les petites femmes de paris sont coiffées au poteau par les ladies de Bangkok. Tout fout le camp…

Le rose est une couleur bien assumée sans connotation féminine particulière. Nous avons même eu le privilège de revenir un soir de l'aéroport dans une bonbonnière Hello kitty qui détonnait un peu avec le coté largement amorti du chauffeur.

Les taxis conservent le monopole des prises en charge aéroportuaires. Celles-ci sont encadrées de façon militaire avec un excellent niveau d'efficacité par le gouvernement. Les passagers sont réunis dans une salle d'attente aux dimensions asiatiques, chacun munis d'un ticket de passage attendant son tour devant quatre compteurs qui défilent très rapidement. Le prix de la course n'est pas encadré, mais le chauffeur est tenu de mettre en route son compteur, la prise en charge étant fixée à 50 TB. Certains taxi rechignent et proposent des prises en charge sauvage permettant d'éviter la file mais pour des prix de quatre fois le tarif règlementé. D'autres, comme nous en avons fait l'expérience lorsque nous leur disions « meter please » avaient alors du mal à nous comprendre et feignaient de ne pas savoir où nous souhaitions aller. En dehors de rares désagréments, l'expérience taxi était plutôt bonne si l'on fait exception de leur tendance à monter la clim à des températures pas du tout raisonnables. Un taxi qui voyait notre stress vu le peu de temps que nous avions pour prendre notre avion pour Chiang mai nous a fait une démonstration de sa virtuosité, parcourant un tiers de la ville en une vingtaine de minutes seulement.

Les transports publics sont tentants, et l'infrastructure n'a rien à voir avec celle que nous connaissons en France que ce soit en terme de modernité jouxtant la plus extrême des vétustés mais également de propreté. On peut voir quelques tags, mais ce sont des produits d'import un des rares marqueurs locaux de la France à part le parfum et les pneus.

Vu la défaillance temporaire de mon sens de l'orientation et l'ampleur du défi nous avons préféré faire l'impasse.  Je resterai pudique sur le sujet, c'est une vraie catastrophe.

Le local bus, la dernière aventure moderne authentique.

Local bus, solution privilégiée des locaux et des Backpapers.

Les petites villes de province, notamment le sud sont assez bien équipées en transports publics. Ici on dit « lowcoal », mais ce sont plus des concessions que de vrais services publics. Local bus est le terme générique, mais ce sont en fait des voitures à plateau couvert. Elles partent quand elles sont pleines et l'attente peut parfois durer.

Je croyais naïvement que l'on pouvait embarquer six ou sept personnes, mais le transport a réussi à en caser 15 dont deux sur le marchepieds arrière tout en continuant de chasser les clients, s'arrêtant devant chaque piéton et passant péniblement la seconde au bout de quelques kilomètres. On a bien failli cette fois rater notre vol en mettant près d'une heure pour parcourir une dizaine de kilomètres.

Le bateau reste dans le sud un moyen de transport économique et rapide. Emprunté conjointement par les touristes et les locaux, nous avons parfois dû batailler ferme  pour pouvoir nous assoir, certaines réquisitionnant d'autorité 3 ou 4 sièges pour se taper un petit roupillon. Et non, pour une fois ce n'étaient pas les touristes qui se comportaient mal. Comme je suis un peu provoc, j'ai réveillé la demoiselle pour lui demander de nous laisser nos sièges. Elle l'a mal pris et appelant discrètement son copain à la rescousse j'ai eu droit au syndrome des couilles de cristal version Thaï. Mais comme ils détestent la promiscuité et le contact, le sketch s'est interrompu avant de virer en cacahuète.

Même en avion il y a moyen de négocier les prix.

Quant à l'avion, c'est pratique, et assez bon marché. Trois ou quatre compagnies low cost se disputent le territoire dont une qui maquille ses avions comme des canards. Aucune n'est meilleure marché que l'autre, elles ont toutes leurs particularités tarifaires et il faut savoir ruser pour faire enregistrer une valise en soute sans payer un supplément exorbitant. Les services de web-check-in sont souvent en panne et la défaillance n'est pas toujours une raison suffisante pour éviter les surcouts de l'enregistrement guichet, mais comme partout, avec le sourire et un peu de fermeté tout se négocie.


Le train de nuit en sleeping…. A faire….

Il nous a manqué un peu de temps pour faire en train le trajet Chiang Mai – Bangkok. J'aurais aimé le faire de nuit à l'ancienne façon extrême orient express… ce n'est pas plus économique que l'avion, mais ça permet de voir du pays. Et à deux, dans un compartiment privatisé, c'est forcément une belle expérience amoureuse pour s'en mettre plein les sens et les yeux.

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