Nu devant la glace (11)
Ce N'est Pas Moi, Ordi Hacké
Une semaine était passée. Elle, l'indomptable, était plus qu'embêtée. Elle s'était crue un instant femme fatale, devant les premières déclarations de notre homme. Mais voici qu'elle n'avait plus aucune nouvelles. Aurait-elle du prendre son numéro de téléphone finalement ?
Ce qu'elle ne savait pas, c'est que notre homme était malade. Malade d'amour à en crever. Et qu'il avait la plus grande crainte, qu'elle ne réponde à l'une de ses lettres. Il avait fini par tout jeter. Isabelle, à la poubelle. Il avait même fracassé le chat de porcelaine que l'ancienne belle lui avait créé de ses mains de fée. Il n'aimait plus les fées.
Sur sa table, gisaient sans mentir une centaine de brouillons. Il ne voulait se manifester chez elle qu'après lui avoir écrit. Si elle n'avait pas pris son téléphone, c'est bien qu'elle attendait autre chose dans tout son mystère.
Alors on reprend les gammes à zéro, et on s'essaie à la cent-et-unième lettre :
« Ma bien chère Héloïse, si le chère ne vous déplait point. Je pensais qu'après notre nuit d'étreintes, les cloisons entre nous se fissureraient et que tout serait plus simple. Mais vous ne m'avez laissé qu'une adresse, dont je n'ose même pas approcher le quartier. La crainte d'en tomber amoureux, et de chez vous vouloir m'y lover. La crainte aussi que vous n'ayez changé d'avis. Qu'après tout votre vie en France ne soit pas la même qu'à nos ébats d'Amsterdam. Peut-être avez-vous cent amants ici, cent amis. Devant votre fragile beauté pâle, cela ne me surprendrait pas. Qu'un bougre comme moi fiche dans l'affaire ! Je ne vous ai montré que ma part mélancolique, puisque je suis à la quête de mon autre côté. Et c'est auprès de vous, que je pensais voir la lumière... »
S'apprêtant à jeter ce nouveau brouillon, il se dit d'un instant vif : vaille que vaille je poste cette lettre illico. Seul moi peut bouleverser le destin, entamer un refrain. Elle ne fera jamais le premier pas, elle joue au jeu de la princesse à aller sauver. Ce n'est pas à elle de me guider, mais à moi de guider son âme… A nous deux de suivre la piste, de ne plus faire du hors-piste ou du hors-jeu.
Une fois devant la boite à lettres, notre homme ne put s'empêcher de rajouter à nouveau derrière l'enveloppe son numéro de téléphone.
Puis il se rappela qu'il avait lui-même le téléphone de la belle depuis longtemps, puisqu'elle le lui avait donné à Amsterdam, avec un répondeur fantasque. Mais il n'osait prendre l'appareil, entendre sa voix serait trop dur. Il était un homme réfléchi, il tournait sept fois la langue dans sa bouche. Comment ainsi lui parler spontanément. Et puis la connaissant, elle serait à nouveau sur messagerie. Mieux valait espérer attendre réponse à sa lettre.