nox aeternus
clouds6
C'est le genre de message qui te fait l'effet d'un coup de couteau dans le cœur. Une bombe lovée dans la cage thoracique, des explosifs nichés au creux des paumes, et un raz de marée où fusent les mots comme des aiguilles, dévastant tout un corps. Et quel maigre corps ! À se demander comment tient-il encore debout. Les pieds sont solidement plantés dans le sol, et ils s'enfoncent encore, ils n'en finissent jamais de gagner du terrain, aussi sombre et humide soit-il. Voilà dans quel genre de monde j'évolue. Tout est éteint. Poussiéreux. Inhabité. Même les fantômes ont préféré partir vers plus de chaleur. La mort elle-même en a pâlit. Des abysses insondables, des sables mouvants plus noirs que la nuit, une teinte qui s'accorde bien avec mon âme. Les os s'effritent, comme la roche s'érode. Ils ne tiendront pas longtemps encore à ce rythme. Une avalanche de coups de massue, qui s'insinuent au plus profond du ventre, des cuisses, de la poitrine. La peau rêche comme du papier de verre, le sang comme de la poix bouillante. Je revisite l'Enfer de Dante.
J'ai rangé ma haine dans un coffre somptueux, enfermée à triple tours, et j'ai cru m'être apaisée par la suite. Illusionnisme fatal. Il y avait cette gémellité entre ce désir ardent de tout faire cramer, cervelles et berceaux compris, et la volonté gracieuse de vivre, puissamment, à plein poumons.
L'un des deux a su prendre le dessus, et m'a guidé vers des tréfonds indicibles durant des années.
J'ai su mettre à l'amende cette colère et me ranger comme un bon petit soldat. Sauf qu'elle a eu le temps de s'emparer entièrement de moi. Désormais qu'elle est partie, ne me reste que cendres ! Je ne sais plus comment respirer, l'air propre et pur ne m'a jamais été coutumier. Je patauge dans la boue, et la descente est lente car je n'en suis peut-être qu'aux genoux ou bien déjà au cou, qu'importe. Toujours est-il que mes yeux savent encore lire, plus pleurer, juste s'ouvrir et comprendre cet alignement de lettres. Sur la forme c'est bien simple. Sur le fond je ne sais déjà plus. C'est le genre de message qui me fait me souvenir à quel point tout cela est de ta faute, à quel point il n'y aura probablement pas de retour arrière car il est trop tard.
Tu as tardé à tracer ces mots. Ton processus était d'ailleurs tout l'inverse de celui susmentionné : tu avais le fond mais pas la forme. Les pensées n'arrivaient pas jusqu'au bout de tes doigts, ils ne dépassaient pas tes lèvres décharnées. Pendant ce temps, mes idées sombres se sont déchaînées et ce flot de haine m'a totalement happée.
Tu reviens mais c'est trop tard. Que pouvons-nous y changer ?
Ce message m'abrutie, et, il est 3h17, alimente mes insomnies.
Pardon, pour cet enchaînement de mots, sempiternels sursauts d'amo(u)r. J'ai de l'encre plein les doigts et tous ces vers répugnants ne sont dédiés qu'à toi. Une sorte d'acharnement compulsif, intense et inutile. Pas même mon âme n'est rassasiée, le verbe est infini et trop intime pour cesser. Toujours il jailli. Un geyser qui monte au ciel, descend au Centre universel, fuse de tous côtés. Tu es ma muse désenchantée. Une bien piètre reine, qui règne pourtant sur ces terres en friches, je te les fais parcourir mentalement et, sans même le savoir, tu me les mets sens dessus dessous. Une ingratitude pour laquelle tu paiera encore.
Je te haïrais toujours un peu pour ça.
Tu as fait de moi une flamme de papier glacé. Pas même une femme.
Et la volonté de vivre, je n'en ai plus assez.