Obsession partie 1

Marie Aude Thevenet

PARTIE 1

CHAPITRE 1

Je n’aurais jamais cru que l’amour puisse frapper deux fois à la même porte.

Mars 2008

Solitude, tranquillité, silence, ces trois mots reflétaient ma vie depuis quelque temps déjà. Ils étaient devenu mon quotidien. Je n’avais pas le courage d’ouvrir les yeux, de regarder plus en avant. Une seule personne essayait de m’en sortir, malgré mon envie de me terrer, et j’en étais terrifiée. Mais elle s’acharnait, elle s’activait autour de moi, autour de mes enfants, pas un jour de répit pour ma meilleure amie. Ce soir-là, elle prit encore les devants, un ouragan aurait fait moins de dégât qu’elle.

—Tu vas voir, ça va te faire un bien fou !

—Je viens à peine de mettre les garçons au lit ! J’ai bossé comme une dingue toute la journée, j’en ai plein les jambes et je rêve de mon lit depuis un bon moment.

—Tu n’as pas besoin de tes jambes pour visionner un bon film, installes-toi et regarde.

Émilie était mon amie depuis plusieurs années et elle était du genre super-active, trop active, vu mon état d’esprit actuel.

Il fut une époque où je la suivais, j’étais aussi excitée qu’elle, je prenais des initiatives, j’étais, aux dires de tous, remuante et usante mais l’envie et le besoin de me mettre dans mon coin étaient devenus le plus fort. Émilie se moquait de mon état second, elle me traitait de dépressive. Et elle ne s’en privait pas ! Ce petit bout de femme passait son temps à me secouer.

—Tu devrais te la jouer cool, au moins une fois ce soir. Si tu ne te changes pas les idées, tu ne seras pas au top pour ton boulot ! Je t’ai connu à dévorer les livres, aller au cinéma, sortir, même quand les garçons étaient plus petits, tu n’arrêtais pas ! Regarde-toi, maintenant ! Tu es l’ombre de toi-même depuis qu’il n’est plus là ! Il n’aurait jamais voulu ça pour toi.

—Hum, marmonnais-je dans ma barbe.

—Ça fait plus de deux ans maintenant ! Deux ans que tu ne t’es pas lâchée ne serait-ce qu’une soirée.

— Oui seulement deux ans. Dis-je le regard éteint.

Depuis la mort de Nicolas, mon mari, j’étais amputée d’une partie de moi. Un vide, un gouffre avait envahi mon univers. L’idée de faire la moindre chose sans lui, me laissait un goût amer dans la bouche.

C’est lors d’une de nos sorties entre amies que j’ai rencontré Nicolas.

C’était à une soirée d’anniversaire, voilà 9 ans. Que le temps passait vite ! Les jours, les semaines, les mois avaient défilé dans l’insouciance et, maintenant, ils étaient relégués au rang de souvenirs.

« Lorsque je suis rentrée chez Coralie, une amie qui fêtait son anniversaire, j’ai de suite senti que quelque chose allait changer ce soir-là. Il était au centre d’un groupe d’amis. Je ne l’avais jamais vu dans notre bande de potes. Il était grand, bien plus grand que moi, ses cheveux bruns coupés court lui donnaient un air juvénile, mais très masculin à la fois. Sans être une gravure de mode, il était, à mes yeux, le plus bel homme de la soirée.

—Aller, Jess tu rentres ou tu restes dehors ? Dit Émilie.

—Euh, oui j’arrive, j’ai un peu chaud, je vais d’abord aller sur la terrasse, dis-je, ne sachant comment m’y prendre pour lui être présenté.

—OK ! Je dis à Coralie que tu prends l’air derrière !

Me retrouvant seule, les battements de mon cœur se calmèrent, reprenant mon souffle, je cherchais encore une solution pour faire la fille supercool et lui dire bonjour, comme si je le connaissais depuis toujours. Mais rien n’y fit, plus dégonflée que moi pour les relations homme-femme, ça n’existait pas.

M'asseyant sur une des marches de la terrasse, je sentis une présence derrière moi.

—Salut ! Je t’ai pris un coca, je peux m’asseoir ?

N’attendant pas ma réponse, il s’installa à mes côtés. Une vive rougeur me monta au visage, mon cœur s’emballa. J’espérais que la pénombre cacherait mon embarras.

—Euh… Salut.

—Moi, c’est Nicolas et toi ? Dit-il en me tendant le verre.

—Euh…Jessica, dis-je en rougissant de plus belle.

—Maintenant que les présentations sont faites, que fais-tu toute seule dehors ?

—Euh… ben … rien, pas plus.

—On rentre ?

—Euh… OK.

—Dis-moi, tu commences toujours tes phrases par « euh » ? Dit-il en riant.

Il se redressa et prit ma main pour m’aider à me lever. Mon Dieu que je me sentais gauche à ses côtés. Timide, je ne l’étais pas vraiment, maladroite oui, même tous le temps.

—Tu es venu avec qui ?

—Avec ma meilleure amie, Émilie. Et toi ? J’espérais ne pas être indiscrète, et vu la réponse qu’il me donna, je sus que non.

—Avec les zinzins que tu vois là-bas. Je suis en dernière année de fac avec Alec.

—Ah ! Tu connais donc tout le monde ici ?

Alec était le grand frère de Coralie, trop âgé pour participer à nos virées entre filles, mais toujours là dès qu’il s’agissait de faire la bringue avec ses potes.

—Oui et non ! On a regroupé deux soirées, l’anniversaire de sa sœur et notre dernier partiel. Donc je connais bien Alec, les zinzins et Coralie, mais toi je ne te connais pas ! Du moins pas encore assez bien.

Je devins un volcan en éruption. La chaleur se répandit de ma gorge jusqu'à mes oreilles !

Me tenant toujours par la main, nous rentrâmes à l’intérieur. La fête battait son plein, tout le monde dansait, s’amusaient, riaient. Se faufilant entre les groupes, nous atteignîmes la cuisine.

—Beaucoup plus calme qu’à côté, tu ne trouves pas ?

J’acquiesçais sans rien dire, ne sachant quoi répondre, je fixais mes chaussures.

—Tu es toujours aussi peut loquace ? Dit-il en me levant le menton jusqu'à ce que nos regards s’accrochent. Où je t’intimide ?

—J’ai droit à un joker ?

—Allez, on rejoint les autres !

Prenant plus la fuite qu’autre chose, je franchis la cuisine et partis en direction d'Émilie comme si j’avais le diable aux trousses.

—Tu étais où Jess ? Je suis allée sur la terrasse mais tu n’y étais plus !

—Euh…j’ét…

—Elle était avec moi. Coupa Nicolas.

Un long frisson parcourut mon échine au son de cette voix.

—Et elle repart avec moi !

Relevant la tête d’un coup, je vis la lueur rieuse de ses yeux.

—Comment ça, je repars avec toi ? Je viens à peine de retrouver mes amies. Je ne veux pas partir !

—Amuses-toi bien ! Dit Émilie riant de plus belle.

Il partit d’un grand rire, même un fou rire. Me prenant par la taille, il me guida malgré la résistance que je lui opposais, au milieu de la pièce.

Le slow le plus passé actuellement sur les ondes radio commençait.

—Colonna Sonora, murmurais-je. Tu ne voulais pas partir ?

—Si, mais j’ai changé d’avis, je suis là où je veux être et avec qui je veux être.

La discussion fut close. Ce fut le plus délicieux, merveilleux slow que j'eus dansé. Mais ce fut le plus rapide, à mon goût.

La soirée se déroula comme dans un rêve, pas trop d’alcool, mais beaucoup de rires. Nicolas discutait avec un groupe au fond de la salle à manger, je rejoignis mes amies et leur dis au revoir, chacune promis de se refaire une soirée aussi réussit que celle-ci.

Émilie et moi reprîmes le chemin du retour. Nous étions fatiguées d’avoir dansé et tant ries. Le silence n’était pas gênant entre nous, nous nous comprenions. Arrivés devant chez moi, nous décidions d’aller aux puces le lendemain, histoire de chiner un peu.

—A demain Jess !

—A demain ! Répondis-je en faisant un signe de la main.

Fermant ma porte, je me laissais littéralement tomber sur le canapé. Quelle soirée !

Me faisant couler un bon café, j’enlevais mes chaussures à talons, je me sentis de suite toute petite. C’est fou comme un accessoire de torture peut nous rendre plus fortes, pensais-je.

TOC ! TOC !

—Entre Émilie ! Hurlais-je, me massant la plante des pieds. Excuse de ne pas t’ouvrir mais je ne sens plus mes pieds !

—Tu veux que je te les masse?

Sursautant au son de cette voix, je perdis l’équilibre, m’affalant sur les fesses au milieu de ma cuisine. Nicolas se tenait à l’entrée, tranquillement adossé au chambranle.

—Que fais-tu là ? Ouille, je ne suis pas grande pourtant ! Je ne devrais pas avoir si mal, je ne suis pas tombé de si haut ! Dis-je en me frottant les fesses.

—Euh… ma proposition de massage n’était que pour les pieds !

Pour une fois je le vis rougir, perdre de sa superbe. C’était pour moi une brèche que j’allais pouvoir explorer avec délice.

—Oh ! Tu pourrais faire les deux non ?

Il avala sa salive, ne bougeât pas d’un pouce, me regardant toujours de l’entrée.

—Je te taquine ! Qu’est-ce que tu fais là ?

—Tu ne m’as pas dit au revoir.

—Et tu as fait tout ce chemin pour me dire au revoir ?

Il acquiesça, son regard grave toujours braqué sur moi.

—Tu veux un café ? Et je te dirais au revoir, s'il n’y a que ça pour te faire plaisir !

—OK.

Enlevant sa veste, il s’installa sur un des tabourets du bar. De là, il pouvait suivre chacun de mes mouvements. Que je me sentais petite et gauche sous son regard.

—Donne ton plateau, tes mains tremblent. Si je dois te masser les pieds et les fesses, je ne pourrais pas soigner toutes tes brûlures en plus !

Je rougis comme une collégienne, posant brusquement le plateau sur la table, je lui tournais le dos.

—Si je suis venu ici, ce n’est pas pour boire un café, ni pour te dire bonsoir, c’est que j’avais envie de te voir, toi, pas tes pieds, ni ton joli postérieur. Même si l’idée de te masser et plus que tentante. Je voulais te revoir, pas dans un mois, ni dans une semaine, mais maintenant.

—Pourquoi ?

—Il te faut un dessin ?

Depuis cette soirée nous étions inséparables, nous parlions, nous nous découvrions mutuellement. Au bout d’un mois nous décidions de vivre ensemble. En effet, les heures de sommeil en retard, nous firent avancer notre cohabitation.

Grâce à nos conversations à cœur ouvert, nous prîmes l’habitude d’échanger nos envies et nos projets.

Le premier fut d’avoir notre maison. A peine 6 mois après notre concubinage, nos recherches commencèrent. Nous l’achetions dans l’année. C’était une maison, tout juste construite, les anciens propriétaires ne pouvaient plus payer le crédit. Comme l’on dit, le malheur des uns fait le bonheur des autres !

C’est ainsi que nous commençâmes la rénovation. Nous abattîmes des cloisons, nous dessinions des projets d’aménagement de cuisine, tout à la joie d’avoir bientôt notre chez nous.

Quelques mois plus tard, nous étions obligés de freiner nos envies, notre second projet se concrétisait plus en avance que prévu. J’étais enceinte.

Les enfants, mes fils, enfin nos fils, Tristan et Thomas arrivèrent le 2 mai 2001, eh oui, il fallait que ce soit des jumeaux ! Toute ma grossesse se passa comme dans un rêve, il était près de moi, attentionné, prévenant, même trop des fois ! A croire que pour les hommes, être enceinte nous fragilisait, presque comme une maladie.

Ce furent pour nous un double travail et un double bonheur. Leurs premiers sourires, premiers babillements, premiers pas, leurs premiers mots, nous comblèrent.

Les enfants entrant à l’école, je décidais de prendre ma carrière en mains. Les garçons grandissaient trop vite, mon désir était de les élever, mais maintenant qu’ils allaient à la maternelle, les journées me semblaient bien longues. C’est ainsi que je créais mon entreprise de « coiffure à domicile », les débuts furent durs mais le soutient de Nicolas me permit de continuer et de bien m’en sortir.

5 ans plus tard notre mariage, en août, c’était le plus beau jour de ma vie, à son regard tendre et ému je sus que cette émotion était partagée. Notre mariage ne fût pas commun, ma robe rouge et son costume noir étaient originaux, le parc, dans lequel la cérémonie se déroula, étonna tout le monde. Nous ne voulions pas être enfermés, nous voulions la nature, la liberté, la sérénité. C’était un magnifique endroit, rempli de calme et de verdure, la rivière serpentait jusqu’à une cascade dont le bruit nous détendait. Pas besoin de courir aux quatre coins de la ville pour faire la moindre photo, le cadre s’y prêtait à merveille.

Tout bascula le 19 juin 2007. Ce jour maudit restera gravé à jamais dans ma mémoire.

Je l’attendais pour amener les enfants au MAC DO, comme nous le faisions quelques fois. Il était en retard.

Ma première pensée fut que la circulation devait être dense ce jour-là. Au bout d’une heure d’attente, je commençais à pester. Énervée, je décidais de l’appeler.

Après 5 sonneries, je tombais sur sa messagerie. Pestant encore et encore de plus belle, j’annulais la sortie.

Les enfants furent déçus, mais marchandant un dessin animé à la télé, leur déception s’atténua. Je sortis la première conserve que mes mains trouvèrent dans le placard. Au grand plaisir des enfants, c’était une boîte de raviolis. Je les fie manger sans me rendre compte de mes propres gestes.

Rongée par l’inquiétude, faisant les 100 pas dans mon salon, je fixais mon portable, priant pour qu’il sonne.

Rien.

Il ne m’appelait toujours pas.

Ce silence me rendait folle, où était-il ? Que se passait-il ?

Je téléphonais à notre famille, à nos amis, personne n’avait la moindre idée d'où il était.

Rien, pas un bruit, et ce maudit portable qui ne sonnait pas !

A 23h45, je sursautais, la sonnerie de mon téléphone déchira cet affreux silence qui c’était installé.

Je lut : « NICO-PORT ».

Mon soulagement fut de courte durée quand, à l’autre bout du fil, j’entendis une voix inconnue.

—Allô…allô Madame Venthe ?

—Oui, moi-même. Où est Nicolas ?

Une chape de plomb me tomba sur la tête. Un gouffre s’ouvrit et m’engloutit, happant au passage la moindre parcelle de raison qu’il me restait. L’appréhension et la peur me prenant à la gorge, je ne pouvais plus parler.

—Madame Venthe, votre mari a eu un accident…

Je n’écoutais plus, ne voyais plus, je tombais à terre sans ressentir la moindre douleur.

Un accident !

—Allô ! Madame ! Allô ? Donnez-moi votre adresse, une équipe va venir vous voir. Allô Madame Venthe, vous êtes là?

—261 avenue des amandines à Vailhauquès. Dis-je en un souffle. »

La voix d'Émilie me refit faire surface, éloignant mes douloureux souvenirs. Je clignais des yeux, retrouvant ma lucidité. Elle brandissait devant mes yeux un DVD.

—Et voilà, je vais te faire oublier… enfin passer du temps…

Je sentis son malaise et son hésitation face à mon visage inexpressif.

—Je viens d’acheter le dernier film de « Gabriel Prinsson ». Tu vas voir comme il est craquant. Personne ne résiste à son sourire et à son regard.

—J’ai plutôt envie d’aller me coucher. Dis-je en bayant de plus belle. Rien ne m’aurait fait plus plaisir que de me retrouver seule.

—Arrête de broyer du noir. Fais-moi confiance ! Tu vas adorer.

Émilie se dirigeait déjà vers mon meuble TV. Ne me laissant pas le temps de répliquer. Il fallait que je sorte de ma léthargie. Je l’entendis pester, puis pousser un profond soupir de désespoir.

—Jessica ! Toi qui étais accro à tout ce qui est film et musique…, je vois que même le lecteur DVD est débranché ! TU VAS TE SECOUER À LA FIN ET M’AIDER ? C’est toi qui prenais les initiatives autrefois ! BOUGE TOI !

Être secouée comme ça, me fit réagir un peu. Je fis rouler le meuble de mauvaise grâce et commençais le branchement des câbles. Mes gestes d’abord hésitants, revinrent avec automatismes sur les prises.

—Ah ! Soupira-t-elle. Ce n’est pas trop tôt ! Maintenant, tu vas te mettre à l’aise pendant que je prépare le café et sors le pop-corn. J’ai fais le même que tu nous préparais pour nos soirées télé, ceux caramélisés. Ça ne te fera pas de mal de reprendre un peu de poids, je ne t’ai jamais vu aussi mince.

Je fermais les yeux et me revis le jour de mon mariage. Tout en rondeurs, sans être grosse pour autant, je n’avais jamais fait pitié, mon père me le disait tous le temps mieux, vaut une femme potelée qu’une planche à pain.

Tout avait tellement changé, je l’avouais, je me laissais aller, l’envie de m’habiller et de me maquiller avait déserté mon quotidien. L’envie de plaire m’avait fui, elle aussi, comme la peste.

Je montais les escaliers d’un pas lourd, ma seule envie était de passer mon vieux pyjama et de me plonger dans l’oubli. Là où les rêves me permettaient de l’apercevoir, de revoir ce visage tant aimé. Je ne vivais que pour lui, que par lui, ce sommeil le faisait revenir à mes côtés. Mais ce soir, Émilie en avait décidé autrement.

Je fouillais dans mon armoire et regardais d’un œil morne ma pauvre garde robe. Du noir, du gris et du marron, tout à fait moi çà ! Je pris un vieux jogging et un tee-shirt et me dirigeais dans la salle de bain.

M’apercevant dans le miroir, j'eus l’impression de dévisager une inconnue. Face à moi une jeune femme au visage ovale, auréolé d’une touffe, ni bouclée, ni raide, mais affreusement volumineuse, me regardait. Ses yeux tristes me fixaient, seule leur couleur verte pétillait. Mes joues étaient creuses, mon teint terne, mais mon nez fin ressortait, me donnant l’impression qu’il avait poussé de quelques centimètres. Je paraissais limite malade. Ma bouche était devenue triste. Et dire qu’il y a quelques années, elle passait son temps à sourire, à parler et à embrasser. Maintenant, elle s’incurvait de tristesse. A croire que cette moue boudeuse ne quittait jamais mon visage.

Je m’arrachais de ma contemplation, plus perturbée que je ne l’aurais cru. Que doivent penser mes garçons sur leur fantôme de mère?

—Jess ! Tu fais quoi ? S’impatientait Émilie.

—Oui oui, J’arrive !

—Ça va commencer, dépêche-toi, tu vas adorer ! S’exclama-t-elle.

Me dépêchant, je me vautrais sur mon canapé à coté d'Émilie. Elle saisit la télécommande et le film commença.

—C’est quoi comme film ? Demandais-je quand même.

—Une magnifique histoire d’amour, tu vas voir, tout le monde la compare à Roméo et Juliette.

—Super, j’ai bien besoin de broyer du noir en ce moment. Dis-je dégoûtée de la soirée à venir.

—Mais non ! C’est à fond dans le fantastique, il y a des vampires, tu vas te régaler.

—Pouah ! Super-génial ! Dis-je ironiquement.

C’était bien ma veine, le premier soir où je sortais la tête de mon trou, tout ça pour me replonger dans la mélancolie d’amour interdit. J’en avais assez, tous les films parlaient d’amour, même les livres n’y échappaient pas. Je maudis Émilie intérieurement.

—Tu vois comme il est craquant ?

—Euh qui ? (Je la regardais pour voir si l'on voyait la même chose toutes les deux) je ne vois rien de particulier.

—Eh bien lui ! Gabriel Prinsson !

—C’est ça, charmant pour toi ? Dans le genre blancasse, tu ne pouvais pas choisir mieux. Tuappelles ça beau, toi ! Il n’a aucune expression sur le visage, et il n’est même pas musclé. Tu parles d’un beau mec ! Ce n’est pas un front qu’il a, c’est une façade de maison ! Je ne savais pas que tu les aimais juvéniles !

Mon ironie piqua Émilie à vif, elle rétorqua farouchement, comme jamais je ne l’avais entendu auparavant.

—Tu rigoles ! Regarde bien au lieu de raconter des conneries !

—OK ! Je regarde ton blanc bec !

Je fis comme elle me dit et me forçais à regarder ce cadavre d’acteur jouer son rôle. L’actrice qui lui donnait la réplique était très jolie par rapport à lui. Fine, expressive, tout pour plaire en somme. Au moment où je commençais à dodeliner de la tête, une scène attira mon attention.

Je vis sur mon écran, baigné dans une lumière tamisée, son regard ambré braqué sur moi (enfin sur la caméra), un sourire en coin, charmeur. Un sourire qui métamorphosa son visage. Un long frisson me saisit de la tête aux pieds. Je restais bêtement là, à fixer la télé, la bouche pâteuse, à me demander comment un homme que je trouvais affreux 30 minutes plus tôt, pouvait se changer en charmeur aussi soudainement. Je visionnais le film avec un intérêt soudain, guettant ce visage aux expressions multiples, me plongeant dans l’histoire sans vraiment m'en rendre compte.

Un vampire et une mortelle tombaient amoureux et malgré leurs différences, arrivaient à mener un combat sans merci face aux risques de leur liaison. Il combattait son côté vampire, la peur de lui faire du mal à tout instant le mettait au supplice. La dernière scène me pris à la gorge, (une boule se forma au niveau de mon estomac, je reteins ma respiration), par amour pour lui, elle voulait être transformée, elle ne concevait pas l’avenir sans lui, elle mourait à petit feu rien qu’en vieillissant. Cette scène-là me bouleversa. La musique d’une autre époque me prit à la gorge, aussi mélancolique que magnifique, elle était vraiment parfaite pour cette scène là. Et lui, il était plus humain que jamais. La tenant dans ses bras, il s’opposait à sa transformation. Que de frustrations pour cette fin, le film avait une suite, c’était obligé !

Émilie éteint la télé et j’en fus profondément peinée.

—Alors ? Dit-elle, le regard brillant de larmes contenues.

—Bien.

—C’est tout ? Pour toi c’est juste bien ?

—Mais non ! M’exclamais-je. Ça fait du bien d’ouvrir les yeux.

Elle me regardait sans comprendre, et dire que je pensais être claire comme de l’eau de roche pour elle.

—Pourquoi dis-tu ça ? Éclaire ma lanterne car là, je nage la brasse. Je ne comprends pas un traître mot de ce que tu me dis.

Son froncement de sourcil me fit me sentir ridicule et je rougis.

—Eh bien, je ne sais pas,…l’acteur…Gabriel Prinsson…euh…ça me fait bizarre. (Je me sentis devenir encore plus rouge). J’ai l’impression de le connaître, tout en étant un parfait inconnu.

—Mais bien sure Jess, tu as besoin de sommeil, je crois que j’ai un peu trop poussé le bouchon, là.

—Oh ! Grrrrr… ! Je deviens parano maintenant, il ne me manquait plus que ça !

—Si la lecture te retente, tu as la saga qui est finie depuis peu. Le film s’y tient mais les livres sont beaucoup plus captivants.

—Mouais, on verra.

Je vis Émilie faire la grimace, la plus comique depuis ces 3 dernières années, ce qui me fit sourire.

—Enfin ! Jessica est de retour ! Tu as sourit ! C’est un miracle !

—Peux-tu me laisser le DVD ? J’aimerais le revoir, si ça ne te dérange pas.

—Non, si ça peut te faire plaisir.

—Merci.

—Bon j’y vais, fais de beaux rêves. Me dit-elle avec un grand sourire qui finit par un clin d’œil.

En refermant la porte derrière elle, une excitation longtemps oubliée me démangeait. J’étais folle ! Une telle réaction face à un acteur était probablement la chose la plus dingue et déraisonnable qui me soit arrivée en 30 ans de vie. Ce sentiment ne s’estompa pas pour autant même après une douche bouillante.

Je me réinstallais sur mon canapé pour me visionner, une fois encore ce film qui ne m’inspirait pas au début. Je ne pus m’empêcher de mettre pose sur ce visage si captivant. Un regard comme ça ne s’oubliait pas, loin de là.

Sur une impulsion, je me levais et allais droit sur mon PC. En l’allumant, je me traitais de folle. Tant pis ! Et puis, personne ne me voyait et personne ne saurait !

Sur Google, je tapais : « Gabriel Prinsson ».Une série de photos me fixait, le plus beau sourire, les yeux les plus étincelants et rieurs, ce visage si tourmenté et si joyeux à la fois. Et surtout beaucoup plus humain, plus bronzé, plus vivant que dans le film.

Je fis glisser la souris pour en savoir un peu plus sur lui. Je lu même les potins, ses dernières conquêtes, tout ce qui le concernait. Je vis qu’il s’était fait agresser par plusieurs fans en délires. Sa notoriété l’avait rattrapé. Dans une interview, il disait : « Qu’il ne pouvait plus sortir tranquillement tellement on le traquait. Sa meilleure amie avait décidé de ne plus aller le voir suite à un accident dont elle avait été victime. Le tournage de son prochain film prenait un retard très important, à cause de fans qui l’importunaient de leur présence pendant les prises. »

Je me rendis compte qu’en l’entendant parler, je me détendais.

Il prenait, semble-t-il, plaisir à parler à la journaliste. Il restait lui-même, toujours souriant, et décontracté.

—Oh je suis folle ! M’écriais-je.

Je me pris le visage entre les mains, me cachant de ma chevelure blonde et emmêlée.

—Est-ce-qu’un acteur si beau et si intouchable pourrait un jour me remarquer ?

Mon côté réaliste et défaitiste reprit le dessus, je m’effondrais un peu plus sur ma chaise et continuais de contempler l’objet de mon attention.

Une idée me vint, mais je la repoussais au fond de ma cervelle tourmentée.

23:45

01:55

Je levais les yeux sur la pendule accrochée au mur et vis que j’avais passé plus de deux heures à contempler et à chercher des informations sur lui. Mais que me prenait-il ?

Je décidais d’aller me coucher en espérant dormir un peu. Me pelotonnant dans ma couverture, je tournais et virais, boxant mon oreiller pour trouver ma position, mais rien n’y fit, mes pensées revenaient toujours vers lui.

D’une secousse, je me dégageais de mes encombrantes couvertures, sautant de mon lit, je me saisis d’un bloc note et reparti m’installer avec une bonne tasse de café à ma table de cuisine. Prenant une grande bouffée d’air, je me mis à écrire :

Cher acteur,

Vous ne me connaissez pas et nous ne nous rencontrerons probablement jamais (c’est même sûr). Je prends mon courage à deux mains pour coucher ces quelques lignes (que vous ne lirez jamais). Votre rôle m’a captivé. Depuis bien trop longtemps, je navigue dans un tunnel sans sortie, un puits sans fond. Le personnage que vous incarnez est si mélancolique, si triste parfois, qu’il me fait penser à mes propres émotions, à mon ressenti face à ma douleur.

Chaque passage heureux, chaque dénouement m’a fait ouvrir les yeux. Des sentiments que je croyais ne plus connaître on resurgit grâce à votre rôle, à votre interprétation. Je dois vous remercier de m’avoir sorti de mon coma émotionnel.

Je suis sure que vous ne lirez jamais cette lettre mais j’ai le sentiment qu’il faut que je l’écrive.

Je vis dans un petit village au sud de la France (si vous vous ennuyez entre deux tournages et trois autographes, cherchez où est Vailhauquès). Nous n’avons pas le même métier (heureusement car je ne supporterais pas d’avoir tous ces gens autour de moi), ni la même façon de vivre, vous les flashs et les plateaux de tournage, moi avec les ciseaux à la main et un sèche-cheveux. Nous n’avons même pas le même âge ! D’après ce que j’ai lu sur vous.

Votre visage m’est familier et inconnu à la fois ! J’arrête de vous barber avec mes phrases ridicules qui vous sembleront, sans doutes, bien risibles.

Allez vous faire une suite à ce film ?

Avez-vous lu la saga dont votre film est tiré ?

Je n’obtiendrais pas de réponse de votre part donc mes questions s’arrêteront là.

Je vous souhaite une grande réussite cinématographique.

Toutes mes salutations

Jessica

Une fois finis, je regardais ma cuisine comme si je la voyais pour la première fois. Des meubles en bois clair, un plan de travail noir, une bonne cafetière Senseo, des tasses qui jonchaient l’évier, à croire que je ne me nourrissais que de café. Quelques plantes par-ci par-là. Voilà où je passais presque toutes mes soirées. Mes yeux me brûlaient de fatigue, mon dos était douloureux d’être restée trop longtemps assise.

—Oh ! Je suis cinglée, je ferais mieux d’aller me coucher, au lieu d’écrire des inepties.

M’allongeant, je m’endormis avec des images plein les yeux, un sourire éclatant, un regard envoûtant, une stature et un corps à damner un saint. Ce fut la première nuit où je ne rêvais pas de mon mari.

Le réveil sonna à 6h45, comme chaque matin. Je tendis la main pour arrêter cette maudite sonnerie qui me vrillait les tympans. Mon premier réflexe fut d’allumer ma cafetière et le second fut de me traîner jusqu’au placard de l’entrée pour prendre 2 dolipranes.

Le souvenir de mes rêves de la nuit passée me donna encore plus d’élancements dans mon crâne.

(C’est ma punition ! Pensais-je dans ma tête)

Mes deux loustics ne se levèrent guère de temps après moi, interrompant ainsi mes sombres réflexions.

—Salut maman, ça va ? Me demanda Tristan.

—Salut ! Il y a quoi pour le petit dej’ ? Répliqua Thomas.

—Bonjour, les gars. Prends les céréales et sers ton frère en même temps, s’il te plaît Thomas.

Je me préparais ma 4ème tasse de café en pensant à ma folie d’hier. Quelle idée avais-je encore eu !

—Aujourd’hui est un autre jour ! Marmonnais-je dans ma barbe.

—Hein, quoi ? Tu as dit quoi m’an.

—Rien rien, je radote.

Tristan me regardait sans comprendre. Mes fils devaient me prendre pour une folle ce matin. Je me passais la main dans les cheveux emmêlés, pour essayer d’éclaircir mes idées. Mais rien n’y fit, je pensais toujours à ce maudit film.

—Allez, après le petit déjeuné, vous vous habillez et je vous amène à l’école.

—C’est vrai, on n’y va pas tous seuls aujourd’hui ?

—Non, je pense qu’Émilie sera là aussi. On vous amènera toutes les deux, faut que je parle avec elle.

Comme je touillais mon café, je vis les garçons faire des messes basses.

—Je vous écoute, que voulez-vous me demander ? Je vous connais comme si je vous avez faits. Dis-je en riant.

—On peut manger à la cantine ? Aller dit oui ! Supplièrent-ils.

—OK, dis-je. Ça m’arrange, je vais sûrement aller faire les boutiques avec Émilie.

Je me réfugiais dans ma chambre, mon armoire me lançait le défi de trouver des vêtements corrects. Un jean et un chemisier feraient bien l’affaire, en attendant que je fasse les boutiques aujourd’hui.

TOC TOC !

—J’y vais, cria Tristan.

J’enfilais rapidement mon pantalon et mon chemisier et parti vers l’entrée.

—C’est Emilie m’an ! Cria Thomas.

—Ne hurle pas, je suis là.

Émilie était déjà installée dans la cuisine un café à la main. À mon entrée elle me détailla de haut en bas.

—Oh quelle tête ! Tu as fait nuit blanche ou quoi ?

—On peut dire ça.

Sans la regarder, je me servis encore une tasse de fortifiant pour tenir la journée. J’aurais sûrement besoin de plusieurs tasses, vu dans l’état de fatigue dans lequel je me trouvais.

—Comment vas-tu depuis hier soir ?

—Bien, mais dis-moi, c’est quoi ça ? Son doigt montrait la folle lettre écrite la veille.

—Oh, ça, c’est un délire que j’ai eu cette nuit. Je n’ai pas eu le temps de débarrasser la table, laisse-moi boire mon jus et amener les enfants à l’école et je fais tout disparaître.

—Hum !

Son air pensif me surprit.

Je pris mon courage à deux mains et lui dis :

—Tu veux bien m’aider ? J’ai besoin de toi. Vu la tête que tu fais, ne t’inquiète pas je ne te demanderai pas la lune.

—Oui, qu’est-ce-que tu as envie de faire. J’espère que ce n’est pas encore un truc à coucher dehors !

—J’ai réfléchi cette nuit et je pense que Nico aurait voulu que je passe à autre chose.

Sur son visage se peignit un étonnement qui me fit rire, son expression était comique et inattendue.

—J’ai un doute, tu veux finir la maison ou c’est autre chose ?

—Oui c’est un des projets, mais c’est plutôt sur moi qu’il y a le plus de travaux.

—Quoi ! Tu es enfin décidée ?

—Je crois que j’ai assez vécu dans l’ombre, non ?

C’était plus une constatation qu’une question. Je n’étais pas le genre à demander de l’aide pour quoi que ce soit, mais là je ne savais absolument par où, et ni par quoi commencer.

Emilie me tourna le dos et cria assez fort pour se faire entendre des garçons.

—Allez les gars, on y va. On vous amène à l’école et après je m’occupe de votre mère. Et soit dit en passant elle en a besoin ! On prend ma voiture on ira plus vite. Prends un dernier café ça te réveillera.

Ma fatigue devait se lire sur mon visage, je n’avais plus l’habitude de veiller une partie de la nuit et l’appréhension l’amplifiait sûrement.

CHAPITRE 2

Une fois les enfants à l’école, le doute me prit à la gorge. Comment redevenir la Jessica d’autrefois ? Avec cette tristesse qui ne me quittait pas, on ne pouvait pas faire de miracles !

J’eus l’impression que mon amie aussi, se posait la même question. Nous étions sur le départ quand Émilie me dit vouloir faire une course avant de s’occuper de mon cas, quelques minutes seules ne me feraient pas de mal, au contraire. Elle me déposa à la maison et repartit aussitôt. Au bout de trois quarts d’heure je crus à une fuite de sa part devant l’ampleur de la tâche à accomplir. Quand elle entra à la maison, son pas, d’ordinaire léger, était plutôt traînant, sa mine soucieuse m’interpella.

—Qu’est-ce qui ce passe ? Il y a un problème ?

—Non, non !

—Alors quoi ? À ta tête, il s’est passé quelque chose. Lui demandais-je de plus en plus anxieuse.

—Si, et ce n’est qu’une supposition ! Et si j’avais pris les devants, pour ton bien, tu m’en voudrais ?

—Qu’est ce que tu racontes, je viens de te demander de m’aider à me retrouver et à ressembler à quelque chose, alors non je ne t’en voudrais pas !

—Non c’est plus que ça.

Qu’avait elle fait qui pourrait me déranger à ce point? Nous ne nous étions quitté qu’une demi-heure.

—Déballe ! Qu’as-tu fait ?

—J’ai posté ta lettre.

—Quoi ? Mes yeux s’agrandirent à m’en faire mal.

—Je me suis arrêtée à la poste, j’ai cherché sur le net les coordonnées de son fan-club et j’ai posté la lettre.

Je sentis tout mon sang se retirer de mon visage, un essaim d’abeilles s’étaient logées sur mes tympans tellement mes oreilles bourdonnaient, je me sentais mal.

—Mais je n’ai raconté que des âneries dessus. J’ai écrit ce qui me passait par la tête, elle n’a aucun sens.

—Oh pas tant que ça. Et puis comme on dit, qui ne tente rien n’a rien !

—Tu n’avais pas le droit ! C’était personnel !

—Je sais, je n’ai pas pu m’en empêcher, ça a été plus fort que moi.

—Et je fais quoi, maintenant ? Je passe pour une cruche, dis-je en colère.

—Mais non, j’ai mis un postit collé sur ta lettre en lui expliquant que tu n’es absolument pas au courant de cet envoi. Et puis maintenant c’est trop tard, il n’y a rien à faire. Vu comme il est harcelé par ses fans, j’ai pour ainsi dire gâché mon timbre. J’ai la certitude que ça va te faire du bien, tu as vidé ton sac à une personne que tu ne connais pas, tu lui as écrit sans tabou, c’est cool, non ?

—Tu parles ! Tellement cool pour moi qu’il va me prendre pour une folle, une dépressive qui le harcèle, dis-je en me cachant dans mes mains d’un air peiné.

—Bon n’y pense plus, les garçons sont à l’école, on a plus de 6 heures devant nous.

—On fait quoi alors ? 6 heures suffiront non ?

—Coiffeur, esthéticienne, et shopping. Eh oui, j’espère qu’on aura le temps de tous faire !

—Super-génial, j’ai hâte de commencer, dis-je ironiquement.

—Allez ferme la maison et laisse-toi guider. En plus, l’esthéticienne où je t’amène, c’est Joëlle, ma camarade de collège. Tu t’en souviens ?

—Oui, je me suis toujours méfié d’elle. Elle tournait autour de Nico et ce du début à la fin.

—Attends, je t’arrête de suite, ils étaient gosses quand ils ont flirté ensemble. Ça remonte à loin tout ça. N’y pense plus.

—Ouais, je dois être trop susceptible, mais bon, c’était leur passé commun qui me chagrinait.

De savoir qu’Émilie m’amenait et me confiait à Joëlle me dérangeait. J’avais toujours refusé d’imaginer une idylle entre mon mari et elle. Depuis l’enterrement, je ne l’avais pas revu, et je ne m’en portais pas plus mal. Et l’envie de la voir et de sentir cette jalousie qui ne la quittait jamais à mon égard, ne serait jamais venue de moi. Ah, si ce jour-là, il avait pris sa voiture au lieu de la mienne, ce serait différent aujourd’hui.

—Bon tu fermes la porte ou j’appelle un serrurier ?

Par sa réflexion, je sortis de mes pensées morbides, je pris mon sac et mes clés, je regardais ma vieille Ford Orion, l’ancienne voiture de ma grand-mère, nous avions presque le même âge toute les deux, la trentaine. Émilie ne supportait pas « les vieilles bagnoles », comme elle disait.

Elle m’amena jusqu’à sa voiture, une grosse BMW, sportive noire toutes options, avec vitres fumées. Rien de mieux pour passer inaperçu, bien sûre. Je m’installais sur le fauteuil en cuir, et bouclais ma ceinture. Je fus surprise de ne pas entendre le bruit du moteur.

—Elle est super-silencieuse ! Avec la mienne, j’ai l’impression de conduire un tracteur, dis je en riant.

Nous avions 20 minutes de route pour arriver au centre-ville de Montpellier. C’était une jolie ville qui grandissait chaque année à vue d’œil. Je n’y avais pas remis les pieds depuis 1999, date à laquelle je finis mes études. Je la redécouvrais avec plaisir, son arc de triomphe, ses rues pavées, ses marchés, sans oublier son incroyable place du Peyrou. Une fois garées au parking, nous décidâmes de marcher dans les petites rues du centre-ville. Un régal, une nostalgie de mes années lycées s’empara de moi, les devantures colorées, les gens, tout ça m’avait manqué, je devais bien le reconnaître. Mon deuil prenait fin.

Émilie m’amena d’abord chez Joëlle.

Quand celle-ci me vit, elle fronça tellement les sourcils que je cru à un découragement de sa part ou à de la colère.

—Bien ! Il ne faut pas traîner vu l’ampleur du travail !

—Euh, oui, ça fait un moment que…. Je laissais ma phrase en suspend ne sachant que dire.

—Émilie tu reviens ou tu attends ? Dit Joëlle en m’ignorant.

—Je crois que je vais faire du repérage, je vais éviter les boutiques de jeans et voir le coiffeur. À plus ma belle ! Profite bien, tu en as besoin. Je reviens dans 2 heures !

Je grognais pour lui signifier mon manque d’enthousiasme pour toutes ces choses. Joëlle m’inspecta de long, en large et en travers, comme une bête de foire.

—Depuis combien de temps n’as-tu pas nettoyé ta peau ?

—Jamais.

—OK ! Il y a un début à tout. Dit-elle sarcastique. Allez, il y a du boulot, détends-toi.

—C’est facile à dire.

Je me fis tartiner, palper, rincer, retartiner, masser, rincer, enduire, éponger, épiler, frotter et poudrer. Au bout de 1 heure 45 de torture, je commençais à me couler sur la table de massage quand Émilie entra tout excité. Je soulevais à peine une paupière tellement j’étais ramolli.

—Oh ! Je sais où t’amener après ton rendez-vous chez le coiffeur. J’ai trouvé une super boutique au centre-ville, tu vas voir. Ils ont des trucs géniaux.

—Elle sera prête dans un quart d’heure, si elle se réveille !

J’étais tellement détendu que j’écoutais distraitement ce que se racontaient les deux amies. Dans la brume du sommeil, j’entendis Émilie annoncer comment elle avait trouvé les coordonnées de Gabriel Prinsson et posté ma lettre sans me demander mon avis. Joëlle ricana.

Je m’assoupis sans écouter les sarcasmes que celle-ci ne manquerait pas de dire. On me réveilla, doucement. Je mis un certain temps à émerger. Émilie me souriait avec un air penaud. Elle me prit par la main et me traîna jusque chez son coiffeur.

Le calvaire recommença.

Il fit des miracles. Au début il commença à mettre un produit bleu sur quelques mèches et les enveloppa dans du papier alu, en une demi-heure, je ressemblais à un sapin de Noël. Quand il rinça les papillotes, le bleu laissa derrière lui de jolies mèches dorées. Il m’installa dos à la glace pour que ne puisse pas voire quoique se soit. Je vis les ciseaux s’attaquer à moi, une main de fer les guidait. Ils tiraient, coupaient, effilaient puis plus rien. Je venais de gagner une bataille, mais la guerre continuait, une brosse se mit de front et attaqua, souple et vive, elle coopérait avec un sèche-cheveux, je ne fis pas le poids bien longtemps faces à mes assaillants. Quand mon tortionnaire m’enleva la camisole et me mit face au miroir, je sus que je venais de gagner ma guerre. Une cascade blonde et ondulée retombait sur mes épaules, j’étais légère comme si on m’avait soulagé des poids accumulés depuis ces 3 dernières années.

—Houaaaa ! Le crie de cœur qu’Émilie poussa valait tous les compliments possibles et inimaginables. Et que la transformation continue !

Elle m’emmena de boutique en boutique me faisant acheter des vêtements qui à force me semblaient plus ou moins tous les mêmes, sobre, sexy et osé, enfin, tout à la fois. Mais, Dieu merci elle respectait mes couleurs sombres et des coupes sobres.

C’est ainsi que je me retrouvais avec un pantalon noir, coupe près du corps et taille basse, un chemisier cintré de la même couleur et une paire d’escarpins à haut talon. Elle fixa une broche au-dessous de mon épaule. C’est maintenant que je réalisais que mes quelques kilos perdus étaient les bienvenues.

—Ça te correspond vraiment.

Je regardais le bijou, c’était un phénix, et comme lui, après la mort je renais de mes cendres.

J’avais l’impression de me réveiller après une hibernation. Je me vis telle que dans le grand miroir du magasin, une jeune femme sobre et élégante. Joëlle et le coiffeur avaient fait des miracles, ils ont réussi à gommer 3 ans de détresse et de tristesse en moins de 5 heures. C’est avec un nouveau respect de moi-même que je me fixais.

Tant d’années à se terrer, à s’oublier, à se noyer dans un chagrin, qui grâce à mon amie Émilie venait de prendre fin.

Notre retour fut détendu et serein. Les enfants sortirent de l’école à 17 heures. Ils me passèrent à côté mais ne me reconnurent pas. Ils se dirigèrent vers Émilie directement.

—Maman n’est pas là ? Demanda Tristan.

—Si regarde derrière toi, vous êtes passé à coté d’elle sans la voir.

—Houaa ! Maman dirent les garçons en même temps.

Je rougis, mes deux petits hommes venaient de me faire le plus beau des compliments.

C’est ainsi que les jours, les semaines et les mois passèrent. Je réapprenais à vivre en tant que femme. Je reprenais l’automatisme de me pomponner et m’habiller.

Les vacances de la Toussaint arrivèrent vite. Depuis ma résurrection, le temps filait à toute allure.

Mes beaux-parents vinrent chercher les garçons pour les 2 semaines de vacances. Chaque année, ils partaient dans les Pyrénées, pas pour skier, mais pour fêter Halloween à la montagne. C’était un rituel qui s’était instauré dès que les garçons ont eu 3 ans. Une fois les bagages chargés, les aux revoirs furent poignants. J’adorais ma belle-famille, et il me le rendait bien, la perte de leur fils unique fut atroce pour eux aussi, mais les garçons étant très proches d’eux, ils atténuaient ce manque qu’avait provoqué la mort de Nico.

CHAPITRE 3

1er Novembre 2008

Le premier matin de mes vacances ! Quel plaisir de pouvoir traîner au lit, de ne pas avoir de petits déjeuners à préparer, ne pas avoir d’horaire fixe. Je m’étirais comme un chat, limite ronronnant de plaisir en pensant à ma journée de farniente.

Quand une sonnerie stridente me réveilla en sursaut.

—FLUTE, ZUT, ET REFLUTE ! Mon premier jour seul et voilà qu’on me persécute, dis-je en grognant.

Je me précipitais à la porte pour voir qui était l’importun qui osait venir me sortir de mon lit si tôt. Quand j’ouvris la porte, un énorme colis me faisait face. Me penchant de côté, je vis l’homme caché derrière le carton.

—Bonjour, dis-je d’une voix encore endormie.

—Mme Jessica Venthe ?

—Oui c’est moi.

—Pourriez-vous me dire ou déposer votre colis ? C’est un peu encombrant.

Je le regardais hébété sans comprendre, mais qui m’avait envoyé un colis ? Je lui montrais la cuisine, il déposa son chargement sans trop d’efforts.

—Il est encombrant mais n’est pas trop lourd à priori.

—Non, ça va, j’ai l’habitude. Vous pouvez signer là ? S’il vous plaît.

Je signais où il m’indiquait, il prit ses papiers, me salua et parti de suite après.

La curiosité me piqua et le brouillard dans lequel je me trouvais se dissipa instantanément.

—Pas de précipitation, ma vieille, d’abord un café et après on regarde tous ça.

Parler toute seule était devenu une habitude face à ma solitude. Une fois mon café dans les mains, je me précipitais sur le carton comme une enfant le jour de Noël, déchirant le paquet pour voir ce qu’il contenait. J’en sorti 5 beaux livres reliés. « Saga crépuscule », lis-je. Ne comprenant pas de qui était l’envoi, je fouillais dans le fond du colis et trouvais de quoi étancher ma curiosité. Une enveloppe avec mon prénom écrit dessus me sauta aux yeux. L’écriture était net, droite et lisible. Je ne reconnaissais pas cette façon d’écrire. Je décachetais l’enveloppe et commençais la lecture.

Les premiers mots m’assirent, à même le sol, au milieu de ma cuisine, je sentis mon cœur tressauter, comme s’il voulait sortir de ma cage thoracique, mon étonnement me priver de toute autre faculté. Les mains tremblantes, en pyjama, au milieu de mon sanctuaire (la cuisine), assise en tailleur à même le sol, je découvrais cette lettre :

Chère Jessica,

J’ai étais très ému par ta lettre, je me permets de te tutoyer car il me semble que même si nous ne nous sommes jamais rencontré, nous sommes proche car nous avons aimé le film tous les deux.

Je me suis permis de t’envoyer tous les livres de la saga pour que tu découvres réellement les personnages et la fin de l’histoire. Tu pourras connaître la suite et me dire ce que tu en penses.

Comme tu me l’as faits remarquer, j’ai pris le temps entre « 2 tournages et 3 autographes » de me documenter sur ton village. Vailhauquès signifie vallée des eaux. Son histoire est très intéressante.

Merci de ne pas tenir compte des ragots qui se disent sur ma vie. Les journalistes se sentent obligés de broder sur des histoires plus ou moins vraies. J’ai senti dans ta lettre une profonde détresse qui m’a pris aux tripes, je ne comprends pas ma réaction moi-même.

Je souhaiterais te connaître un peu plus, raconte-moi tes journées, décris-moi ton métier, ta vie.

Ah ! j’oubliais, tu m’as dit que nous n’avions pas le même âge, mais à ta façon d’écrire, tu n’as pas l’aire d’avoir un déambulateur, une mise en plis et encore moins des bas de contention. Pour ma part tous les rôles que j’ai eus au cinéma se passent pendant l’adolescence, mais ce n’est pas dans ma réalité. J’en aurais 29 en Mars. Je ne pense pas que nous ayons une grande différence d’âge.

Acceptes-tu de m’écrire encore ?

Je pense venir dans le sud pour la promo du second volet de la saga, d’ici 18 mois, peut-être moins.

Lis-les et dis-moi ce que tu en penses.

S’il te plaît répond moi, ne change pas ta façon de penser, et de m’écrire. Avant d’être un acteur, je suis un homme de chaire te de sang.

Merci encore d’être sincère, et de m’écrire en adulte et pas en groupie. Ça me change des lettres chargées de parfum avec des mots d’amours, je ne supporte plus d’être une célébrité rien que pour ça.

J’attends ta réponse avec impatience.

Amicalement GABRIEL

Je n’en revenais pas ! Une réponse était au-dessus de mes espérances, alors un colis c’était impensable. Il m’avait répondu ! Ce n’était pas possible, je relus la lettre une dizaine de fois avant d’y croire vraiment. Émilie avait raison, cette lettre avait changé les choses.

Saisissant le premier volume, je commençais à le dévorer, à même le sol, sans me rendre compte que le froid pénétrant traversait mon bas de pyjama. Quand je voulus me relever mes fesses douloureuses me firent réaliser l’endroit où je me trouvais et dans quelle position je me tenais depuis trop longtemps.

Je me refis un café sans lâcher le livre. Je m’en fis un troisième, puis un quatrième et parti, toujours en pyjama, sur mon canapé. Le café dans une main et le bouquin dans l’autre.

Absorbée dans ma lecture, je ne vis pas le temps passer. Je grignotais ce que ma main trouvait en fouillant dans le frigo, jambon, saucisson, cornichon.

Au milieu du livre, je décidais de le poser. Un break me ferait du bien. Je pris enfin ma douche, il était 4 heures de l’après-midi. J’enfilais un vieux jean et un tee-shirt pour être à l’aise et me replongeais dans mon histoire.

Je le finis au milieu de la nuit. Je fus surprise d’être entrée dans le livre aussi facilement. Quand Émilie les avait comparés au nouveau Roméo et Juliette, j’en avais presque pleuré, mais maintenant que le premier livre était lu, la seule chose à dire était : respect.

En me mettant au lit le soir venue, le sommeil me désertait, la dose de café absorbée durant ma lecture n’y était pas étrangère. Je me posais tellement de questions sur la suite de l’histoire que je fus obligé de reprendre la suite. Je continuais, mes yeux me brûlant, mais l’histoire était trop captivante.

Je me réveillais dans la matinée le livre collait à ma joue, la bouche pâteuse et courbatue d’avoir dormi assise au lieu de s’être blotti dans mes couvertures.

Je fis un brin de toilette. Puis me remis à ma lecture si passionnante. Le soir n’y tenant plus, je téléphonais à Émilie.

—Salut !

—Coucou.

—Tu ne devineras jamais ! Lui-dis je avec enthousiasme.

—Euh non ! Je n’ai pas le don de double vision.

—Gabriel m’a répondu et m’a envoyé la collection complète de crépuscule.

—Bouge pas, dans dix minutes je suis chez toi.

—OK, A+.

Je me pris à relire la lettre de Gabriel, encore et encore, sans vraiment croire qu’elle m’était adressée.

Émilie entra comme une tornade dans la maison sans frapper.

—Fait voir ça ! Me dit -lle tout excitée, je veux tout savoir, tout lire et tout voir.

Je lui tendais la lettre que je tenais encore dans mes mains. Je gardais le silence et vis une multitude d'expressions se succéder sur son visage.

—Oh mon Dieu ! Tu vas faire quoi ?

—Eh bien pas plus, j’ai fini le premier livre qui est au passage mieux que le film. Et j’ai bien attaqué le second qui est aussi captivant.

—Tu vas lui écrire ?

—Oui je pense, enfin, je ne sais pas trop.

—Oh la la, tu vois je le sentais. J’ai eu raison de suivre mon instinct et de poster cette lettre. Quand je vais raconter ça à Joëlle, elle restera sans voix.

—Oui, pour une fois, dis-je avec un grand sourire.

—Bon je me sauve, j’ai un rendez-vous galant ce soir et faut que je me rende irrésistible. Je ne suis pas comme toi, moi, il me faut de la préparation.

—Je te raconterais tout le week-end prochain. J’aurais sûrement finis la saga.

Une fois seule, je ne put m’empêcher d’aller chercher mon bloc note pour ébaucher une seconde lettre pour Gabriel.

Cher Gabriel,

Je suis estomaquée d’avoir reçu une réponse de ta part. Je te remercie pour ce somptueux cadeau. J’adorais la lecture avant, mais les circonstances on fait que l’envie avait disparu. Un énorme merci pour m’avoir redonné goût à ce démon qui m’avait déserté.

Quand tu dis : « tu voudrais me connaître », comme réponse je te dirais qu’il n’ y a pas grand-chose à dire. Je suis une veuve de 30 ans avec 2 jumeaux de 7ans. J’ai un très sale caractère et suis très autoritaire, que des défauts assez dérangeant pour mon entourage. Ma vie tourne autour des garçons et de ma société. Comme tu peux le remarquer, rien de bien captivant.

Ah si ! Je me suis fixé comme objectif de finir ma maison. C’était un projet que mon mari et moi avions, mais je n’avais plus la motivation. C’est un peu grâce à Émilie et à toi que mes initiatives reviennent au grand galop. J’aimerais finir ma maison à mon idée, j’ai des cloisons à déplacer, du placo à refaire et pour finir toutes les peintures. Et au printemps, j’aimerais m’atteler à mon jardin. Mais ça c’est une autre histoire.

D’après ce que tu dis dans ta lettre, tu as 2 ans de moins que moi et pourtant, j’ai l’impression d’avoir 100 ans par rapport à toi.

Je pense finir le tome 2 ce soir, tu as raison, je me régale, je me suis même endormie dessus cette nuit.

Dans la semaine, je vais attaquer les peintures des chambres, comme les enfants sont en vacances, je mets à profit d’avoir du calme et du temps pour ce genre de travaux. Les pièces étant petites, ça devrait être rapide.

Et toi ? Où es-tu ? Quel film tournes-tu ? Pars-tu en vacances ? J’attends de tes nouvelles avec impatience.

Affectueusement Jessica

Je postais la lettre le lendemain.

CHAPITRE 4

28 Novembre 2008

Préparation des murs finis.

—Émilie ! Viens m’aider ! Ma bâche me tombe dessus !

—J’arrive ! Ma parole, qu’ils sont lourds ces pots de peinture !

—Si tu ne te dépêches pas, je vais être enseveli ! Grouille !

Je vis une Émilie échevelée et essoufflée accourir aussi vite que le permettait sont lourd chargement. Posant ses encombrants seaux, elle accourut à ma rescousse.

—Tu as des nouvelles ?

Je sus de suite de qui elle parlait, ma vie était tellement sage que la seule personne à égailler mes sombres pensées était Gabriel.

—Non pas de nouvelles.

Depuis ma seconde lettre, pas de réponses de sa part, pas un colis. Je me persuadais qu’il était trop occupé pour me répondre. Mais plus les jours passaient, plus mon morale tombait. L’espoir s’amenuisait. Les garçons étaient rentrés de leurs vacances et avaient de suite mis la main à la pâte pour m’aider dans ma restauration. Normal, ayant commencé par leur chambre, le changement de couleurs les avait tellement motivé que nous attaquions le couloir.

—Tu vas chercher les garçons à quelle heure ?

—Ils ont voulu rester à la garderie, donc pas avant 18 heures.

—OK, ça nous laisse le temps de scotcher ton truc qui menace de t’engloutir ! Dit-elle en pointant du doigt la bâche.

—Va pour le scotchage !

CHAPITRE 5

22 Décembre 2008

—Allez maman !

—Mais il va s’écrouler si ça continue.

—Un sapin qui n’est pas décoré, n’est pas un Sapin de noël.

—Arrête tes bêtises Tristan, il va tomber ! Dis-je sèchement.

—Oh, maman est de mauvaise humeur ! Viens Thomas, on va jouer aux cartes.

—C’est ça, allez dans votre chambre et calmez-vous un peu, Noël n’est que dans 3 jours. Tristan avant d’aller jouer peux-tu aller me chercher le courrier, j’ai oublié de le prendre tout à l’heure.

—OK.

Je rangeais le reste des décorations du sapin quand Tristan posa le courrier sur la table. Me faisant couler un café, je commençais à le trier, facture, pub, facture, une enveloppe à bulle qui m’était adressée ?

Je reconnut l’écriture de Gabriel. Ça faisait presque 2 mois que je guettais une réponse, j’avais baissé les bras pensants que je ne l’intéressais plus, qu’il ne pensait plus à moi. Une espèce d’excitation me tomba dessus. Déchirant la lettre avidement, elle me parut bien épaisse pour une simple feuille.

J’en sorti un écrin plat et une page d’écriture. N’ayant jamais eus de patience, j’ouvris le coffret et découvris un magnifique-marque page en dentelle blanche.

Dépliant la lettre je lue :

Ma chère Jess

Je suis désolé, mais le temps m’a manqué pour t’écrire avant, mais mes pensées ne t’ont pas oublié un instant.

J’espère que mon petit présent te fera plaisir, je n’ai pas pu m’empêcher de te faire un petit cadeau pour Noël. C’est un signet en dentelle du Puy, une grand-mère les faisait et j’ai trouvé celui-ci magnifique. C’est en pause que je t’écris, je tourne 2 films en même temps et je suis sur les rotules. Je pense avoir plus de temps après les fêtes. As-tu réussi à peindre les pièces que tu voulais ? Je te promets que mes résolutions pour 2009 seront de t’écrire plus souvent et de prendre plus de temps.

Que fais-tu pour les fêtes ?

Je suis à Paris en ce moment, où nous faisons le tournage de crépuscule 2 et d’une comédie romantique qui s’appelle : « Ne m’oublie pas » ! Tu en es où de ta lecture ?

Ça va te paraître idiot de ma part mais j’aimerais avoir ton numéro de téléphone et si tu me le permets, j’aimerai t’appeler de temps en temps, entendre le son de ta voix. Je n’ai rien contre les lettres mais j’aimerais que l’on parle tous les deux.

Tu connais ma façon de parler, tu sais à quoi je ressemble, mais moi je ne connais rien de tout ça pour toi.

Je ne peux pas te donner mon numéro par courrier car s'il est intercepté, ce serait la catastrophe pour moi.

Je t’embrasse et pense fort à vous 3.

A bientôt

Gabriel

Enfin, comme une gamine de quinze ans, je me mis à sauter de partout, renversant au passage mon café et bousculant mes gars. Ils me regardèrent comme si j’étais devenue folle !

Noël se passa en famille, mes parents et mes beaux-parents vinrent à la maison. Ce fut une soirée décontractée et simple, les enfants en profitèrent pour se gaver de chocolat ! Heureusement qu’ils ont un foie en béton !

Le jour de l’an suivit. Émilie et son compagnon du moment nous rejoignirent. Notre soirée prit un tour hilarant, nous passions notre temps à jouer comme des gamins à des jeux de société. Ce fut une soirée simple et pleine de joie. J’eus plus d’une pensée pour Gabriel, me demandant s'il avait rejoint sa famille ou s’il était toujours en tournage. Comment faisait-il pour jongler entre le cinéma et les siens ?

Je décidais de lui écrire et en même temps de lui envoyer les vœux.

Cher Gabriel

Bonne et heureuse année 2009 à toi et à tes proches.

Merci beaucoup pour le cadeau de noël, il m’a fait énormément plaisir, je ne m’y attendais pas du tout.

Je me suis rendu compte que tu ne connais pas mon visage ni ma voix, moi je ne connais aucune de tes passions, même pas tes goûts de chocolat. Je t’ai glissé une photo des enfants et de moi prise pour le jour de l’an, elle date de 3 jours, comme ça, pas de surprise !

Comment as-tu passé tes fêtes ? As-tu profité de tes proches ? Nous, nous avons passé les fêtes en famille, Émilie m’a même présenté son amoureux du jour, nous avons bien ri. Il y avait longtemps que je ne m’étais pas autant amusée. Je joints une carte de visite appelle-moi quand tu veux. Je vais mettre à profit les vacances de février pour finir de lire et surtout peindre. Je n’ai plus que 2 pièces à poncer, comme les enfants vont en vacances chez mes parents, je vais pouvoir tâter du pinceau.

Je t’embrasse.

Affectueusement Jess.

CHAPITRE 6

17 Janvier

—Les enfants vous allez chacun dans votre chambre et faites vos devoirs, j’ai eu une rude journée, je vais me poser un peu.

—Tu veux qu’on commande des pizzas pour ce soir ? Comme ça, tu n’auras pas à cuisiner, dit Tristan.

—OK tu gères mon grand.

Je m’allongeais tout juste sur mon canapé quand mon portable sonna.

—Et zut, pas moyen de se reposer.

Je décrochais :

—Jess coiffure à domicile bonsoir ! Récitais-je d’une voix enjouée.

—Bonjour, tu as une très jolie voix !

—Pardon ! Dis-je en sursautant.

—Oups ! Excuse moi, c’est Gabriel. Ça va ?

—Euh oui, je ne m’attendais pas à ton appel. J’eus des frissons en écoutant cette voix grave et profonde.

—J’ai eu envie de t’appeler depuis que j’ai reçu ta lettre, mais je n’osais pas.

—Tu es timide avec le métier que tu fais ? Tu rigoles là, on dirait que je t’intimide.

Un drôle de rire sortit de ma bouche et se répercuta dans mes paroles.

—Mais non, c’est différent. On se connaît mais j’ai eu peur de te déranger.

—Tu ne me déranges pas, je fais une pause, en plus ce soir je ne cuisine pas. Les enfants ont décidé de faire une soirée pizza, c’est pour ça que je suis affalé sur mon canapé.

—Tu en es où exactement dans tes travaux ?

—J’ai du retard, j’ai eu beaucoup de boulot ces derniers jours, et j’ai pris pas mal de rendez-vous pour les jours à venir. Le soir, je n’arrive même pas à lire un chapitre de mon livre, au bout de quelques lignes, je m’endors sur les pages. Je ne suis pas du tout productive, dis-je en riant.

—Je te dérange alors ?

—Non, tu me détends. Ça fait plaisir de parler à quelqu’un d’autre qu’Émilie.

—A oui ! La fameuse Émilie ! Je vais te laisser te reposer. Je t’appellerai demain soir, si ça ne te dérange pas.

—J’attends demain avec impatience.

—Bonne nuit. Dit-il avec douceur.

—Bonne nuit. Répétais-je.

Comme prévu, mes semaines furent chargées, levées 6 heures, plus que 12 heures, petit-déjeuner en famille à 7 heures, plus que 11 heures, déposent des enfants à l’école à 8 heures, plus que 10 heures, rendez-vous en continue jusqu'à 13 heures 30, pose, plus que 4 heures 30, rendez-vous jusqu'à 17 heures, plus que 1 heure, reprendre les enfants à l’école, enfin 18 heures, attente de l’appel de Gabriel, 19 heures repas et enfin 21 heure au lit. Ce fut cet emploi du temps jusqu’aux vacances de février.

Mais les week-ends avec Émilie étaient plus détendus. Nous passions notre temps à agencer la maison et à emballer les bibelots en prévision de la peinture de la grande pièce à vivre. Nous étions fourbus de se baisser et de scotcher toutes les plinthes, les encadrements de porte et de fenêtres. Mais c’était obligatoire, le soir, nous délirions sur les couleurs des murs, nous nous détendions comme ça.

CHAPITRE 7

20 Février 2009

Premier jour des vacances !

Comme prévu, mes parents vinrent chercher les garçons. Je chargeais leur voiture des valises de Tristan et Thomas, un chargement énorme par rapport à leur taille.

—Merci papa de prendre les petits. Avec la peinture, je ne sais pas comment je me serais organisée.

—Tu n’es pas en vacances aussi ?

—Si, mais je voudrais avancer au maximum l’intérieur voir même le finir pour pouvoir attaquer l’extérieur aux beaux jours, et promis je me reposerais aussi !

—Profite un peu ma chérie, dis ma mère d’une voix douce.

—Je compte bien en profiter aussi, j’ai attaqué une série de livres qui est plus que passionnante, mais avec le boulot que j’ai eu, je n’ai pas pu m’y mettre ses dernières semaines donc là, je vais en savourer chaque instant. Surtout qu’il ne me reste que quelques chapitres.

—Allez, les fistons, dites au-revoir à maman on décolle.

Je pris mes fils dans mes bras et les embrassai, à chaque fois c’était un déchirement, mais la solitude était une bénédiction, j’appréciais ses moments qui n’appartenaient qu’à moi.

—Soyez sage, OK !

—OK maman, dirent-ils en chœur.

La voiture démarra, je leur fis signe jusqu’à ce que je ne vois plus qu’un point au bout de la route.

Je rentrais à la maison, et fis l’inventaire des choses à faire.

—Allez ma fille, au boulot, dis-je à haute voix pour me donner du courage.

Avec les modifications que j’avais apportées au plan initial, les travaux étaient beaucoup plus importants que prévus. Les 2 cloisons que j’avais abattues m’avaient laissé une salle à manger digne d’un champ de bataille !

Je revêtis un vieux jean délavé, une chemise nouée à la taille et pour compléter la super tenue de combat, je recouvris ma chevelure d’un turban noir. Un vrai baba cool partant en guerre.

Ce serait un combat entre mes murs et moi.

Allumant ma chaîne hi fi, je mis « One république », leur style pop rock était super motivant et entraînant.

Je m’apprêtais à tremper le pinceau, quand la sonnette retenti.

—ET FLUTE ! ENTRE EMILE ! Hurlais-je du haut de mon escabeau.

Je commençais à peindre quand une voix me fit sursauter sur mon perchoir.

—C’est ici l’atelier peinture ?

Si Gabriel ne m’avait pas retenue, j’aurais dégringolé les barreaux avec le pot de peinture. Heureusement qu’il avait de bons réflexes. Deux bras m’encerclèrent, mon ventre appuyé contre son visage. Je sentis mon sang affluer à mon visage.

—Salut ! Dit-il penaud.

—Euh ! Bonjour, je… je ne… je ne m’attendais pas à te voir, bégayais-je affolée de l’image que je devais donner.

—Je suis venue te prêter main-forte. Il me semblait qu’hier au téléphone tu exagérais sur l’ampleur de la tâche mais je crois que je me suis trompé.

—Euh…Tu peux me lâcher maintenant. Dis-moi, tes pires ennemis doivent être un peigne et des ciseaux ?

Je sus que j’avais pensé à voix haute quand un irrésistible sourire étirât ses lèvres. Il passa la main dans ses cheveux les ébouriffant encore plus.

—Je voulais prendre rendez-vous chez ma coiffeuse, mais sur son répondeur, elle disait être en vacances pour 2 semaines.

Je compris que c’était de moi qu’il parlait au regard qu’il me lança.

—Tu as essayé de m’appeler quand ?

—Hier soir.

—AH ! Je comptais allumer mon portable que cette après-midi, tu m’appelles vers 18 h d’habitude.

Je descendais les marches de l’escabeau pensant qu’il me lâcherait mais se fut pire. Mes yeux plongèrent dans deux sphères grises/vertes. Je détournais mon regard, celui-ci tomba sur 2 sacs en papier posés à même le sol.

—Euh…Qu’est-ce que c’est ? Dis-je pour meubler le silence.

—Quoi ? Dit-il sans me quitter des yeux.

—Euh…Les sachets.

Il se pencha pour les récupérer et me les tendit.

—L’autre soir tu m’as dit être trop fatigué pour cuisiner et comme je savais que les enfants partaient, je me suis dit que tu apprécierais que la cuisine vienne à toi.

—Oh…Euh…Merci.

—Tu commences toujours tes phrases pas « euh » ou c’est moi qui te fais cet effet-là ?

—Euh…non…enfin oui. (Je me mis à rougir de plus belle)

—Tu rougis ! Ma parole ! Je te fais donc bien de l’effet. Dit-il en riant.

Je mis un certain temps à me reprendre. Cette situation, je l’avais déjà vue, déjà vécu. Dans chacun de mes rêves, nous étions comme maintenant, détendus et amis.

—Je ne suis pas du genre à perdre mes moyens, mais je m’attendais à voir Émilie.

—Ah ! La fameuse Émilie, l’instigatrice de notre rencontre postale !

Je hochais la tête en souriant.

Je ne pus m’empêcher de le dévisager. Il me semblait différent des photos et du grand écran. Plus accessible, moins froid, et beaucoup plus grand.

—Tu n’aimes pas ?

—Je n’aime pas quoi ?

—Ce que tu vois !

—Mais si je t’aime… (En ¼ de seconde je redevins cramoisi) Enfin, j’aime ce que je vois, c’est juste que tu es différent.

—Oui, je n’ai pas de maquillage, ni de rôle à jouer, je suis moi.

—Ça me va comme ça, je préfère.

—Moi aussi j’aime ça.

Je ne relevais pas, le double sens de ces quelques mots me mirent mal à l'aise. Qu’étais-je censé rétorquer, comment réagir ? Lui était à l'aise face à toute situation, moi, petite coiffeuse provinciale, je rougissais comme une collégienne à son premier rendez-vous.

—J’adore les expressions de ton visage, on y lie comme dans un livre, et j’adore ta façon craquante et énervante de commencer tes phrases par « euh ».

Pour détourner l’ambiance lourde qui c’était installé, je pris le chemin de la cuisine.

—On mange maintenant, comme ça on fait le plein de vitamine et on se met au boulot. Dit-il comme s'il avait toujours vécu ici.

—Tu restes ?

—Si ça ne te dérange pas, j’ai mis plus d’une heure à semer la troupe de fans qui me collait aux fesses. Je n’ai qu’une envie, c’est de passer une soirée, et même si ça ne te dérange pas quelques jours, tranquillement avec toi, sans garde du corps.

—Parce que tu as des gardes du corps ?

—C’est une précaution qu’a prit mon agent. Il y a déjà eu des soucis.

—Quel genre ?

—Ils sont rentrés chez moi, enfin plutôt « elles », elles me pourchassent. Mon ex petite-amie a reçu des menaces, et c’est faite agresser pour la seule raison que nous sortions ensemble.

—Ça ne t’effraie pas tout ça ?

—De quoi, c’est les risques du métier, j’essaie de me préserver.

—Et ça ne t’énerve pas ?

—De quoi ? Me dit-il d’un air étonné.

—De ne pas vivre. Mon intonation le fit sourciller.

—Comme toi, lorsque tu as décrit ta vie après la mort d’un être cher. Eh bien, c’est pareil pour moi, quand j’ai intercepté ta lettre et que je l’ai lu, j’ai eu une bouffée d’aire frais. J’avais enfin rencontré une personne qui me voyait telle que je suis et pas en tant qu’acteur. Au moins avec toi, je n’ai pas de rôle à jouer, je peux être naturel.

—Je vois ce que tu veux dire.

Je comprenais pourquoi il fuyait, j'étais en quelque sorte sa bouée de sauvetage, comme Émilie l’avait été pour moi.

Nous grignotâmes des sushis en discutant de choses et d’autres. Une ambiance bonne-enfant s’était instaurée entre nous. Je prenais plaisir à parler de mon travail, de mes enfants. Lui me parlait de sa carrière et des ses hobbys. J’appris que les 4 livres qu’il m’avait offerts étaient en fait les siens. Passionné de lecture aussi, il collectionnait les séries fantastiques, comme moi pour les romans historiques. Nous avions au moins ça en commun.

—Tu penses refaire ta vie un jour ? Me demanda-t-il dans la discussion.

—Je ne sais pas, avec les garçons, ce n’est pas évident. Et puis, je voudrais trouver le grand amour. Je l’ai eu une fois, j’espère le trouver encore.

—Pour l’instant, je ne connais pas ça.

—Tu as terminé ? Il faut vraiment que j’avance dans ma peinture, sinon je n’en finirais jamais. Je débarrasse et je vais te préparer une chambre. Comme ça tu pourras poser tes affaires.

Le sujet étant trop délicat, je me levais pour clore la conversation.

—Non ne te dérange pas, je vais aller à l’hôtel.

—Mes fils ne sont pas là, nous sommes que tous les deux, pas de groupies, pas de paparazzis, pas de médias. Tu voulais quelques jours de repos, moi je t’offre quelques jours de liberté. Pas de réveil, juste de la détente.

—Arrête, je ne vais plus partir après.

—Tu as prévu de rester combien de temps ?

—J’ai dit à mon agent que je me prenais 3 jours de repos. Je ne suis pas chez toi pour te donner du boulot supplémentaire, mais seulement pour t’aider à peindre, passer du temps avec toi en personne, pas au téléphone.

—Disons que, si tu dors ici, tu perdras moins de temps en trajets et surtout tu n’auras pas de troupeaux de fans après toi, donc on passera plus de temps ensemble.

—Ça ne te fait pas peur ?

—De quoi ? Que tu cherches à mieux me connaître ? Non, j’ai plus peur de tes fans que de toi, dis-je en riant.

—Tu n’as pas peur que je sois un magnaco dépressif, un pervers ?

—Mais tu vas arrêter de raconter des âneries ! Et toi, comment as-tu su que j’étais normale ? J’ai la presse pour tirer les grandes lignes de ta personnalité, et toi tu as quoi ?

—OK, j’abandonne, 1 point partout.

Nous passâmes 3 jours à peindre et à parler. Nous approfondissions nos discussions, j’appris qu’il était musicien avant d’être acteur et il confirma sa passion de la lecture. Nos débats sur tel ou tel auteur n’en finissaient pas. J’eus les réponses à mes questions de la dernière lettre et je fus rassurée de savoir qu’il avait passé les fêtes en famille.

Le soir nous nous affalions sur le canapé, comme 2 camarades et nous lisions le tome 5 de la série. Souvent mes pensées s’égaraient sur des actes interdits, les plus dures venaient la nuit. 3 nuits à fantasmer sur un homme qui m’était interdit. Émilie appela 2 fois pour prendre des nouvelles, mais ne vînt pas nous déranger. Gabriel dû partir le lundi soir à la nuit tombée, il évitait de se montrer au grand jour. Les aux-revoirs furent pénibles pour moi, une présence masculine était tellement sécurisante, surtout la sienne. Mais tout avait une fin. Je ne pouvais pas lui demander de rester plus longtemps, notre amitié était encore trop fraîche.

CHAPITRE 8

Mars

La routine de mes vacances continua, je peignis ma salle à manger en taupe, et les soirs, j’arrêtais à 17 heures tapantes, je me jetais dans ma douche et attendais le coup de téléphone de Gabriel. C’était devenu un rituelle. Nous parlions jusqu’à pas d’heure, et après je prenais plaisir à me coucher et à lire la saga.

La fin des travaux arriva en même temps que la fin des vacances. Les enfants rentrèrent dans leur « nouvelle maison ». L’animation qui y régnait, me fit un bien fou. Ils découvrirent les changements fait pendant ces 2 semaines. Ils en discutaient encore quand mon téléphone sonna.

—Salut ! Tu as retrouvé ta troupe ?

—Bonjour ! Oui, ils mettent beaucoup d’animation, ça fait du bien, après ton départ c’était bien calme.

—Est-ce-que tu veux que je revienne, me demanda-t-il d’une voix sérieuse.

—Oui, dis-je sans hésitation.

—Laisse-moi prendre mes dispositions et j’arrive. Je pense être là dans la nuit. Ça ne te dérange pas ?

—Non, je te donnerais ma chambre, je dormirais sur le canapé.

—On en n’est pas encore là, je te téléphone quand j’arrive vers chez toi.

—OK, à tout à l’heure.

—Je fais le plus vite possible.

Il arriva à 5 heures du matin, les traits tirés, des cernes sous les yeux mais un sourire aux lèvres. Il me prit dans ces bras et m’embrassa tendrement sur la joue. J’eus des frissons de la tête aux pieds.

—Vas te coucher dans mon lit, je me lève dans une heure à peine.

—Non, je squatte déjà chez toi, je ne vais pas te prendre aussi ton lit.

—Vu la tête que tu as, tu ne me sauteras pas dessus, la discussion est close, je dors du côté droit.

Je fermais la porte à clé et éteignis les lumières ne laissant que celle du couloir, il n’avait pas bougé d’un pouce. Je le pris par la main et le dirigeais dans mon sanctuaire.

—Pose tes affaires là. Tu connais la maison. Si tu veux te rafraîchir, va dans ma salle de bain.

—Et si je veux un câlin, je prends ta personne ? Tu m’héberges, tu me prêtes ton lit, et toi tu y gagnes quoi ?

—Toi ! Dis-je franchement. Enfin, ta présence, me rattrapais-je.

Il enleva sa cravate, j’avalais ma salive, il déboutonna sa chemise, je suffoquais, il dégrafa son jean, je détournais le regard de peur de tomber par terre. Me couvrir de ridicule n’était pas la solution pour contrait mon émoi.

Je pris rapidement place sous les couettes en ayant en mémoire un corps d’homme superbe. Cet homme prenait, justement, ça place à côté de moi.

—Tu as beaucoup de rendez-vous demain ?

Son souffle sur ma nuque m’électrisa, je réussis à rester immobile.

—Tu comptes respirer quand ? Si tu continues tu vas t’évanouir, et je serais obligé de te faire du bouche-à-bouche.

Je soufflais fort pour reprendre mon souffle, un rire grave me vint à l’oreille.

—C’est moi qui te fais rire ? Dis-je lui faisant face.

Il dut sentir ma susceptibilité car il me prit dans ces bras et enfouit sa tête dans ma chevelure.

—Ne craint rien, je ne te ferais rien, tu peux respirer normalement, je veux juste être comme ça, avec toi.

—Ça fait longtemps que je dors seul, je n’ai plus l’habitude.

—Je vais prendre le canapé.

Il se levait et j’eus juste le temps de lui attraper le bras pour le retenir.

—Reste.

Ce seul mot suffit et il se recoucha, me reprit contre lui. Même pas 5 minutes après, j’entendis sa respiration régulière contre ma joue.

Je fixais mon réveil : 5h39.

Je fermais les yeux essayant de dormir, Morphée me boudait.

J’ouvris un œil : 5h 48.

Et l’heure n’avançait pas. Je décidais de me lever, me dégageant doucement et sortant sur la pointe des pieds. Je me réfugiais dans ma cuisine, me préparais un café, et sautais dans la douche. La seule chose que je n’avais pas calculée était que mes vêtements étaient du côté de Gabriel. Je m’enroulais dans mon drap de bain et parti à tâtons dans ma chambre.

—Tu peux allumer la lumière, je ne dors pas.

—Excuse moi, je ne voulais pas te réveiller.

—Ce n’est pas toi, c’est le froid. Quand tu t’es levé, j’ai eu froid.

Il alluma son chevet et j’apparus emmailloté dans ma serviette, les cheveux mouillés et frisés, je n’étais même pas encore maquillée.

—A l’état brut, dis-je en guise d’excuse.

—J’aime beaucoup.

Il s’étira et la couverture qui lui couvrait le torse glissa sur ses hanches. Mes joues prirent feu d’un coup. Il éclata de rire, tellement fort que je ne pus que saisir l’oreiller et le plaquais sur cette bouche bruyante. Il se défendit si bien que je me retrouvais en travers lit, entravée par mon drap qui menaçait de s’ouvrir et un Gabriel en arrêt au-dessus de moi.

Deux rires nous firent lever les yeux, je me pétrifiais sur place.

—Salut maman ! Bonjour,…Gabriel… ! Tristan et moi on va déjeuner. À tout à l’heure dirent-ils en prenant le chemin de la cuisine.

—Sauvé ! Dit-il me regardant d’un œil.

La situation était tellement comique que je ne pus me retenir de rire. Je ris jusqu'à avoir des larmes plein les yeux, se devait être contagieux car il se laissa tomber à mon côté et rit de plus belle.

Je réussis à me lever et fit l’inventaire de mes vêtements, je sortis une jupe noire et un chemisier assorti. Je n’osais pas farfouiller dans mes sous-vêtements devant lui, comme il ne fit aucun effort pour se détourner, je fus obligée de saisir les premiers de mon tiroir.

—Le noir et rose iraient mieux. Rétorqua-t-il sans gêne.

Je fis encore le gyrophare, je suis sure que de loin je clignotais aussi.

—J’adore te faire rougir, c’est fou, un mot, un geste et c’est parti ! Mais prend l’ensemble noir, il me plaît beaucoup.

Je le saisis et m’enfuis en courant m’enfermer dans la salle de bain. Son rire me poursuivit. Même la porte close, je l’entendais encore. Je ne put m’empêcher de sourire et rougir en passant l’ensemble sur moi. Quand j’arrivais dans la cuisine, il avait enfilé son jean et passé sa chemise, sans la boutonner. Je ne pus abstenir de jeter des petits coup d’œil à ce torse velu qui avait dormi contre moi. En grande conversation avec les garçons, il me regardait de biais de temps en temps.

—Qu’est-ce-qu’il y a ? Lui demandais-je gêné par sa curiosité.

—Je fais travailler mon imagination.

—Oh ! Ce n’est pas vrai ! M’exclamais-je, rougissante. Tu vas t’arrêter à la fin !

—Je ne fais rien de mal !

—Tu restes combien de temps ? Dis-je pour changer de sujet.

—Quelques jours.

—C’est vaste quelques jours, tu ne trouves pas ?

S’il restait dormir dans mon lit, les nuits seraient longues.

—J’ai dit à mon agent que je prenais le large pour me reposer. On est lundi, et je pense rester jusqu’au lundi suivant. Si tu me veux toujours !

—Mais bien sûre. Je vais m’arranger pour alléger mes journées. Allez, les gars je vous amène à l’école !

—A ce soir ! Dit-il simplement.

—A+.

Ma journée fut allégée par deux annulations, je rentrais plus tôt que prévu. Une odeur alléchante me prit au nez dès que j’ouvris la porte.

Gabriel faisait la cuisine !

—Salut ! Il se pencha et embrassa ma joue, c’était devenu naturel avec lui.

—Bonjour, tu prépares quoi ?

—Émilie a téléphoné, elle vient manger ce soir. Donc voyant l’écho qu’il y a dans ton frigo, j’ai fait des spaghettis à la bolognaise.

Le fait de savoir Émilie avec nous ce soir, me rassura. Avec les taquineries de ce matin, je ne savais pas comment réagir.

—Tu as le temps de prendre un café avant d’aller chercher les enfants ?

—Oui, ils ont devoirs appliqués ce soir, je n’y vais qu’à 18heures.

Il fit couler le café et se retourna pour me fixer.

—Je t’ai mi-mal à l’aise ce matin ? Ce n’était pas mon intention. Avec toi j’ai l’impression d’être un gamin, je prends plaisir à te chagriner. C’est plus fort que moi.

—Il n'y a pas de mal.

—Il n'y a peut être pas de mal, mais j’ai fini l’adolescence il y a belle lurette !

—Oui, tu ne ressembles pas du tout à un gamin, ça je te le certifie. Tu es grand, musclé et pas rasé. Tu fais dans le genre mauvais garçon en ce moment, dis-je en rigolant.

—Tiens bois ton café, ça t’occupera.

—Je te mets mal à l’aise ? Demandais-je à mon tour taquine.

—Pff !

Nous éclatâmes de rire en même temps, nous pouffions tellement que nous n’entendîmes pas Émilie rentrer. Avant de s’annoncer, elle se délecta de la scène qui se jouait sous ses yeux.

—Eh bien, y a de l’ambiance ici ! Salut ! Je suis Émilie, tu es vraiment mieux au naturel que sur le grand écran. Elle se tourna vers moi et dit à haute voix, toi qui le trouvais moche, j’espère que tu as changé d’avis.

J’aurais voulu rentrer sous terre, cette fois-ci, je devins blanche comme un linge. Elle venait de me réduire en miettes. Pas de pitié.

—Alors comme ça tu me trouvais « moche », son sourire me rassura, et tu le penses toujours ?

—Euh… j’ai…j’ai droit à un joker ? Dis-je piteusement.

—On verra ça ce soir.

Son ton tranquille me prit de court. Pas de crise, pas de bouderies, juste un sourire.

Émilie partit chercher les enfants pendants que nous mettions la table et préparions l’apéritif.

La soirée se déroula paisiblement, Gabriel expliqua la suite du tournage, le dénouement de l’histoire. La seule chose qui m’intéressait était de connaître toutes les astuces pour les cascades. Les garçons eux, étaient plutôt curieux de savoir si le fait d’être acteur lui faisait gagner beaucoup d’argent et si les filles aimaient ça.

Émilie partit, les enfants au lit, nous débarrassions la table quand il dit :

—Alors, tu me trouves si moche que ça ?

—Oh mon Dieu. Je vais la trucider ! Oui, enfin non, en fait …euh…plus maintenant. La première scène de crépuscule ne te met pas du tout en valeur, par contre, après tu es charmant.

—Et maintenant, tu penses quoi.

—Je ne préfère pas te répondre. Et puis, je ne te demande pas comment tu me trouves !

—Tu es belle, vive, adorable quand tu rougis, appétissante, émotive, sensuelle, et terriblement sexy, quand je t’imagine avec les bouts de dentelles que tu as prises ce matin.

—Oh ! Ce n’est pas vrai ! OK ! On arrête là.

—Je vais dormir sur le canapé. Ce sera plus correct.

Je hochais la tête sans rien dire, de peur qu’il perçoive ma déception. Ce serait mieux, mais je ne put m’empêcher de ressentir un vide. Je lui donnais couverture et oreiller et parti dans ma chambre. Une fois seule, je ne put retenir mes larmes, elles inondaient mes joues, et glissaient jusque dans mon coup. Pourquoi étais-je si triste ?

Il pénétra dans ma chambre pour prendre ces affaires et me découvrit assise sur mon lit en pleurs.

Sans un mot, il me prit dans ses bras et me berça tendrement contre lui. Au bout d’un moment il chuchota à mon oreille.

—Je ne veux pas te brusquer, je veux prendre mon temps, je ne veux pas qu’il y ait de quiproquo entre nous. Je te désir, j’en suis fou même, mais on a le temps de voir venir les choses. Ne te vexe pas. Ne me repousse pas.

Me reprenant dans ces bras, il m’allongea sur mon lit, m’embrassa le front, prit ces affaires et sortit.

—Bonne nuit ! Dis-je misérablement.

—Bonne nuit, fais de beaux rêves.

Il ferma la porte doucement, je mis mon pyjama et sautai sous les draps pour réfléchir à ce qu’il venait de dire. C’est seule mais sereine que je m’endormis.

CHAPITRE 9

Avril

Les jours passèrent vites, les nuits tiraient en longueur. Le vendredi Gabriel se fit plus sombre, plus distant.

—Qu’est-ce-que tu as ? Lui demandais-je le soir.

—Mon agent veut que je rentre plus tôt, il y a eu des modifications dans le tournage.

—AH, rien d’autre ne sortit de ma bouche. La déception devait se lire sur mon visage car il ajouta.

—Je n’ai pas envi de partir, je suis bien là avec toi et les enfants.

Je baissais la tête de peur qu’il devine la profonde tristesse causée par ce départ précipité.

—Tu sais, on a chacun nos vies, et elles sont opposées, ça ne peut pas durer éternellement, tu as préparé tous les repas, tu t’es occupé des enfants, il ne vaut mieux pas que ça continue, je vais trop en prendre l’habitude. Si tu restes, je ne pourrais plus te laisser partir après.

Je le sentis se contracter derrière moi, la tension était palpable entre nous.

—C’est-ce-que tu veux, qu’on ne se revoit plus ?

—Non ! Mais qu’est ce que tu vas faire dans la maison, tu ne peux pas sortir de peur de croiser tes groupies, et pour ma part, je ne sais même pas ce que je veux.

—Je le sais pour nous deux, ce n’est pas la peine de réfléchir.

—Ah oui ! Et puis quoi alors ? Je suis assez grande pour prendre mes décisions toutes seules. La colère montait, me piquait dans mon orgueil. Et tu as décidé quoi ?

—Qu’on approfondisse notre relation, que l’on sorte de cette maison, que tu arraches de ta jolie tête tous les taccas, toutes les questions que tu te poses, et que tu avances un peu, laisse tes souvenirs de côté et fabrique-t-en d’autre, sors officiellement avec moi.

J’en restais sans voix. Qu’il me demande de refouler ma vie avec mon mari était comme s’il me demandait d’abandonner mes fils.

—Et les garçons dans tout ton programme, tu les mets où ? Je les laisse à mes parents ! Je les abandonne comme leur père nous a abandonnés.

J’étais au bord de l’hystérie. Je n’arrivais plus à reprendre mon souffle, les battements de mon cœur cognaient à en faire mal.

—Ton mari est mort ! S'il avait le choix, il serait encore auprès de vous, je ne veux pas le remplacer !

—SORT ! Hurlais-je. VA T’EN !

—Au revoir Jess, réfléchi à ce que je viens de te dire, je ne t’oublierais pas. Tu es ce qui m’est arrivé de meilleur depuis très longtemps. Je sais qu’il y a bientôt les grandes vacances et que les gars vont chez tes beaux-parents, réfléchis et rejoint moi si tu changes d’avis.

Je le sentis s’éloigner plus que ne le vis. Un vide s’empara de moi. Il fallait que je téléphone à Émilie pour qu’elle gère les enfants, je n’avais qu’une envie, me mettre en boule sur mon lit et pleurer toutes les larmes de mon corps. Un quart d’heure plus tard, sortant de ma léthargie, je l’appelais.

—Ne t’inquiète pas, je viens à l’instant de raccrocher avec Gabriel et il m’a expliqué les tensions du moment. Mais tu sais, il a raison. Te secouer ne te fait pas de mal.

Je me demandais pourquoi Émilie ne me défendait pas, c’était moi son amie, pas Gabriel.

—Oh, je ne sais plus, je ne sais pas ce qu’il faut que je fasse pour moi et pour les petits !

—Les petits je m’en charge, je viens de démissionner de mon boulot, donc j’ai du temps à leur consacrer. Va le rejoindre, il va à l’aéroport de Mauguio. Viens prendre ma voiture, tu iras plus vite. Et expliquez-vous, parle lui franchement de tes peurs cette fois-ci.

Quand elle arriva à la maison, ne lui adressant même pas la parole, je lui arrachais les clés des mains et parti à toute vitesse à l’aéroport.

Je mis un temps-record pour arriver à destination, zigzagant entre les voitures. Jamais je n’avais été aussi vite sur la route. Me garant de travers et en double file, je filais. Atteignant les doubles portes de l’aéroport au pas de course. Je le vis. Il sortait du taxi, les épaules voûtées, abattue et le regard vide, quel désastre avais-je commis ? Je ne l’avais jamais vu dans cet état, même pour ses films. Je ne pouvais pas le laisser partir, je l’aimais. Oui j’aimais cet homme. Le découvrir naturellement, comme ça, me fit un choc. J’en perdis ma voix, et au lieu d’attirer son attention comme je voulais le faire, je croassais un « reste ». Je pris ma respiration, il me tournait le dos, il partait. Non ! Bandant les muscles de mon corps, je pris le maximum d’aire dans mes poumons.

—RESTE ! Ne t’en va pas maintenant. Je hurlais tellement fort que ma gorge me brûlait.

Il s’arrêta, se raidit et se retourna d’un bloc. Son regard si éteint quelques minutes auparavant s’illumina, je courus me jeter dans ces bras. Spontanément et avec élan mon corps trouva ça place contre le sien. Mes bras, si crispaient quelques minutes avant, lui enlacèrent la taille et je posais ma tête sur son torse. Le tam-tam régulier des battements de son cœur me calma instantanément.

—Pourquoi es-tu venu ? Cette voix rauque que j’avais failli ne plus entendre me fit frissonner.

—Je ne sais pas, (je ne put m’empêcher de lui mentir, c'était trop tôt pour lui dire) je ne veux pas te perdre, mais je suis morte de trouille rien que de penser à un « nous ».

—Et je suis mort de trouille que tu retournes à tes souvenirs et que tu n’envisages pas de vivre autre chose avec moi. C’est bête mais je flippe sur notre histoire avant qu’elle ait commencé.

Il me serra dans ses bras, frôla mon front de ses lèvres. Ce n’était pas un baiser à proprement parler mais une promesse. Une lumière vive et répétitive nous éblouis.

FLASH !

—MERDE ! Crachat il.

Je sursautais.

—Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

—Tu vas être célèbre dans moins de 24 heures. S’exclama-t-il me tendant son portable. Appel Émilie et dis-lui d’emmener les enfants chez elle. On va chez toi prendre quelques affaires et tu viens avec moi.

—Mais pourquoi, je n’y comprends rien !

—On vient de nous prendre en photo, demain on fera la une des journaux à scandales. Et avec ce qui s’est passé la dernière fois avec une de mes amies, je ne veux pas prendre de risques, tu viens avec moi. Et puis on sera que tous les deux, son sourire en biais me promettait bien des choses.

—Et je vais faire quoi, tu vas sur le tournage, et moi.

—Tu ne voulais pas connaître les ficelles du métier ? Et puis j’ai besoin de ma coiffeuse.

—Oh la la ! Il faut que je revoie mes tarifs alors !

Je conduisis jusque chez moi en silence, j’enfournais dans un grand sac 2 jeans et 3 chemisiers, des sous-vêtements et une paire de baskets. Je choisissais mes affaires de toilette quand il vint me voir.

—Prends le nécessaire on verra sur place pour le reste.

—OK .Mais je ne comprends toujours pas pourquoi je dois me sauver ?

—Certaines sont folles, elle pense que toutes les filles avec qui je sors me veulent du mal. Et je ne veux pas qu’il arrive quoique se soit à toi ou aux enfants. Émilie a pris la Ford pour aller chez elle avec les petits, on va prendre un taxi de chez elle, ce sera plus simple.

—OK.

—Tu sais que dire OK ? N’oublie pas tes papiers.

—OK

—Tu m’aimes ?

—Hein, je n’ai pas compris. Répondis je faisant l’innocente.

—Ah ! Ben voilà, tu sais dire autre chose que « OK ».

Il me prit mon sac des mains, sans résister, il m’ouvrit la porte passagère de la voiture. Son sourire éclaira son visage.

—On va embrasser les petits en leur disant qu’on prend des vacances que tous les deux, il ne sert à rien de les effrayer.

—Oui, j’ai compris le message.

Les embrassades ne durèrent pas assez longtemps à mon goût, je ne les avais presque pas vu pendant leur vacances et cela me chagrinait.

Le vol jusqu'à Paris mit plus de 3 heures.

Entre les paparazzis qui nous pourchassaient, les bagages volés au débarquement (sûrement par des fans) et la course pour semer les groupies, j’étais épuisée. Je ne sentais plus mes pieds, mes jambes étaient envahies de fourmis, mes poumons prirent feu à la première course-poursuite. Mes bras avaient été tirés, tordus et même pincés. Le plus dur fut d’entendre les insultes qu’on me crachait à la figure, et les noms immondes dont on me qualifiait.

Gabriel se démena pour m’épargner au maximum, mais vu l’ampleur de sa notoriété, les fans se bousculaient, certaines hystériques lui jetaient des cadeaux en plein visage. A un moment donné, nous furent séparés par une bousculade, c’est à ce moment qu’une épouvantable douleur à la tête me fit tomber à terre. Je reçu des projectiles, des coups de pied. Un énorme paquet atteignit ma tempe.

La force de l’impact me sonna, je commençais à avoir un vertige quand deux bras me soulevèrent du sol. Me serrant plus fort contre lui, je sentais un liquide chaud me dégouliner le long de ma joue et continuait sa route dans mon coup. Je me débattais pour reposer mes pieds à terre, essayant de baisser la tête pour éviter qu’il me voie dans mon triste état. Le sang coulait devant mes yeux, aveuglée, je stoppais net notre course déjà difficile.

En sentant ma résistance il se tourna vers moi, mon œil valide vu l’horreur se dessiner sur son visage. Il n’hésita pas une seconde de plus, me soulevant de nouveau dans ces bras, paniqué à la vue du sang qui s’écoulait, il devint plus brutal avec la foule qui nous entourait, ne regardant pas les personnes que nous bousculions, il avançait, poussait, presque violemment, il nous faisait avancer tous les deux dans cette cohue.

Il hurla dans la foule.

—DEGAGEZ ! Personne ne se poussa.

Elles voulaient toutes le toucher, l’embrasser, certaines allaient jusqu’à essayer de le déshabiller. Un sifflement nous apprit que la police était enfin arrivée.

Des mains essayèrent de m’arracher à ses bras, il tint bon, me maintenant contre son torse. Il se mit à forcer des coudes, sans me lâcher, mes pieds ne touchaient pas le sol, je me recroquevillais contre lui, n’ayant plus la force de lutter. Il pressa le pas tant bien que mal en direction des gyrophares de la police.

En un rien de temps, nous fûmes entourés d’uniformes. Ils nous escortèrent jusqu'à une voiture où nous nous réfugiâmes en hâte. Dans l’habitacle un semblant de sécurité nous apaisa un peu. Il verrouilla toutes les portières. Pendant toute l’opération, il ne me lâcha pas, même pas d’un millimètre.

—Je suis désolé, dit il en me berçant, je ne pensais pas que ça se passerait comme ça.

Il m’épongea le front, le sang coagulait me laissant l’impression d’avoir une croûte de crasse sur ma face droite.

—A l’hôpital ! Aboya-t-il au policier qui nous conduisait. Ma femme est blessée.

Je me relevais d’un coup en entendant la dernière phrase. Surprise de ne pas la trouver désagréable à entendre, même bien au contraire, j’en fusse ravi. Ma tête se mit à tourner, et j’eus la nausée.

—Oui monsieur, nous arrivons dans deux minutes.

Quand nous arrivâmes aux urgences, on me conduisit directement dans une chambre individuelle. Deux colosses à la mine patibulaire se mirent à la porte.

—Ne t’inquiète pas, ce sont mes gardes du corps. Dit-il rassurant. Ne bouge pas, je vais faire une déposition pour l’accident et je reviens.

—Et où veux-tu que j’aille ! Dis-je essayant de détendre l’atmosphère.

Dès qu’il partit, une infirmière aux regards remplis de curiosité entra et me nettoya la plaie. Un monticule de coton, tous imbibés de sang, ne cessait d’augmenter au fur et à mesure qu’elle désinfectait ma blessure. Après ce qui me parut une éternité, elle décida d’appeler le médecin de garde pour voir s'il y avait besoin de points de suture car l’hémorragie ne s’arrêtait pas d’elle-même. Gabriel venait d’entrer quand l’infirmière arriva accompagnée du docteur.

—Monsieur Prinsson, que puis je pour vous ?

—Ce n’est pas pour moi, c’est pour ma compagne. Son expression indéchiffrable et ces traits tirés m’étaient encore inconnus et m’effrayait. Où était l’homme charmant que je connaissais ?

—Oh bien Monsieur, je m’occupe de madame…

—Vous vous occupez de Madame et vous gardez tous ça pour vous. Pas de nom, pas de description, dès que c’est fini, vous ne nous avez pas vus, même pas aperçu !

—Bien monsieur, j’ai compris.

Gabriel profita des soins qu’on me prodiguait pour téléphoner. Tous le long de la conversation, il ne me quitta pas des yeux, à croire que je pouvais me volatiliser comme par enchantement. Une fois que je fus soigné, les 2 molosses nous encadrèrent jusqu'à la sortie de secours, à l’opposer de celle que nous avions prise en arrivant. Leurs mines patibulaires étaient impressionnantes. Chacun avait une carrure de boxeur et leur visage n’en faisait pas exception non plus. Je n’étais pas en état de me défendre, ni de me battre. Ma seule envie était de parler à mes enfants et me confier à Émilie. Traînant des pieds, titubant de fatigue je m’arrêtais, posant ma tête sur l’une des portes de service, la fraîcheur de celle-ci me permit de rester debout. Une rivière de larmes inonda mes joues, je ne maîtrisais rien et tout ça m’effrayait.

En peu de temps ma vie si calme, était devenue un torrent incontrôlable. Je fermais les yeux et me laissais glisser à terre. Me recroquevillant sur moi, mes bras se refermèrent autour de mes genoux, je n’en pouvais plus, je voulais dormir. Dormir chez moi, dans ma maison, mon lit, mes draps. Je voulais voir mes garçons, retrouver ma monotonie.

Gabriel se rendant compte de ma détresse me cueillit dans ses bras.

—Je suis désolé, je ne voulais pas ça.

—Heureusement ! Dis-je en essayant de sourire. Je n’aurais jamais dû te sauter dessus à l’aéroport. Quand tu es avec moi, j’ai tendance à oublier qui tu es réellement. Il faut que je m’y fasse. Je tiendrais mes distances, ne t’inquiète pas, je ne t’embarrasserais plus. J’aimerais appeler les enfants.

—Tu es fatiguée, tu ne sais plus ce que tu dis ! On reparlera de ça une autrefois. Je viens de téléphoner à Émilie, ils vont bien. Les médias se sont approprié les photos de l’aéroport et certains ont poussé le vice à filmer. J’ai appelé mon avocat, il va régler ça rapidement. Malheureusement, tu n’es plus la petite coiffeuse de province, mais tu es ma coiffeuse en titre. Et selon eux, nous vivons le grand amour depuis 6 mois, tu étais au courant ? Émilie m’a dit qu’elle a été obligé de débrancher ton répondeur. Elle va voir comment ça se passe mais dès que l’école sera terminée, elle a prévu de partir avec tes parents et les enfants au Moignoux. C’est quoi les Moignoux ?

—C’est la maison de vacances de mes grands-parents paternels, c’est au fin fond de l’Auvergne, il n’y a que 3 maisons et à moins d’y être allé une cinquantaine de fois, tu ne peux pas trouver la route.

—Tu ne voudrais pas y aller là-bas ?

—Pour exposer la seule échappatoire des petits ! Non merci. Qu’ont les épargnes, ils en ont assez bavé comme ça.

—Je vais y prendre goût à force. Dit-il avec son sourire en coin qui me fait tant craquer.

—A quoi ?

—Te porter et t’avoir dans mes bras.

—Repose moi, dis-je gênée, je suis trop lourde, et puis si on nous surprend ça va encore jaser.

Les colosses parlaient entre eux depuis le début et ne s’occupaient pas de nous, le personnel passait et nous ignorait, nous étions seuls dans la foule.

—Premièrement, ai-je l’aire de peiner à te porter, deuxièmement, j’ai beaucoup aimé ta façon de me sauter dessus à l’aéroport et troisièmement, je me moque que l’on jase, si tu savais ce que j’ai envi de…

—Excusez-moi Monsieur Prinsson, c’était l’un des colosses qui venait de lui couper la parole, on prend 2 voitures, une infirmière et un médecin monteront dans une des voitures avec le visage couvert. Vous vous cacherez et monterez dans la seconde plus tard.

—OK ! Il n’y aura aucun risque pour Jess?

—Normalement non, si vous suivez à la lettre ce qu’on vient de dire, il n’y aura aucun problème.

Comme prévu un homme et une femme se précipitèrent dehors, portant sur chacune des têtes une veste. L’autre colosse les accompagna jusqu’au véhicule.

Gabriel me reposa à terre, mais garda ma main dans la sienne.

—Je ne m’échapperais pas, tu sais ? Je voudrais que tu me dises la fin de la phrase que colosse a coupée tout à l’heure.

—Quand nous serons que tous les deux, je te le promets, je répondrais à toutes tes questions. Et colosse s'appelle Michel ! Dit-il en riant.

Me tirant par la main, je compris que c’était à notre tour de sauter dans la voiture. Nous rentrâmes tellement vite que je me rencognais sur ma plaie.

—Aie !

—Qu’est qui ce passe ? Paniqua-t-il.

—Rien, je me suis juste cognée en m’installant.

—Ah, ma maladroite, dit-il, j’ai cru que je t’avais fait mal.

Je me blottis contre lui, l’étroitesse de l’habitacle me donnait envie d’être dans ses bras, je m’endormis serrée contre lui.

CHAPITRE 10

Je me réveillais à demi couché sur Gabriel, je sautais comme un ressort pour me redresser, et cognais ma tête contre le ciel de toit.

—AIE ! Bon sang ! Râlais-je, j’ai oublié que nous étions dans une voiture.

Ma grimace le fit éclater de rire, si bien qu’il s’en étouffa. Après une bonne quinte de toux, les yeux larmoyants, il reprit sa position initiale et d’autorité me ramena à lui.

—Ta place est là, et nulle part ailleurs.

—Crois-tu que ce soit une bonne idée ?

—Pour l’instant, je ne pense pas à moi, ni à nous, mais à toi et vu la tête que tu as, tu vas te reposer sur moi.

—On est où ? Et on va où ? Voyant un paysage inconnu défilait pas la vitre.

—On repart dans le sud, chez toi. Je suis obligé de prendre un congé forcé, quelqu’un a massacré le studio.

—Oh ! Il a du mal ?

—Tout a brûlé. Tu vas m’avoir pour 2 semaines environ. Tu seras chez toi dans 4 jours.

—Il ne faut pas 4 jours pour descendre de paris à Montpellier !

—Non, on s’arrête aux Moignoux, comme tu dis, tu vas te reposer un peu là bas. Émilie doit être sur la route en ce moment, je lui ai dit d’amener les enfants, ils sont ravis d’avoir des vacances forcées. Michel s’arrêtera à Saint Gervais d’Auvergne et c’est toi qui prendras le volant.

Son téléphone sonna.

—C’est mon agent ! Excuse, je dois répondre.

Prenant l’appel, je m’installais confortablement. Pour clore nos conversations, son téléphone était le roi. Je laissais traîner mes oreilles pour comprendre ce qu’ils se disaient.

—Non, les paparazzis ne nous lâcheront pas… OK, je sais David … rompre ? ...non…hum…non…. Je vais essayer de faire pour le mieux…non, elle se repose,…, non, il n’y a pas trop de mal… je ne sais pas, je ne veux pas la perdre…même si c’est de la comédie, je ne veux et ne peut pas,... oui je n’ai pas changé d’avis, comme je te l’ai dit à l’hôpital, elle m’est très précieuse…oui, je comprends, c’est moi qui suis visé…oui, les magazines en parlent et alors ?... mais tu perds pas mal de rond, c’est ça ton problème !...L’argent ne fait pas tout. Bon je te quitte, on a fait le tour de la question, tu parles pour rien dire, je te contacterais… non je ne te dirais pas où on va….oui « on » … si ça te pose un problème ce n’est pas mon affaire. Ciao.

Un silence lourd s’installa dans la voiture. Je serrais les poings de rage. Une colère longtemps contenue explosa :

—MAGAZINE, MEDIAT, COMEDIE, c’est ça que tu mijotais à l’hôpital ?

—Oui et non, c’est mon agent qui a soumis l’idée d’une rupture.

—Une rupture résoudrait tous tes tracas !

—Je ne parle pas de moi mais de toi, de ta vie, tes enfants.

—OH ! J’ai été assez tranquille pendant mes 3 dernières années de deuil. Je viens tout juste d’accepter de sortir de mon trou et tu veux te débarrasser de moi ? Ce n’est pas toi qui voulais mieux me connaître ? Approfondir notre relation ? Ce n’est pas ce que tu m’as demandé ?

—Si, mais tu es fragile, je ne veux pas qu’ils te détruisent.

—Je ne suis pas malade et encore moins en porcelaine, lui crachais-je au visage.

—Tu arriveras à suivre mon rythme ?

—Laisse arriver les choses, en 6 mois ma vie a changé du tout au tout.

Il se mura dans le silence, je m’assis de mon côté, pris mes distances, ne le touchant plus, je bandais mes muscles à chaque virage pour ne pas le frôler.

Lorsque nous arrivâmes, tout était éteint. Sachant où la clé était cachée, je me dirigeais sans difficulté dans la peine ombre.

—Tu comptes m’ignorer longtemps comme ça ? Dit-il d’une voix tendue.

—C’est toi qui veux qu’on arrête, pas moi !

—Je veux être avec toi, il me semble te l’avoir dit, non ? Mais tu as vu ma vie, je n’en peux plus. Je ne veux pas ça pour toi, j’aimerais qu’on ait une vie de couple normale, sans se cacher, sans fuir, qu’il n’y ai pas de doute entre nous. Les paparazzis écrivent n’importe quoi, dès que je souris à quelqu’un, c’est fini nous sommes fiancés. Je ne veux pas de ça entre nous.

—Pour l’instant, il n’y a pas de nous ! Dis-je froidement.

—Je te propose une chose, dis oui ou non, OK ?

—Vas-y !

—On a deux semaines à passer ensemble, je ne parle pas de la suite, je te parle de ses quinze jours, c’est tout. Faisons comme s'il n’y avait que nous sur terre, on oublie tout sauf nous deux.

—Et après ?

—Après on avisera, mais je ne veux pas te perdre, j’ai mis trop longtemps à te trouver, je ne veux pas te voir disparaître à cause d’abruties qui ne me connaissent pas.

—Je comprends que tu veuilles me protéger, mais il y a une chose que tu dois savoir, je suis libre de prendre mes décisions, tu n’as pas à chercher une solution pour m’épargner. Je suis grande, je sais que ça va être dure, malheureusement pour toi, je suis très jalouse mais je crois que ça vaut le coup.

—Oh merci Jess ! Fais-moi confiance, on trouvera comment faire.

Je lui tombais littéralement dans les bras, ses lèvres effleurèrent les miennes d’abord doucement, puis plus sauvagement, nous attendions se baiser depuis longtemps tous les deux, ce fut pour moi un enchantement. Des frissons se propageaient de mes orteils à la racine de mes cheveux. Passant mes bras autour de son cou, il me souleva à sa hauteur, délaissant ma bouche, ses lèvres descendirent le long de mon coup, j’avais du mal à respirer, il du s’en rendre compte, me posant au sol, il reprit mes lèvres doucement et fit un pas en arrière.

—Excuse moi, mais je m’arrête tant que je le peux, (son sourire et ses yeux disaient clairement qu’il se maîtrisait difficilement), tu devrais ouvrir la porte, avant que je change d’avis.

—Hum ! … euh…oui …tu as plus de cran que moi, je pris enfin les clés sous le pot de fleurs, tu me rends dingues !

—Ça promet pour ces quinze jours !

Je ne répondis pas et ouvris la porte, il n’y avait pas de porte d’entrée, on rentrait par la cuisine, celle-ci avait encore son poêle à bois de l’époque de ma grand-mère, les Moignoux étaient une vieille ferme datant de 1908 que mon grand-père et mon père avaient retapé entièrement. La ferme de Mary-Jane, comme il l’appelait à l’époque était une vieille fromagerie, la conservation des fromages de vache étaient obtenue en les enveloppant dans de la paille jusqu'à l’obtention des « mizous » (obtention de croûte). La rénovation débuta en 1968. Ils réussirent à garder le style architectural de la bâtisse sans faire de grande modification. La pièce à vivre avait gardé son charme avec son immense cheminée et ses pierres apparentes, la cuisine avait conservé son authentique poêle à bois.

—Je vais faire un feu pour réchauffer la maison et chasser l’humidité.

—OK ! Je vais te chercher du bois, il ne doit pas y en avoir de réserve, tu m’indiques où c’est ?

—A droite de la maison, tu as un appentis, c’est la réserve de bois, prends trois ou quatre bûches ça devrais suffire.

—OK.

Je préparais de quoi faire du feu, quand j’entendis une voiture se garer dans le chemin de la maison. Émilie en sortie, me fit signe de se taire, et approcha en douceur.

—Tu as déjà préparé les chambres ? Me demanda-t-elle. Ils se sont endormi il y a à peine une heure.

—Non, je n’ai pas eu le temps, on s’est un peu accroché Gabriel et moi.

—Encore ! Rien de grave j’espère ?

—Je te dirais ça dans deux semaines, je t’expliquerais, chut il arrive. Viens avec moi, on va leur préparer la chambre double, c’est là qu’ils dorment d’habitude.

—Celle où on dormait gamines ?

—Oui, rien n’a changé, dis-je mélancolique.

Une fois les lits faits, nous partîmes chercher les enfants pour les y installer. Gabriel avait eu le temps de faire le feu et de sortir deux pizzas du congélateur, qu’il s’apprêtait à enfourner.

—Ce n’est pas une cheminée, c’est un studio ! Dit il quand il nous vit.

—C’est une cheminée d’époque, il y a un four à pain là, je pointais le doigt vers lui, retourne-toi et regarde, c’est derrière toi.

—Ce qui m’intéresse est devant moi. Il saisit mon doigt et m’attira à lui.

—Hum ! Je prends quelle chambre ? Le raclement de gorge d’Émilie nous fit sursauter, j’ai déjà sorti les affaires des enfants et les miennes, je vais aller me coucher, (faisant face à Gabriel, un grand sourire se dessina sur son visage) ce que tu m’as demandé est dans la voiture Gabriel.

—Chambre rose. Dis-je automatiquement sans comprendre ce qui se passait entre eux deux.

—OK ! Bonne nuit tous les deux, soyez sage !

Je rougis violemment ne sachant quoi dire, j’entendis le rire d’Émilie pendant qu’elle montait l’escalier.

—Qu’est-ce quelle a voulut dire à ton avis ? Tu lui as demandé d’amener quoi ? Dis-je curieuse.

—Viens avec moi, tu vas voir.

Je le suivis jusqu’à la voiture d’Émilie. Ouvrant le coffre, il sortit trois sacs de voyage qui m’étaient inconnus et un, plus petit, orange vif, celui-là était à moi, je l’avais acheté sur une impulsion, l’orange n’étant pas me couleur favorite. Il en posa deux dans la cuisine et le reste les mis sur l’escalier prêt à monter.

—Tiens, me donnant un sac en plastique, il repartit vers la cuisine.

—C’est quoi ? Demandais-je soupesant le sac à la recherche d’un indice.

—Regarde, ça va t’occuper, pendant que je trouve de quoi faire du café.

Il ouvrait placard après placard en prenant ce qui l’intéressait. Filtre, sucre, café, il réussit même à trouver l’éternelle chicorée de ma grand-mère. Le café promettait d’être une merveille.

J’ouvris le sac et sortis plusieurs magazines people. Je lis à voix haute les gros titres :

—YDILLE ENTRE UNE COIFFEUSE PROVINCIALE ET UN SEX SYMBOLE.

—ELLE LUI PASSE LA CORDE AU COUP.

—COUP DE FOUDRE ENTRE NOTRE GABRIEL ET UNE ROTURIERE.

—RETROUVAILLE EMOUVANTE

Et le pire que je lus fut :

—ENCORE UNE NOUVELLE CONQUETTE POUR NOTRE BEAU GOSSE.

—ELLE A TROUVE LE BON PIGEON.

—UNE INCONNUE S’ACCAPARE NOTRE GABRIEL.

Ce n’est qu’un ramassis de conneries ! Dis-je hors de moi.

Il rit et me donna ma tasse de café fumante.

—Alors, tu as trouvé le bon pigeon ou pas ? Son rire m’étonna. Il était derrière moi, détendu, feuilletant les magazines à la recherche de nos photos. C’est vrai que tu t’es jeté sur moi à l’aéroport.

—Comment ça ? Fait voir ? Oh, pétard, ils ont fait des photos en rafales, on dirait un film.

On me voyait en plein élan lui sauter dessus, puis il me prenait par la taille et nous nous blottissions l’un contre l’autre.

—Tiens, regarde celle-là, on dirait un passage de « The body gard ». Je l’aime beaucoup.

Sur celle-ci, il me portait contre lui, un bras sous mes épaules et l’autre sous mes genoux, je posais ma tête sur son torse, il m’embrassait le front. S'il n’y avait pas eu cette foule hystérique autour de nous, la photo aurait été très belle, très sensuelle.

—Va falloir que je perde du poids, j’ai l’impression d’avoir un derrière énorme.

—Je te montre ce que les journalistes écrivent et toi tu regardes la largeur de tes fesses ?

—J’ai lu les titres et ça me suffit. J’aime bien celle-là, je lui montrais une photo ou on le voyait seul, le regard pensif, la main dans ses boucles en train de marcher dans la rue. Je te trouve charmant avec les cheveux en bataille. Il y a quoi dans les autres sacs ?

—J’ai demandé à Émilie de nous prendre quelques affaires, comme elle connaît ta taille, c’était plus facile qu’elle s’occupe de ses choses et moi d’autre.

—C’est quoi les autres ? Demandais-je méfiante.

—Je te les montrerais dans la chambre.

A cette pensée je rougis violemment, je ne pensais plus qu’il ne nous restait qu’une seule chambre.

—C’est l’idée de dormir encore avec moi qui te fais rougir comme ça, tu n’es pas rodée depuis le temps ? Quand je vais te montrer le reste, tu vas être en éruption ! Je vais être sage, les enfants et Émilie sont à côté, je ne vais pas te sauter dessus ! Et puis avec la tête que tu as, tu as besoin de dormir.

Instinctivement je portais ma main à mon pansement, je devais faire peur à voir ! J’avais complètement oublié mes blessures. En les touchant, une douleur me vrilla le haut du crâne.

—Viens, on va se coucher ! Je suis claqué, Émilie a dû te prendre un pyjama. Où dort-on ?

—Suis-moi.

Je montais les escaliers devant lui, ma timidité augmentait à chaque marche d’escalier. Il me précéda dans la chambre bleue les bras encombrés de bagages.

—C’est quoi cette chose que tu dois me montrer que dans la chambre ? Dis-je, ma curiosité prenant le dessus sur ma timidité.

—Assieds-toi et surtout ne réveille personne, OK ! Ne te met pas en rogne, tu es sûre que tu peux y arriver ?

—Qu’est ce que tu as fait encore comme folie ?

Il sortit d’un sac plusieurs paquets cadeaux, 5 au total. Et un carton.

—Ce qu’il y a dans le carton, j’ai pensé que tu serais contente de les avoirs.

M’asseyant sur le lit, je l’ouvris et en sortis la saga de crépuscule.

—Oh, géniale, je vais pouvoir les finir, même les relire, je me suis arrêtée là où elle apprend qu’elle est enceinte, je vais savoir le fin mot de cette histoire, comment se fait-il qu’elle arrive à tomber enceinte avec un vampire ?

—Je ne vais pas te raconter tout le livre !

—Comme tu veux, mais j’espère que la lumière ne te dérange pas pour dormir !

—J’ai mon script à apprendre donc pas de soucis. Ouvre le reste de tes paquets et reste calme. Promis ?

—OK ! Je pris le premier de la pile, il était mou et léger. Je déchirais l’emballage et découvris de la dentelle beige. Oh ce n’est pas vrai ! M’écriais-je. Tu n’as pas osé !

—Tu as promis de rester calme !

Une chaleur violente envahit mon visage, je découvrais un ensemble de lingerie beige rosé, je n’avais jamais vu de dentelle aussi fine de ma vie, et je n’en avais jamais porté. Je découvris qu’il y avait le complet, soutient gorge, string, tangua, culotte et shorty.

—Je ne connais pas encore tes préférences, donc j’ai chargé Emilie de prendre à chaque fois le complet.

Euh…mer…merci…et ma taille, comment as-tu fait ?

—Émilie m’as dit que tu avais récemment acheté des vêtements et sous-vêtements, et comme elle était présente, elle a su tes tailles. Je lui ai donné les directives par téléphone, elle ne s’est pas trompé.

—Pourquoi ? Pourquoi avoir acheté autant de… ne trouvant pas les mots, je montrais du doigt l’ensemble de dentelle.

—Premièrement, j’adore te faire rougir et c’est un bon moyen, deuxièmement, on nous a volé nos valises, et troisièmement depuis que j’ai vu ton ensemble noir et rose, j’en rêve la nuit. Ne dis jamais ça à personne ou je vais être harcelé par des nanas se promenant en soutient gorge noir. Et quatrièmement, j’avais envie de te surprendre, ouvre les autres tu verras.

J’ouvris les paquets restants, et découvris un ensemble noir, un turquoise, et un blanc. Ils étaient magnifiques. Il sortit un autre paquet de son sac et me le tendit.

—Encore ! Mais ce n’est pas mon anniversaire ! Je suis mal, je n’ai rien pour toi.

—Oh si ! Plus que tu ne peux l’imaginer, tu m’offres des vacances fabuleuses. Celui-ci, je l’ai choisi quand tu dormais dans la voiture, on s’est arrêté pour faire le plein et je l’ai vu dans la vitrine et j’ai craqué.

J’ouvris le dernier paquet et découvris un pyjama, caraco et pantacourt, vert eau en coton fin.

—Il est magnifique. Merci.

Spontanément, je me mis à sa hauteur sur le lit pour l’embrasser, un baiser chaste en premier puis un autre et encore un autre. Une pulsion aussi forte qu’un ras de marrée nous jeta l’un sur l’autre.

Je finis debout sur le lit, les bras autour de son cou, les mains dans ses cheveux, nous nous dévorions mutuellement. Reculant son torse, il fit glisser ses mains le long de mon dos jusqu'à mes fesses. Il me souleva, comme si je ne pesais pas plus lourd qu’une plume, je nouais mes jambes autour de lui, sans cesser de nous embrasser. Nous découvrions une attirance qui allait au-delà nos raisons. Nous nous laissâmes tomber sur le lit toujours enlacé. Avides de baisers, nos bouches ne se lâchaient pas, nos mains s’égaraient, cherchaient, découvraient. Il se raidit, m’embrassant plus chastement, je compris aussitôt qu’il essayait de prendre ses distances.

—Je devrais m’arrêter, sa voix roque montrait l’effort qu’il faisait pour se maîtriser. Dis-moi d’arrêter.

Ma main dans ces cheveux, mon regard dans le sien, je n’avais pas du tout envie de stopper de suite.

—Non, pas encore.

—Je ne pourrais pas tenir longtemps Jess, je ne suis qu’un homme ! Va dans la salle de bain mettre ton pyjama, je vais reprendre mes esprits pendant ce temps.

—Excuse moi, avec toi je ne me maîtrise pas, ça fait tellement longtemps que je n’ai pas été avec un homme, j’ai l’impression de t’agresser. Chaque fois que tu poses tes mains sur moi, ça m’électrise.

—En fin de compte, je prends la salle de bain en premier, une douche froide est recommandée, et ne me dis plus des trucs pareils dans une situation similaire, OK ? Au lieu de calmer le feu, ça l’attise, dit-il crispé.

Il se leva et prit la salle de bain, qu’avais-je fait ? Je faisais comme ses fans, je lui sautais littéralement dessus, j’allais le faire fuir à force. Je descendis au rez de chaussé me réchauffer un café, il fallait que je sorte pour prendre l’aire et mettre de l’ordre dans mes pensées.

(Que faire, lui dire que j’ai envie de faire l’amour avec lui, et arrivera ce qui arrivera, ou me préserver et se contenter de ses bras, simplement ces bras. Non impossible, ça ne me suffisait pas, même le reste ne me suffira pas à la longue, je ne veux pas une aventure, ni une liaison. Oui, je veux une relation, un avenir, construire un couple, en somme, refaire ma vie avec lui.) Je fus choqué de mes propres envies, qu’aurait pensé Nico ? Avais-je le droit de refaire ma vie ?

Perdu dans mes réflexions, je ne le vis pas, accoudé à la terrasse, il me fixait sans un mot, sans un geste. Je me mis à marcher de long en large sur le carrelage, une ombre attira mon regard.

—Oh excuse, j’avais besoin de réfléchir, je me suis refait du café, tu en veux un ?

—Tu pensais à quoi, tu avais l’aire déterminée. Tu as des réponses à tes questions ?

—Seul toi pourras répondre, mais ce n’est pas le moment d’en parler.

—Dit toujours, on verra bien !

—Oh et puis merde ! Je ne veux pas une liaison, je veux un avenir commun, une vie avec toi. Si tu ne t’en sens pas capable, dis-le-moi, j’ai 30 ans ! J’ai passé l’âge des flirts, c’est fini pour moi tout ça. Je veux vivre avec toi une vie, pas un morceau de vie. Je ne sais pas si tu comprends ce que j’essaie de te dire.

Il n’avait pas bougé d’un millimètre pendant toute ma tirade, il paraissait songeur à son tour, ce qui me mit les nerfs à vif. Je venais de tout gâcher. Mes épaules se voûtèrent, trop de poids à porter, trop de tension accumulée, je traversais la terrasse pour rentrer, fuyant son regard.

—Je comprends, c’est ce que je veux aussi à une chose prêt.

Figée, tendue, j’attendais la suite.

—Je ne veux pas que vivre avec toi, je veux une famille, toi tu as la tienne avec les garçons, mais je veux qu’on forme notre famille, avec mon métier ce sera dur, t’en sens-tu capable, je veux des enfants, nos enfants.

—Ça va vite là, je ne sais pas, …ça va trop vite…je me sens capable oui, mais imagine, le jour où on fera une sortie familiale, si tes fans s’en prennent aux enfants comme elles ont fait avec moi, il se passera quoi ?

—Ça se calmera, ma notoriété va ralentir. Chaque année, il y des tas d’acteurs qui percent comme moi, et puis une fois les choses officialisés, je ne serais plus un cœur à prendre. Dit-il avec un grand sourire.

—Mouais, si tu le dis ! On verra bien comment tout cela va se passer. On va au lit ? On a besoin de dormir, demain je te montre comment vivre normalement, en famille.

Je lui pris la main et nous montâmes les escaliers.

—OK, tu as prévu quoi au programme ? Chuchota-t-il en arrivant sur le palier de notre chambre.

—Déjà dormir, et demain jardinage et bronzage.

CHAPITRE 11

Nos 4 jours se passèrent tous comme prévu. Nous nous levions tard, Émilie et les enfants ayant déjà déjeuné, nous les rejoignions au verger, ils étaient assis à même le sol mangeant des groseilles, et pour le plus grand plaisir de Gabriel, nous en faisions autant. L’après-midi, on sortait les couvertures, les enfants partaient à la piscine du village avec Émilie et nous, nous lézardions au soleil, lui étudiant son scripte et moi continuant la saga.

Le dimanche matin, je me décidais à ranger les valises des enfants.

—Émilie m’a envoyé te dire qu’ils vont à la piscine.

—OK, merci.

Me prenant pas la taille, il m’emmena dans notre chambre.

—Tu sais que c’est une torture chaque jour ?

—Tu préfères un bain de foule à la tranquillité ? Dis-je, faisant mine de ne pas comprendre.

—Non, ne pas te toucher, la nuit seulement te regarder dormir, c’est dure, très dur.

—Oh ! Tu me regardes dormir ? Je me sentis bête car je dormais comme un loir ces derniers temps.

—On fait la sieste ?

—Ça ne fait qu’une heure qu’on est debout !

—Oui, mais je suis fatigué, son ton mutin en disait plus qu’il ne fallait.

Me prenant par surprise, il me bascula sur le lit, d’un geste sur et rapide, il m’enleva mon jean me laissant en shorty et caraco, lui était déjà torse nu. Se couchant contre moi, son torse contre mon dos, je le sentis se détendre. J’étais tellement surprise que je m’étais laissé faire sans broncher. Dessinant des arabesques sur mes bras, j’étais parcouru de frissons. Me dégageant la nuque de mes cheveux, il y enfouit sa tête. Nous restâmes une éternité les yeux fermés juste à nous découvrir du bout des doigts.

C’était magique, des sensations inconnues, des frissons de délices parcouraient nos corps. Le calme avant la tempête pensais-je. Ce soir nous retournions dans la réalité. Il me fallait rentrer chez moi, je ne pouvais pas fuir éternellement. Que n’aurais je donnais pour que cet instant ne finisse jamais. Il me souffla sur l’oreille, nos yeux s’accrochèrent.

—Tu es bien songeuse ?

—Je veux rester comme ça éternellement. Je ne veux pas bouger.

—Moi non plus, je ne veux pas bouger.

Me retournant face à lui, je remarquais les marques de son ceinturon sur son ventre plat. Mon froncement de sourcil l’interpella.

—Qu’est-ce-qu’il y a ?

—On n’est pas à armes égales, tu as pensé à me mettre à l’aise et toi regardes les marques que tu as, j’effleurais à peine la chaire rougie qu’il contracta les abdos et recula. Tu vois ça te fait mal.

—Ça ne fait pas mal ! Je veux bien l’enlever pour te faire plaisir, mais s’il te plaît ne me touche pas comme tu viens de le faire !

Confuse et écarlate, je me poussais pour qu’il se déshabille. En boxer, il reprit sa place, je mis ma tête dans l’oreiller de façon à cacher mon trouble. Ses mains parcouraient mon dos et me détendaient, sous ses doigts experts, je devins aussi molle que de la guimauve.

—Tu aurais dû faire masseur, ça fait un bien fou.

—Mets-toi sur le ventre que je te masse comme il faut.

S’installant à califourchon sur mes fesses et prenant appuie sur ses genoux pour ne pas m’écraser, il releva mon débardeur et dégrafa mon soutient-gorge pour dégager mon dos. Il commença par des cercles allant de mon bassin à la nuque, puis descendit le long de la colonne vertébrale.

Je me liquéfiais sur le matelas, ses lèvres prirent le relais, descendirent de mes épaules jusqu'à ma cambrure, je retenais mon souffle, je n’osais plus bouger. Il s’allongea à côté de moi et continua ces va-et-vient avec le bout des doigts.

—Respire ! Tu as aimé ? J’arrête sinon tu vas t’étouffer.

—Hum ! Je suis toute ramollo. Attends que ça me passe et tu vas voir ce que ça fait !

Il me rhabilla de façon décente, je lui fis fasse, il souriait tranquillement les cheveux en bataille, la tête posée sur son coude, attendant sa torture avec impatience.

—Viens sur la chaise !

Son étonnement me fit rire, je lui montrais où s’installer, il vînt sans trop savoir à quoi s’attendre. Je me plaçais derrière lui.

—Et c’est parti !

Mes mains prirent la forme de son crâne et je commençais le massage, mes index sur les tempes, mes pouces aux vertex, mes autres doigts dans l’alignement, je massais avec plus ou moins de pression certaines zones du crâne.

Un soupir.

Un grognement.

—Tu n’aimes pas ?

—Oh si, ne t’arrête pas, je te l’interdis, tu vas être ma coiffeuse sur les tournages, je te le garantis !

Je finis en laissant mourir mes doigts du haut de la tête à ses épaules.

—Allez, les valises et le nettoyage ne se feront pas tout seul.

—Malheureusement, bougonna-t-il.

—Et oui tout à une fin, je vais charger les voitures. Les vacances sont belles et bien finies.

Je descendis avec les bagages, il les chargea dans les voitures respectives. Le reste de la matinée, je remis en ordre les chambres et la cuisine, le fait de m’activer m’évitait de trop pensée. Nous partîmes tous à 14 heures, détendus et reposés.

CHAPITRE 12

Les ennuis commencèrent aussitôt arrivé à la maison. Se garant sur le parking, nous vîmes que quelque chose avait changé. Ma boîte aux lettres débordait d’enveloppes en tout format et toutes couleurs. Mon allée de graviers, qui d’ordinaire était bordée de lavande et de romarin, était maintenant jonchée de bouquets de fleurs plus ou moins fanées. Nous enjambâmes les obstacles tant bien que mal pour arriver au perron, et là, sous nos yeux, accroché à la poignée, une énorme couronne mortuaire peinte en noire et rouge sang défiait toute personne voulant accéder à la porte. Arrachant avec hargne cette horreur clouée devant nous, Gabriel s’écria avec colère :

—Rentre dans la maison, je mets tout ça aux ordures, ramasse le courrier et j’arrive.

Je me précipitais chez moi, déverrouillais la porte et m’engouffrais à l’intérieur le souffle court, pétrifiée par l’horreur. Pourquoi avions-nous quitté la campagne ? Pourquoi s’en prenaient-ils à moi ?

Il rentra les bras chargés de lettres et essoufflé.

—Ça va ? (Je hochais la tête piteusement) Voilà, on y voit plus clair dehors, tiens voilà ton courrier. Tu veux le regarder maintenant ou tu préfères te poser un peu ?

—C’est quoi tous ça ? Demandais-je ahuris.

—Malheureusement, mon quotidien nous rattrape. C’est ce qui me faisait le plus peur en commençant notre relation, tu es sure que ça va ? Le courrier peut attendre. Viens, on va se poser un peu avant.

—Battons le fer tant qu’il est chaud, non ? Je vais faire du café et le regarder.

Il se déchargea les bras sur la table de la salle à manger et commença à faire deux tas.

LETTRES et FACTURES.

Sur le nombre ahurissant d’enveloppe, il n’y avait que 5 factures, ce qui était ridicule face au reste.

—Maintenant, le plus dure ! Tu sers le café et on s’y met ?

—A quoi ? Dis-je sens trop comprendre où il voulait en venir.

—A décortiquer le courrier de tes fans.

—Mais quoi ? C’est quoi cette histoire, je suis coiffeuse pas stars !

—Mais comme nous sommes en couple, et que je suis célèbre, tu n’es plus incognito, tu es ma « nouvelle conquête ».

—Avant de faire quoique se soit, j'appelle Émilie pour qu’elle garde les enfants chez elle, je ne veux pas les mêler à ça.

—OK, je t’attends.

Mon appel fut bref, lui racontant rapidement le cauchemar de notre retour, elle comprit de suite ce qui se passait, me rassurant au sujet des enfants, elle me fit promettre de lui donner des nouvelles régulièrement.

Je revins m’asseoir à la table plus déboussolée que jamais.

—Je ne sais pas par où commencer. Dis-je piteusement.

—Tiens, j’ai divisé le tas en deux, prends celle-là, je prends le reste.

Décachetant la première enveloppe, j’en sortie une lettre manuscrite sur un papier rose vif qui piquait plus les yeux d’horreur que d’envie. La familiarité et la grossièreté de la missive me choquèrent.

Salut,

J’hallucine ! Comment as-tu fait pour prendre mon Gabriel dans tes filets. Moi je lui ai envoyé des lettres, des photos, fait parvenir des cadeaux, j’ai même essayé de m’infiltrer sur son dernier tournage mais rien. A croire qu’il est croisé avec un fantôme ! Dis-moi comment tu as fait ? Réponds-moi : Josiane Lefèbre

1890 rue des pointes

34210 Montpellier

Merci et a bientôt

Josiane

—Oh pétard ! Elle est folle, celle-là ! Mon cri du cœur le fit sourire, tu reçois beaucoup de cadeaux ?

—Eh oui, la plupart du temps, ce sont des peluches, je les donne aux hôpitaux, si je les gardais tous, je serais enseveli sous une masse de poils. J’ai eu des maquettes, du parfum, une fois j’ai reçu un tee-shirt avec la photo d’une jeune femme collée dessus.

—Pourquoi as-tu répondu à ma lettre ? Qu’est-ce-qu’elle avait de plus que les autres ?

—Déjà, elle n’était pas parfumée, et ce n’était pas une lettre d’amour. Et puis tu t’adressais à l’homme, pas à l’acteur. Tu me félicitais de mon rôle, et de toute façon d’après Émilie, tu me trouves moche. Ajouta-t-il taquin.

Je rougis de honte.

—Euh…oui, tout ce maquillage…enfin, le teint blafard, très peu pour moi. Et puis les ados de 17 ans ce n’est pas mon truc.

—Eh oui, comme je fais jeune, le rôle d’ado me convenait, par contre le rasoir étant mon pire ennemi, le tournage a été un calvaire. Et tu as déjà vu un vampire super bronzé toi ? Moi jamais, même dans les parodies.

—Oui, c’est ridicule. Et ta lettre, elle dit quoi ?

—A peu de chose près la même chose.

—Oh regarde, elles sont culottées !

Je lui fis passer une photo d’une petite brunette, en bikini, je ne lui donnais pas plus de quinze ans. Un postit collé dessus disait : Montre lui, je vaux mieux que toi.

De rage ou de jalousie, je lui arrachais la photo des mains et la mis directement à la poubelle. Son éclat de rire me fit regretter mon impulsivité. Je me rassis comme si de rien était, et prit la lettre suivante.

—Serais-tu jalouse ? C’est vrai qu’elle est mignonne !

—Tu veux faire du détournement de mineur ! Dis-je hargneusement.

—Mais non je plaisante, j’ai une préférence pour les femmes appétissantes, blonde aux yeux verts avec un franc-parler et qui rougissent pour un rien. Si tu veux je t’achèterais un bikini identique ?

—Oh pétard ! Tu ne penses qu’à ça ma parole ?

J’en restais fébrile, il me préférait à la naïade de la photo, mon corps alourdi pas deux grossesses et dans la trentaine ne lui faisait rien, au contraire, à l’entendre, il adorait. Je repris vite la lettre suivante pour me maîtriser.

—Mais je te sers de boîte postale ma parole ! Celle-là te demande en mariage !

—Hum. Tu devrais lire celle là, (le ton de sa voix et son sérieux piquèrent mon intérêt) elle t’est directement adressée, et beaucoup plus sérieuse, lis là, j’ai un coup de téléphone à passer, tu comprendras pourquoi après. Il me tendit la lettre.

Pauvre conne,

Tu penses qu’un laideron comme toi peut attirer un homme comme lui ?

Ouvre les yeux ma vieille ! Tu es tellement grosse que tu l’écraserais.

Ne le touche pas !

Ne le regarde même pas !

Il est à moi !

Si je vois que tu es encore avec lui, tu rejoindras ton cher mari.

Méfie-toi, si tu ne prends pas tes distances, tes gosses se demanderont pourquoi leur mère n’est plus là.

Cette fois, l’horreur de la situation me sautait dessus, m’accablait. J’étais tétanisé, on en voulait à mes enfants. Je regardais Gabriel, tourné vers moi, le téléphone collé à l'oreille, analysant ma réaction. Les larmes inondèrent mon visage, mes nerfs lâchaient.

—…Non…oui…OK, je ne la laisse pas seule, oui…oui…je reste…oui, je ferme tout, OK merci.

—Mes garçons ? Mes sanglots faisaient trembler ma voix, mes gestes brusques et mon regard apeuré le firent bondir vers moi.

—Ne t’inquiète pas je viens d’appeler la police, une voiture de patrouille restera avec tes enfants et Émilie, et nous, on fait le ménage, on refait nos bagages et on va chez moi. Il faut qu’on prenne tous tes papiers, impôt, sécurité sociale, lettre personnelle, tout ce qui te concerne. Il ne reste que trois semaines d’école, les flics seront continuellement avec eux jusqu'à ce qu’elle retourne aux Moignoux, là je lui enverrais un de mes molosses. Tu vas te calmer, respirer, je vais aller fermer les volets et la maison et tu vas prendre un bon bain pour te détendre. OK ?

Je repris mon souffle, inspirer, expirer, je vidais mes poumons à fond et détendais mes muscles.

—Regarde-moi dans les yeux, c’est ça, respire doucement.

Mon regard se fixa au sien, je me calmais doucement tout en l’écoutant.

—Voilà c’est bien, je reste avec toi, ne t’inquiète pas, je ne te laisserais pas tomber. Tu as toujours tes pilules pour dormir ?

—Dans la panière, en haut à gauche a l’entrée.

Me soulevant dans ses bras, il m’installa sur le canapé, j’étais une poupée de chiffon, privée de mes forces, fatiguée, inquiète et apeurée. Me préparant deux calmants, il murmura :

—Je vais fermer la maison, ne bouge pas je reviens de suite.

Mes yeux se fermèrent tout seul et mes pensées se tournèrent vers mes garçons. Je les voyais, dans mes bras le jour de leur naissance, leur premier sourire,…. J’étais totalement perdue dans mes souvenirs quand je sentis le sol s’éloigner de moi, écarquillant les yeux de surprise, ce regard gris vert braqué au mien m’apaisa. J’étais en sécurité dans ses bras, je posais ma tête sur son torse. Nous nous installâmes sur mon lit, instinctivement je me blottis contre lui, cherchant sa chaleur, je me sentis partir au rythme de son cœur. Le bain était oublié, je m’endormis.

Le soleil filtrait au travers des volets, et un rayon saluait mon visage. Je sentais une lourde masse sur mes jambes et ma taille, et mon front était posé contre un buisson de ronces. J’ouvris les yeux, complètement réveillée, ma première vision fut un coup mal rasé, puis une mâchoire carrée et enfin une bouche tendrement ourlet d’un sourire.

—Salut ! Dit-il d’une voix encore ensommeillée. Tu as bien dormi ? Viens là, j’ai besoin de mon câlin du matin.

Son ton désinvolte me surprit, baissant les yeux, je vis que je ne portais que mon shorty et sa chemise.

—Euh…salut…je suppose que…c’est toi qui m’as …déshabillée…et…ça. Lui montrant sa chemise sur mon dos, il rit franchement mal alaise.

—Oui et je trouve qu’elle te va mieux qu’à moi, m’embrassant le bout du nez, (je rougis), son malaise disparu, ses lèvres descendirent de mon menton à l’échancrure du col. Va prendre ta douche avant que l’irréparable se produise. Je vais préparer le café. Et on a du pain sur la planche tous les deux.

—Oui je sais, dis-je d’un ton monotone, laissemoi un quart d’heure et je te rejoins dans la cuisine.

La douche me mit d’attaque, tout en enfilant mon peignoir, une hargne contre cette folle se propageait en moi. Mon pas décidé quand je franchis la porte de la cuisine, fut accueilli par un haussement de sourcils.

—Tu vas à la guerre ? Dit-il avec ses deux fossettes qui se dessinaient à chaque sourire.

—Oui, on peut dire ça, j’ai bien réfléchie pendant ma douche ! De quel droit elle me dit ça, si je veux être avec toi, si j’ai envie de te toucher, ce n’est pas elle qui va m’en empêcher.

—C’est bien ce que je dis, tu lui as déclaré la guerre. Alors comme ça, t’a envie de me toucher, la plaisanterie fit baisser la tension d’un cran.

—Que tu es bête !

—Je ne veux prendre aucun risque, ce sera dur pour toi, mais tu viens vivre chez moi quelque temps, les garçons seront avec Émilie, on ira les rejoindre dès qu’on le pourra.

—OK. Dis-je la mort dans l’âme.

Je pris la tasse de Gabriel et me servis un café dans celle-ci.

—Hum, ça devient intéressant.

—Quoi donc, je bois mon café. C’est parce que j’ai pris ta tasse ? Tu m’as bien mis ta chemise !

—Oui, mais bon… paraissant embarrassé, il détourna le regard, je vais prendre ma douche !

Je ne pus m’empêcher de sourire à sa fuite précipitée. Tout en buvant mon café je commençais à rassembler tous les documents me concernant, il y en avait un peu partout, mon sens de l’organisation et du rangement laissait vraiment à désirer.

Ma chambre contenait des boîtes de papiers importants, le tout entassé dans l’armoire et le placard. Mon peignoir m’encombrait, j’inspectais mes vêtements, absorbée dans mes pensées, je pris une robe dos nu, la tenant à bout de bras, je fis la grimace et la jetais négligemment. Je ne vis pas la masse se redresser sur mon lit. Je saisis un pantacourt marron et une tunique assortie. Dans mes panières, je farfouillais à la recherche de dessous, je jetais sur le lit ce qui irait dans mes valises, sans trouver l’ensemble que je voulais mettre.

—AH non !

Me retournant d’un bloc, je fus étonnée d’entendre cette voix. Pensant être seule dans cette pièce de la maison, je rougis violemment, ne sachant que dire, je bégayais :

—Mais que… tu devais… tu as dit…douche… prendre.

—Je n’ai rien contre recevoir une robe, qui soit dit en passant et superbe, mais ça ! Il tenait du bout du doigt un bustier rose à dentelle noire, j’ai une préférence quand ils sont portés, pas jetées.

—Oh excuse moi ! Ma gêne le fit rire. Je remarquais qu’il n’était pas encore habillé. J’ai sorti les papiers de la salle à manger, il y a ceux-là aussi, et ceux dans le placard. Il y a six cartons en tout, ça rentrera dans le coffre de la Ford, mais on va mettre deux jours pour aller chez toi.

—Si elle tient ! On va amener la Ford chez Émilie et je louerais une voiture, ne t’inquiète de rien, je m’occupe de tout. Tu as juste à emballer ces trucs (toujours au bout de son doigt, mon bustier se balançait), et quelques vêtements, prends ton ordi, pas l’écran, j’en ai un à la maison, et tes albums photos aussi, ne laisse rien de perso.

—Pourquoi je devrais prendre tout ça ? Je n’aménage pas chez toi définitivement !

—Non mais si quelqu’un veut des informations sur toi, c’est là qu’il cherchera. Je veux te protéger, ils sont voraces, et très coriaces. On n’a pas le droit à l’erreur.

—OK, je m’en remets à toi.

—Je te laisse t’habiller, dit-il en enfilant son jean, je vais regrouper mes affaires, mieux vaut se dépêcher, on ne sait jamais quand ils frappent.

—OK, je me grouille. Il va falloir que j'appelle mes clientes une par une pour leurs dire que je prends des vacances, la barbe !

—J’adore ta bonne humeur de bon matin, je file avant qu’elle se retourne contre moi.

Un clin d’œil fit réplique à mon regard assassin. Son départ fit un grand vide, je m’habituais vraiment à sa présence, ses sourires et ses remarques pertinentes, son ton souvent moqueur et surtout, je me sentais en sécurité avec lui, dans ses bras, à ses côtés. Qu’aller me réserver cette cohabitation forcée ? Allait-on s’entendre encore bien avec la reprise de son métier ? Comment vais-je gérer ma jalousie avec toutes ses femmes qui se jetteraient à son coup ?

Laissant toutes mes questions de côté, je m’habillais en hâte, attachais mes cheveux, et sortis tous mes documents. À force de faire des aller-retour entre, la chambre et l'entrée, monter et descendre les escaliers, j’avais mal aux mollets.

C’est assise à même le sol, dans l’entrée qu’il me trouva, au milieu des cartons et des sacs.

—C’est bon, tu as tout ?

—Oui et surtout des crampes, c’est comment chez toi ?

—Vide et calme. Il y a pas mal de truc à faire, mais je n’ai ni le temps, ni le courage et encore moins d’idée pour me lancer dans tel ou tel projet.

—OK, je ne suis pas plus éclairée, je verrais sur place l’étendue des dégâts de ta garçonnière.

Nous chargeâmes, la voiture, elle débordait de partout, les cartons s’entassaient dans le coffre jusqu'à la plage arrière, les valises étaient sur les sièges arrières, entassées les unes sur les autres.

—On a de la visite !

Je regardais de gauche à droite et ne vis qu’un jeune sur un scooter se balader au ralenti dans le lotissement.

—Qui ça ?

—Sourit ! C’est toi qu’ils veulent, pas moi !

Le scooter passa et me mitrailla de flash, je restais hébétée, au milieu de mon allée. Le rire de Gabriel me sortit de ma torpeur.

—Tu prendras vite l’habitude des photos, même prise à la sauvette. Il n’y aura rien de compromettant dans celle-ci, rassure-toi.

—Je vais fermer la maison, c’est bon tu as pris toutes tes affaires ? Dis-je un peu sèchement, on peut y aller ?

—Ouais, ne t’énerve pas, ça ne sert à rien.

CHAPITRE 13

—Tu as déjà fait du rallye ?

Je tournais la tête du côté passager et le vit accroché à la portière limite malade, mon pied cessa de suite d’appuyer sur l’accélérateur.

—Pour aller chez moi, c’est moi qui conduirais, je tiens trop à la vie pour te laisser le volant dans l’état où tu es.

—Ça va ! Je suis juste un peu énervée. Je ne comprends toujours pas pourquoi je dois partir, elle a écrit pour m’intimider, c’est tout.

—Tu tiens à prendre le risque ? Avec les petits au milieu ? Je ne te connaissais pas si irresponsable et aventurière !

Je me garais devant chez Émilie, mettant un terme à cette discussion stérile. Les garçons étaient sur le porche et attendaient à l’abri des regards.

—Rentre vite, on ne sait jamais.

Je filais sans demander mon reste, ils se jetèrent dans mes bras me faisant basculer. L’atterrissage sur mes fesses me fit rire. Le bonheur de les retrouver, de les sentir, atténua la douleur de mon derrière.

Gabriel était en grande conversation avec Émilie. Je les laissais tous les deux, profitant de mes gars leur expliquant que j’étais obligé de les laisser pour leur sécurité. J’en étais malade, un profond malaise d’abandon me saisit.

—Vous savez que je vous aime, mes chéris. Maman sera toujours là pour vous. Je vais être obligée de partir avec Gabriel un petit moment, vous serez sage avec Émilie ? Et surtout, ne parlez à personne sur ma destination, ni avec qui je suis, OK ? C’est très très important.

—Oui maman, dit Tristan.

—OK, Émilie nous a bien expliqué pourquoi tu partais, c’est une folle qui ne veut pas que tu sois avec ton amoureux ! C’est ça ?

Je hochais la tête incapable de dire autre chose. Si jeune soient-ils, ils comprenaient tout. La séparation allait être rude. Gabriel m’appela doucement, il comprit que je n’étais pas très loin de craquer.

—Émilie veut te voir, elle est dans la cuisine, je vais parler aux petits.

J’embrassais encore mes enfants et filais vers mon amie.

—Alors, Gabriel m’a dit que tu t’installes chez lui ! C’est super !

—Mais ce n’est que provisoire ! Dès que cette folle se sera calmée, je rentre chez moi avec les garçons et on reprend notre vie normale.

—J'en étais sure, quand j’en ai parlé à Joëlle, elle s’est décomposée. Elle m’a dit que tu avais ferré le bon poisson, et vu comme c’est parti entre vous, avec cette nana qui te harcèle, tu ne décollerais pas de chez lui. Je lui ai répondu, que te connaissant, tu voudrais vite en terminer et rentrer chez toi reprendre ta vie.

—Je ne sais pas comment tu fais pour la supporter, elle est mauvaise qu’elle n'en peut plus. Tu lui as dit que je partais m'installer chez Gabriel ?

—Euh oui, Gabriel m’en a parlé hier soir au tel. Il m’a aussi demandé de préparer les enfants, de leur en parler avant toi, car tu risquais d’être bouleversée de les laisser.

—Jess, on ne va pas tarder à y aller ? C’était Gabriel qui criait depuis l’entrée, tu es prête ? Dis au revoir aux garçons la voiture de location sera là d’ici 5 minutes, après je charge et on décolle.

—OK, j’arrive dans 2minutes, lui criais-je.

—Bon, voilà une aventure que j’aimerais bien vivre à ta place ! Tu es veinarde quand même, tu m'appelles quand tu arrives ?

—Je te laisse la Ford, même si tu ne l’aimes pas, fait la rouler. Et tu as toujours les clés de la maison ?

—Oui, j’irais de temps en temps pour voir si tout va bien, ne t’inquiète de rien.

—Pff, vous vous êtes concertés Gabriel et toi ? Vous me dites la même chose.

—Si tu veux, on échange nos places ? Je pars avec le beau Gabriel et toi tu restes là.

—Jess, la voiture est là ! Et le « beau Gabriel » ne ferait pas tout ça si s’en était une autre.

—OK Gabriel, je te la laisse, prends soin d’elle ! Cria Émilie.

—Et Oh, tous les deux ! Je suis là ! J’existe, il me semble !

—Il faut vraiment qu’on y aille ! S’impatienta-t-il.

—Oui, c’est bon, j’embrasse les petits et on y va.

Serrant une dernière fois mes fils, je m’installais dans la voiture la mort dans l’âme. S’asseyant au volant, il me regarda tendrement. Sa main caressa mon visage anxieux avec une incroyable douceur.

—Je vais tout faire pour savoir qui c’est. Elle ne te touchera pas un cheveu, ni à toi, ni aux enfants. Je ne le permettrais pas.

Nous prîmes la route dans un silence total. Sa conduite sportive et souple me mit en confiance. Une douce musique de guitare s’échappait des haut-parleurs, une irrésistible envie de dormir me saisit.

—Profite pour dormir, on ne s'est pas beaucoup reposé cette nuit et on n'a pas mal de route à faire.

—On pourra s’arrêter sur la route ou pas ?

—Non, ça ne serait pas prudent. Mais si tu es fatigué, on pourra prendre une chambre dans un hôtel !

—Non ne t’inquiète pas, je me reposerais dans la voiture.

Me calant dans le siège, mes pensées s’égarèrent. Je nous imaginais ma petite famille et Gabriel, se promenant au bord de la plage …tous mangeant une glace…ramassant les coquillages…représentant aux yeux de tous : une famille normale.

Sursautant au son d’un morceau de piano rapide, je réalisais que je m’étais assoupi.

—C’est quoi cette musique, j’aime beaucoup, c’est doux et entraînant à la fois.

—Oh c’est mon CD. Dit-il tranquillement.

—Comment ça ?

— C’est moi qui joue, depuis tout petit je fais de la guitare et du piano, et un pote m’a fait faire ce disque. Je l’écoute presque jamais, mais c’est le seul que j’ai emporté, j’en achèterais d’autres si tu veux.

—Non, il me plaît, tu m'avais dit que…c’est vraiment magnifique. Mon admiration le mit un peu mal à l'aise.

—Il faut bien que je te laisse découvrir encore des choses, si tu me connaissais parfaitement, tu te lasserais vite de moi.

—Oh et je dois m’attendre à quoi encore ?

—Tu verras, dit-il avec son adorable sourire en coin.

—On arrive dans combien de temps ?

—2 heures de route encore, comme tu as dormi presque 4 heures ça sera rapide.

—Comment es-tu devenu musicien et acteur ?

—J’ai commencé la musique très jeune, je jouais dans les bars pour me faire trois sous et en parallèle, j’étais inscrit dans une troupe de théâtre. J’ai joué pas mal de petit rôle et puis j’ai postulé pour crépuscule et voilà. Le parcours classique d’un acteur.

—Tu ne t’attendais pas à tant de notoriété ?

—Non et toi, pourquoi la coiffure ?

—Le contact, la psychologie, l’écoute, l’art et la mode. Voilà comment et pourquoi j’aime mon métier. Il est complet, manuel et parfois intellectuel, suivant le client que tu as, tu peux avoir de super discutions, une approche totalement différente de la personne. C’est un boulot que j’adore.

—Je vois ça, tu es une passionnée.

Un calme paisible s’installa dans la voiture. Gabriel gardait le silence se concentrant sur sa conduite. Pendant ce temps je regardais le paysage défiler à toute allure par les vitres fumées.

—Avec ses vitres noires personne ne peut nous voir ! C’est vrai qu’avec ma vieille Ford, on n’aurait pas passé inaperçu.

Les deux heures passèrent à une vitesse que je n’aurais pas crue possible. Les panneaux se succédaient et je n’avais toujours aucune idée de la destination finale.

Il prit la direction de Long-Villiers puis direction du Bois-de-Rochefort. Je ne connaissais pas du tout cette région, je fis la touriste. Tous les villages que nous traversions, je le faisais ralentir pour en profiter un maximum. Nous arrivâmes dans le village de Forges-les-bains, au lieu de le traverser, il obliqua à droite de suite, en direction du centre-ville, prit une ruelle de côté et s’arrêta devant un immense portail. Son portable à la main il tapa sur des touches et je vis le portail s’ouvrir. La ruelle était assez animée, des vélos, des couples, des voitures garées un peu partout et beaucoup de passant.

—Je comprends pourquoi tu disais que les Moignoux étaient calmes, tu as vu tous ses gens ?

—Tous ces gens, comme tu dis, ne sont que des journalistes ou des paparazzis à notre recherche.

Il avança la voiture sans attendre que le portail soit complètement ouvert. Il continua à longer l’allée et s’engouffra dans une descente vertigineuse, deux grandes portes blanches de garage se fermèrent après notre passage, il immobilisa enfin le véhicule dans un grand boxe qui se ferma de suite après notre entrée.

—Bienvenue chez moi ! Viens, on prend l’ascenseur, j’irais chercher les cartons et les valises après.

Bouche bée, je le suivais, il mit une clé au lieu de taper l’un des trois numéros, nous montâmes les trois étages en rien de temps, et continuant, je me tournais vers lui sans comprendre. Son air embarrassé me dissuada de lui poser la moindre question. Les portes s’ouvrirent directement sur le palier d’un immense loft.

La pièce était gigantesque, beaucoup plus grande que ma cuisine et ma salle à manger réunie, dénué de meuble, de couleur blanche, lumineuse et surtout impersonnelle.

—Tu y vis ? Dis-je éberluée.

—Euh…oui de temps en temps.

—Tu n’as pas de cuisine ? Demandais-je, regardant dans toutes les directions.

—Euh…si par là.

Longeant le canapé en cuir noir, contournant un écran de télévision immense (je ne put m’empêcher de penser à la mienne, ma vieille télé était un écran de poche en comparaison de la sienne). Nous arrivâmes dans une grande pièce avec des placards crème, un évier blanc, un four et une plaque de cuisson. Tout était dernier crie et surtout tous n’avaient jamais servi.

—Elle ne porte que le nom de cuisine, tu ne t’en es jamais servi, n’est ce pas ?

—Euh non, son embarras s’amplifiait, je me fais livrer des plats.

—Tu as combien de chambre ?

—Une et un bureau. Viens, on continue la visite.

Nous partions à l’opposé de la cuisine quand son téléphone sonna. Il me fit signe de continuer ma visite seule. Je découvris une suite où trônait un lit énorme drapé d’un couvre lit blanc, cette pièce comme le reste était épuré, une salle de bain immensément…vide, et un bureau où une chatte n’y aurait pas retrouvé ses petits. Ses deux pièces étaient d’une contradiction totale. Le bureau était jonché de livres, de magazines, de photos. Une guitare posait sur un clic-clac rouge, un piano disparaissant sous des monticules de partitions, une table de travail croulé sous le poids des livres, des scriptes et autres. Des affiches de cinéma recouvraient en partie les murs. Une chaîne hi-fi dernier crie, posée à même le sol dans un angle, donnait l’impression d’être la seule chose à sa place dans ce capharnaüm.

—Ah, oui c’est un peu le bazar dans cette pièce.

—Oh, tu as fini ta conversation ? Pour te répondre franchement, non, on se demande si tu ne vis pas que dans cette pièce. Le reste est si froid, si impersonnel, qu’on dirait que ce n’est pas habité.

—Prends les choses en main, si tu veux, refait ce qui ne te plaît pas, arrange comme tu veux toutes les pièces.

—Je ne sais pas. C’est chez toi, pas chez moi.

—Réfléchis, je vais débarrasser la voiture et on se fera livrer des courses via internet.

—OK.

Une fois parti, j’allumais la musique et inspectais encore les lieux. J’ouvris les placards, pris des couvertures et des coussins, trouva un tapis. Je jetais les couvertures en draper sur le canapé en cuir noir essayant d’atténuer la froideur du textile, mis le tapis bordeaux devant celui-ci et éparpillai des coussins sur le sol. C’était mieux, mais l’espace était encore immense et pas assez chaleureux, une idée me vint. Je partis en courant dans le bureau…

Quand Gabriel entra, il me trouva, déblayant le clic-clac, penchée sur une pile de magazines en équilibres.

—Qu’es- ce que tu fabriques ?

—Aide moi au lieu de parler ! Prends l’autre côté du clic-clac on l’amène dans le salon.

—Hein ? Bon OK, je te laisse faire, tes cartons sont à l’entrée et ta valise dans la chambre.

—OK merci, soufflais-je sous l’effort.

On l’amena tant bien que mal au travers du couloir et je le positionnais perpendiculaire au canapé.

—Et voilà ! Dis-je fière de moi. Comment tu trouves ?

Il ne regardait pas du tout mon œuvre mais me fixait intensément. Il s’approcha de moi, me prit dans ses bras et commença des pas de danses suivant la musique qui passait à ce moment-là.

—Tu es mon ouragan, c’est une bénédiction de t’avoir auprès de moi. Au moins je ne m’ennuie pas !

Nos pas s’accordaient à merveille, il se pencha et m’embrassa d’abord doucement, puis ne résistant pas, je me levais sur la pointe des pieds pour approfondir notre contact. Me soulevant à sa hauteur, nous nous dévorions mutuellement.

Ne touchant plus le sol, je ne me rendis pas compte qu’il se déplaçait. Ce n’est qu’en tombant sur le lit que je pris conscience de l’endroit où nous étions. Pas une parcelle de nos corps ne se touchait pas, nous étions encastrés l’un dans l’autre, seul barrage, nos vêtements. Ce fut une question vite réglé, il prit l’initiative et tout s’enchaîna, sa douceur, son tact et sa tendresse me ravir, il ne prenait pas, il donnait. Un moment de panique me crispa.

—Qu’est-ce qu’il y a ? Tu veux que je m’arrête ?

—Non ! Ce fut un crie du cœur. J’ai peur de mal faire, ça fait tellement longtemps que…enfin voilà quoi.

Son rire me détendit, comme hypnotisé, je le regardais découvrir mon corps centimètre par centimètre. Une chaleur m’envahit tout entière, me rendant incandescente, ma pudeur de côté je partis moi aussi en exploration de ce corps qui à mes yeux était parfait. Quand nos corps se soudèrent, des frissons de plaisir m’amenèrent dans un océan de bonheur. Son torse s’abattit sur le mien. Nous restions là enlacé, repu, comblé.

—Je n’ai pas mis de capote ! Et, je suppose que tu ne prends pas la pilule ?

Son sursaut me prit de court et une terreur me mortifia.

—Oh mon Dieu, je vais à la douche de suite. Tu n’as pas le… y a pas de risque que …

—Non je suis propre comme un sous neuf, pas de problème de se côté-là. Ça va tu es toute blanche d’un coup. Qu’est-ce qui te tracasse ?

—Il faut que j’aille à la pharmacie, la pilule du lendemain devrait marcher.

—Comme tu le sens, ça ne me pose aucun problème, tu m’acceptes dans la douche ?

—Euh…Oui… mais après faut vraiment que je trouve une pharmacie, c’est trop tôt pour…nous deux.

J’étais saisi, un autre homme aurait hurlé, m’aurait incendié. Pas lui. Son calme et son sourire me rassurèrent.

Toujours taquin, il se pressa contre moi.

—On va la prendre cette douche ? Ça va nous détendre. Ne t’inquiète pas pour la pharmacie, je m’occupe de tout.

Un short et une chemise de Gabriel me suffire, pour rester dans l’appartement à trier des papiers mieux valait être à l'aise. Je sortais de la chambre quand j’entendis Gabriel parler.

—Allô Marie ? Salut, c’est Gabriel ! Dis-moi, peux-tu me rendre un service…oui …ça va…. J’aurais besoin d’une pilule du lendemain et de préservatifs... (Je rougis violemment, qu’il demande des choses si intimes à quelqu’un me gênais)… oui et tu peux nous faire quelques courses ? Oui ce sera tout… pour le moment ça va. …oui OK A+

J’attendis qu’il range son téléphone pour lui demander à qui il parlait mais me ravisa.

—J’adore.

—Tu adores quoi ?

—Trois choses, la première, te voir dans mes vêtements, la seconde, j’ai adoré ce qu’on vient de faire et troisièmement, embarrasser ma sœur.

—C’est à ta sœur que tu téléphonais ? Oh mon Dieu, pour qui va-t-elle me prendre ? Quelle honte !

—Ce n’est que ma sœur, pas la reine d’Angleterre !

Son rire me rassura quelque peu.

Je partis dans la cuisine chercher de quoi préparer du café, dégotant une cafetière, je partis à la recherche de filtre et de café. Je mis un certain temps pour tout réunir mais je fus fière de mon breuvage.

Exhibant une tasse fumante et odorante sous le nez de Gabriel, je me dirigeais sur le tapis récemment installé. Il me suivit sans dire un mot, nous nous installâmes par terre sur les coussins, le dos calé contre le canapé.

Je me débarrassais les mains et saisies le premier carton.

Le téléphone de Gabriel sonna à cet instant, je continuais à sortir mes documents pour les trier, alléger ces cartons de paperasse.

—…OK …je ne sais pas si elle sera d’accord…oui ce serait le mieux…OK je lui en parle…OK… tien tant que je t’ai le tournage reprend quand ?...OK…on va essayer…OK. … .A bientôt.

Je triais, lisais ne prêtant qu’une oreille distraite à sa conversation. En raccrochant, il but une gorgée de ma tasse de café, tranquillement, comme s'il avait toujours fait ça.

—Cool ! Beau gosse ! Tu en veux d’autres ? Mon ironie le fit sortir de sa rêverie.

—Il faut vraiment qu’on officialise notre couple aux médias, ça résoudra beaucoup de problèmes, mais tu recevras toujours autant de lettres, menace ou autres. D’après mon agent, c’est nécessaire.

—Je te laisse faire, vous avez plus l’habitude que moi, mais et les enfants, qu’est-ce qui va se passer ?

—Ils sont avec Émilie et dans 15 jours, ce sera les grandes vacances, elle a laissé un message. Ils partiront l’avant-dernier jour, en pleine nuit pour ne pas attirer trop l’attention sur eux.

—OK, c’est fou comme on stocke des papiers dans une vie, prends ce carton, et regarde pour faire des tas, ça m’avancera pour trier tout ça.

C’est dans un silence total, concentré sur la lecture, qu’il me tendit un dossier.

—Tu as lu ça ? Me demanda-t-il en fronçant les sourcils. C’est le rapport d’accident de ton mari.

—Oui, tu m’as dit de tout prendre, donc j’ai tout mis dans les cartons.

—Ce n’est pas ce que je veux dire, tu ne l’as pas lu ?

—Non, j’ai vu des policiers et l’hôpital, ça m'a suffit.

—Ce n’était pas un accident.

Une bombe explosant n’aurait pu faire plus de dégât.

—Qu’est ce que tu racontes, c’était un accident de voiture, il s’est tué avec ma vieille 205, la sienne était chez le garagiste.

—Regarde par toi-même.

Me tendant le dossier, je le saisis avec violence, le rapport expliquait que le câble de frein avait été sectionné. L’enquête n’avait abouti à rien, faute de preuves. Donc pour eux l’affaire était classée. Je n’en revenais pas, toutes ses années à croire à un accident !

Que de temps perdu !

Un meurtre, voilà la vérité. Quelqu’un avait assassiné mon mari. On m’avait privé de mon bonheur, arraché un père à ses enfants. Une rage folle me submergea, je me mis à hurler, pleurer, tous mes muscles se rappelaient à moi. Les souvenirs, les joies, les peines, tous se bousculaient dans ma tête.

Gabriel regardait la scène totalement impuissant, comment faire face à cette horrible découverte ? Comment cicatriser cette plaie rouverte ?

CHAPITRE 14

—Jess. Sa voix atteignit la brume de mes pensées noires. Jessica !

—Je n’en reviens pas, toutes ses années perdues ! Je suis vraiment stupide, j’aurais dû lire ce rapport plus tôt.

—Je t’arrête de suite ! Tonitrua-t-il. Vu l’état dans lequel cet accident t’a plongée, tu ne pouvais pas lire et réagir comme ça. Mais maintenant, tu as mûri, tu as du recul, ON peut reprendre l’enquête, (le « ON » me fit relever la tête brusquement) Tous les deux. Avec mes relations, ça peu pas mal nous aider.

Nous nous penchâmes sur le dossier à fond, relevant les noms de toutes les personnes présentes sur le lieu de l’accident.

Je notais : Gendarme RIVO, accident le 19/06/2007 à 16heures 30, route de MURLES.

—Tu as Internet ?

—Oui bien sûre ! Quand je ne travaille pas sur un tournage, je reste enfermé, comment crois-tu que je fasse les courses et que je passe mon temps ?

Je tapais google comme moteur de recherche et inscrivit la date et le lieu. Une série d’accidents apparurent dont celle de Nico. La seule chose qui m’interpella fut l’heure de l’accident.

—16 heure 30 ! Mais il bossait normalement !

—Tu en es sûre ? Il y a peu être une erreur ? Que disent-ils dans le dossier ? Fais voir !

« Mort supposée accidentelle, homme la trentaine, heure estimée du décès 16h25 », lut-il.

—Je n’y comprends rien, je partis en courant chercher tous les papiers concernant Nico.

Mon chagrin m’avait toujours empêché de jeter quoique se soit, et aujourd’hui, j’en étais contente.

CONTRAT DE TRAVAIL

Société Labo, Expo, Info

Horaire de travail : lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi 8H00 à 12H00 et 14H00 à 18H00.

—Il a dû finir plus tôt, dit Gabriel.

—Mais alors, que faisait-il dans le village d’à côté ? Murles est sur l’autre versant de la colline.

—Il ne passait pas par là pour revenir du boulot ?

—Non ce n’est pas du tout le chemin.

—Tu ne connais personne qui y habite ?

—Si deux ou trois personnes.

Je passais en revue mes amis qui y vivaient : Juliette et son mari Tom, Clémence, Ariane, Josette et Jean-Marc, sans oublier Joëlle. Tous étaient mes amies sauf cette dernière, un doute m’assaillis.

—Joëlle était l’ex petite amie de Nico, et elle habite Murles…

—Et ? dit-il ne voyant pas où je voulais en venir.

—Tu l’as connaît, c’est l’esthéticienne, la copine d’Émilie. Elle lui a toujours tourné autour, même après notre mariage, et ça ne c’est pas arrêté avec la naissance des enfants. Mais Nico n’y faisait pas attention, il avait tiré un trait sur son passé avec elle.

—Tu en es sure ? Son scepticisme me pris de court.

Mon « oui » n’était pas très convaincant, à vrai dire, je n’étais plus sure de rien.

—Tu la connais par le biais d’Émilie, non ? Qu’en pense-t-elle ? Elle ne t’a jamais rien dit ? Ni fais allusion d’une manière ou d’une autre ?

—Non, je ne vois pas.

—Bon, on arrête de se prendre le chou, je vais appeler ma sœur pour voir où elle en est. Et après on appelle ce RIVO pour lui poser quelques questions. OK ?

Lorsqu’il partit, je ne put m’empêcher de relire ce maudit rapport de police. Comment allait-on faire pour rouvrir une enquête dite classée depuis trois ans ? Pourquoi était-il sur la route de Murles ?

Une sonnerie stridente retentit.

—Jess, viens que je te présente ! Marie est là !

Une jeune femme brune se tenait dans le hall d’entrée. Très grande, très mince, très brune, tous l’opposé de moi.

—Salut ! Alors c’est toi qui as envoûté mon frère ? La remarque n’était pas dite méchamment, au contraire. Tu l’as sorti de son quotidien, c’est très bien pour lui, c’est ce qui lui fallait. Tiens, ce doit être pour toi ça.

Elle me tendit un sachet de pharmacie, je rougis comme une tomate, quelle première rencontre ! Que devait-elle penser de moi. Toujours habillée avec la chemise de Gabriel, j’avais piètre allure.

—Bonjour et merci, dis-je piteusement.

—Voilà tes courses Gabriel, tu as de quoi tenir trois ou quatre jours. Vous en faites une tête, je crois que je ne suis pas la bienvenue, je tombe au mauvais moment !

—Non, dit Gabriel. Mais Jess a découvert des trucs dans le dossier de son mari qui ne sente pas bon. Alors on est un peu secoué.

—Je peux peut-être aider, un œil neuf fait toujours mieux que deux yeux vieux.

—Merci Marie, mais je pense que Jess ne veut pas étaler tout ça devant tout le monde. On va tout mettre à plat et regarder ce qui s’est passé réellement.

—OK ! Je vous laisse les tourtereaux ! A bientôt Jess !

—Merci encore. Je secouais le sac encore dans mes mains. A bientôt.

Tandis que Gabriel la raccompagnait, je filais dans le bureau, posais le sachet sur le meuble et reprenais mes recherches sur internet.

Je recherchais de la documentation sur la police quand, Gabriel entra.

—Tu as noté les coordonnées de ce flic ?

—Non, attends j’ai le dossier ici !... Rivo…

Tapant sur l’annuaire informatique ce nom, une série de sept Rivo apparurent.

—On a du boulot ! Je vais préparer un en-cas et on recherchera lequel est le bon en grignotant. Regarde s’il n’y a pas son prénom quelque pare.

—OK ! Désolé pour ta sœur !

—Pourquoi désolé ? Elle a bien vu qu’il y avait un problème, ne t’inquiète pas pour elle, elle s’en remettra. Tu as pris ton truc ? Son air gêné me fit sourire.

—Non, je la prends de suite.

—Pendant ce temps, je vais continuer de chercher dans les documents.

—Non ! Laisse c’est à moi de chercher, regarde plutôt si tu vois son prénom quelque part !

Je décidais de prendre ma pilule plus tard, mon instinct me disait que j’allais faire une bonne découverte.

—Jacques ! Dit-il.

J’écrivis « Jacques RIVO », une seule personne correspondait. Le seul hic, c’était l’adresse, il résidait au fin fond de la Lozère, plus exactement à Marvejols.

—Dis-moi, Jess, tu n’as pas parlé de prendre du bon temps ? Tu veux bien qu’on visite la Lozère et tout particulièrement le Gévaudan ?

—Que tu es bête ! M’exclamais-je, une ébauche de sourire se dessinant sur mes lèvres. Je vais d’abord l’appeler pour lui parler de notre découverte, et je planifierais un rendez-vous. Tu n’avais pas autre chose en tête que les loups toi ?

—Heureusement que tu m’y fais penser, il faut que j'appelle mon agent de suite, attends avant de lui téléphoner que j’ai la date et l’heure du communiquer de presse que nous allons donner.

Je hochais la tête sentant mon appréhension monter d’un cran. Entre être la petite amie d’une star et découvrir la vérité sur la mort de mon mari, les deux allaient être dure à mener de front.

CHAPITRE 15

Cette nuit-là, Gabriel dormit sur le canapé, sa patience et son respect m’étonnaient, si l’on continué comme ça, c’est moi qui ne tiendrais pas. Oh que de changement en deux ans !!

Nous prenions le petit déjeuner dans la cuisine quand son portable sonna.

—Allô !...Ah salut…oui…OK…15 heures demain…OK comme tous les jours…OK…ils ne sont pas là donc c’est bon,…OK bonne soirée à demain.

—C’était ton agent ?

—Oui, on officialise notre relation demain à 15 heures, avec toute la presse réunie.

—Oh ! Super-génial ! Dis-je ironiquement. J’ai hâte d’y être.

—Allez du nerf, appel Rivo, on partira de suite après.

—OK, merci pour tous ce que tu fais pour nous, je ne sais pas ce que je ferais si tu n’étais pas là.

—Tu vivrais dans ta maison tranquillement avec les petits, sans ennui, sans fans hystériques te pourchassant, et surtout, tu aurais pu faire ton deuil et pas ressortir tous ses vieux papiers. Et tu n’aurais pas à donner un communiquer de presse avec le plus beau gosse que tu connaisses.

Je souris et me jetais sur lui faisant semblant de le frapper.

—Attention beau gosse, je pourrais tomber amoureuse de toi ! Dis-je sur le ton de la plaisanterie.

Il se figea, toute trace d’humour ayant quitté son visage, sérieusement il me dit :

—Mais j'y compte bien.

Je fus pétrifié sur place par ces quelques mots.

—Tu es sérieux ?

—Bien sur, pourquoi crois-tu que je reste là avec toi, ne me dit pas que tu penses à un coup de pub pour moi ?

—Non, ça ne m’était même pas venu à l’idée. Mais je vois bien les gros titres : Un célèbre acteur épouse sa Cendrillon, oups, j’ai été trop vite, dis-je en devenant aussi rouge qu’une tomate.

—T’inquiète, chaque chose en son temps. Mais tu n’y échapperas pas.

Je fis comme si je n’avais rien entendu. C’était un terrain trop glissant pour moi.

—J’appelle Rivo et on avisera la suite des événements après ? OK ?

—OK.

Composant le numéro de téléphone, je regardais Gabriel trier et lire des papiers, les quelques coups d’œil qu’il me lançait me redonnèrent le sourire.

—Allô ? Monsieur Rivo ? Bonjour, Madame Venthe à l’appareil.

Ce fut une voix impressionnante et tonitruante qui me répondit.

—Que me voulez-vous?

—Veuillez m'excuser, dis-je d’une petite voix, mais vous pouvez sûrement me renseigner.

—Allez-y, dites toujours.

—D’après mes renseignements, c’est vous qui avez fait le rapport de l’accident qu’a eu mon mari, j’aurais souhaité avoir plus de détails. Si vous vous souvenez de quelque chose, même infime, ça pourrait peut-être nous aider.

—C’était quel accident ? Rétorqua-t-il sèchement.

—Une 205, sur la route de Murles.

—Ah le couple…

—Non un homme, la trentaine…

—Non, le seul accident que j’ai eu vers Murles, qui corresponde est bien un couple, lui a était tué sur le coup et elle, le temps que l’on aille chercher les secours elle avait disparu.

—Mais… le rapport…mais c’est noté…

—Vous savez, j’étais à quelques mois de la retraite, donc moins c’était compliqué mieux c’était pour moi.

Quand Gabriel vit la détresse qu’exprimée mon visage, il se précipita sur moi et m’arracha le combiné des mains. Me maintenant contre lui, il m’évita une chute de justesse.

—Allô!Allô ! Madame ! Vous êtes là ?

—Bonjour Monsieur Prinsson à l’appareil, Madame Venthe a eu un malaise. Serait-il possible que nous nous rencontrions, pour que nous puissions éclaircir cette triste affaire ? Vous m’expliquerez en détail ce que vous avez réellement vu.

—Oh, faudra venir sur Marvejols, car la vieillesse m’a rattrapée plus vite que prévu. Cette semaine, je dois faire des examens de santé, je pense être disponible la semaine prochaine. Ma fille vous contactera, si vous voulez.

—Oui, je vais voir ça avec madame Venthe, merci beaucoup.

—Au plaisir.

Gabriel me maintenait toujours. Je sentais mes nerfs me lâcher, la fatigue accumulée ressortait et un profond désarroi me rongeait.

D’une voix éteinte, je lui répétais ce que Rivo venait de révéler, au fur et à mesure que les mots sortaient de ma bouche, les larmes ruisselaient sur mes joues. Je ne me contrôlais plus, des soubresauts me coupaient la respiration, une angoisse qui venait de l’intérieur, me vrilla l’estomac, j’eus juste le temps de fuir Gabriel et de me précipiter aux WC. Mon soulagement fut de courte durée quand je sentis sa présence derrière moi.

—Je ne veux pas que tu me voies dans cet état ! Dis-je au bord du désespoir. Laisse-moi !

—Non je ne partirais pas, je suis là pour toi. Dit-il d’une voix tendre, tout en me passant une serviette d’eau froide sur le visage.

—Il m’a dit qu’il y avait une femme dans la voiture avec lui, et qu’elle était partie, comme ça, sans même donner d’explications…je n’arrive pas à y croire, il doit y avoir une erreur !

Le ton sans timbre de ma voix lui fit relever la tête, inquiet, il me prit dans ses bras.

—Tu as une idée de son identité ?

—Non, je n’en sais rien.

—Il faudra sûrement aller à Marvejols, mais avant tout, le plus judicieux serait de demander la réouverture de l’enquête.

—Il faudrait mieux rencontrer en premier ce Rivo, non ? On peut y aller maintenant?

—Non, je voulais te faire la surprise, mais vu les circonstances, je suis obligé de vendre la mèche. Émilie et les enfants viennent ici.

—Pour les vacances ?

—Non, pas seulement. Marie est en train de remplir les dossiers d’inscription à l’école privée Saint-Joseph ? Ce devait être une surprise ! C’est loupé !

Lui sautant dessus, je le pris dans mes bras.

—Merci, merci beaucoup mon chéri. Tu ne peux pas savoir comme ça me touche. Dis-je les larmes aux yeux.

—Aller, viens on y va. Me prenant la main, nous franchîmes la porte et prirent l’ascenseur?

—Où est-ce-qu’on va?

—Faire ce que l’on auraient dû faire depuis longtemps !

Nous installant dans la voiture de location, il démarra en silence. Lorsque les portes du garage s’ouvrirent, les photographes se jetèrent sur nous.

—Attention, ça va déménager !

Il passa la première, accéléra, freina, accéléra jusqu'à ce que certains paparazzis se poussent et libèrent le passage. D’autres plus téméraires essayèrent d'ouvrir les portières, d’autres chevauchaient déjà leur scooter pour nous prendre en chasse.

Gabriel maîtrisait tout : sa conduite, sa colère. Pour ma part je frisais l’hystérie. Ne nous laisseront ils pas tranquille ?

—On va à l’agence donner un communiqué de presse et on partira acheter tout ce qu’il te faut pour les monstres. D’ici une petite semaine, ces maudits paparazzis se seront habitué à l’idée que nous sommes ensemble et nous ficherons la paix un moment, j’espère !

—Je voudrais que se soit déjà fini. Je suis obligé d’y aller ?

—Oui, réglons ça une bonne fois pour toutes.

—Comme tu le sens ! Dis-je fatigué de la séance à venir.

Nous arrivâmes au studio, tant bien que mal, suivit de nos parasites. Aussitôt la portière ouverte, nous fûmes éblouis par des flashs et assourdie par des cris.

—GABRIEL ! ET OH ! Hurlait un journaliste.

—REGARDE-MOI ! Clamait un autre.

—JESSICA, GABRIEL SOYEZ SYMPAT, UNE POSE POUR MOI…

Main dans la main, nous franchirent les doubles portes de l’entrée.

—Ils sont toujours comme ça ? Demandais-je ahurie.

—Eh oui.

Un homme vint à notre rencontre.

—Salut Gabriel, Mademoiselle, me salua-t-il en hochant la tête, tout est prêt !

Ils me guidèrent dans une immense salle ou une table et deux chaises faisaient face à une centaine de fauteuils. La panique me prit à la gorge. Qu’allais-je dire ? Serais-je à la hauteur ?

CHAPITRE 16

Une fois installée, Gabriel saisit ma main pour me rassurer. Sa chaleur se répandit au travers de mon bras et me réconforta. Plusieurs journalistes commencèrent à entrer et s’installèrent. Un profond silence régnait dans la pièce. Quand les derniers prirent place, l’attaché de presse de Gabriel prit la parole.

—Mesdames, messieurs, j’aimerais que les questions posées soient précises et correctes, pas de questions indiscrètes, s’il vous plaît restons corrects.

Je vis les journalistes sortir des calepins, certains avaient déjà préparé des questions. D’un signe de la main de Gabriel signala que l’on pouvait commencer. Aussitôt un interrogatoire en bonne et dû forme s’amorça.

—Quand et comment vous êtes vous rencontré ?

Gabriel répondit avec calme sans déformer la vérité, je découvrais par quel hasard il avait pris ma lettre parmi des centaines, et comment ses actes étaient une preuve de confiance vis-à-vis de moi.

—Madame, avez-vous des projets communs ?

Cette question s’adressait directement à moi, et je répondis sans aucune hésitation.

—Oui et non, nous n’avons pas eu le temps de nous retrouver suffisamment seul tous les deux pour avoir des projets. Disons que beaucoup de personnes nous empêchent d’être seul.

—Nous espérons bientôt retrouver les enfants, et fonder notre propre famille et comme a dit Jessica, sans vous avoir éternellement sur le dos, ajouta Gabriel ironiquement.

Plusieurs raclements de gorge me firent comprendre que notre message était bien passé. J’esquivais un petit sourire en coin en jetant un coup d’œil à Gabriel. Tout était sérieux en lui, visage fermé, mâchoire serrée, stature immobile, je cru avoir mal répondu quand en y regardant bien, une petite étincelle brillait dans ses yeux, je me sentis de suite plus détendu et pu reprendre le file des questions.

—Vos enfants acceptent-ils votre nouvelle vie ?

—Je n’ai pas changé ma vie, et mes enfants se portent très bien ! Ils subissent vos attaques indirectement au travers de moi, mais nous faisons tous pour les préserver.

Gabriel du sentir ma tension car de suite il me saisit la main, sous la table. Ma réponse franche et directe avait un peu calmé tout le monde mais au moins tout était dit.

Suite à mes réponses toutes les questions suivantes furent pour Gabriel. A mon grand soulagement, c’était sa carrière qui les intéressait maintenant. Je fis de mon mieux pour rester calme devant certaines questions.

—Qu’est-ce que ça vous fait d’embrasser vos partenaires dans chaque film, prenez-vous plaisir à le faire ?

Mordant l’intérieur de ma joue, je m’empêchais de grincer des dents en écoutant ses réponses. Au bout de 3 heures, tous les sujets avaient été traités, je n’avais qu’une envie, me mettre au lit, ne penser à rien, seulement être seule. Nous fûmes les derniers à sortir. Prenant le chemin inverse sans se cacher, ni être pressé, nous suivions le troupeau de journaliste vers la sortie. Les courses attendraient un autre jour, nous étions épuisés. Gabriel stoppa net sur le haut de l’escalier.

—Pourquoi tu t’arrê… ?

—Ne t’inquiète pas, juste pour qu’ils mettent une jolie photo de nous. Mieux vaut perdre 10 minutes maintenant que deux heures de poursuite pour quatre clichés volés. Me soulevant par la taille, il me monta à hauteur de ses yeux et chuchota :

—Sourit, détends-toi, fais comme si tu étais amoureuse de moi.

—Ça, je sais faire, je n’ai pas besoin de faire semblant ! Dis-je sans réfléchir.

Une vive rougeur inonda mon visage. Son expression, d’abord étonnée, fit place à un sourire radieux. Se penchant, il m’embrassa tendrement. Nos bouches se délectaient l’une de l’autre.

Un profond silence régnait sur la troupe de journalistes, seul les cliquetis des appareils photo troublaient le calme. Il interrompit doucement notre baiser. Mes jambes ne me portaient plus. Me serrant contre lui, il embrassa mon front, dans ce geste nous essayons de calmer les battements affolés de nos cœurs. Notre émotion était palpable. Enlacés, nous descendîmes les marches sans nous presser. Nous nous engouffrions dans la voiture. Personne ne nous suivit, nous étions libres de prendre la fuite seule.

Au bout de quelques kilomètres, Gabriel était toujours pensif. Je n’osais pas parler, posant ma tête contre la vitre froide, je me permis quelques rêveries d’adolescente. Quand on est très jeune, on rêve toujours d’une romance avec son acteur préféré, que n’aurais-je donné pour vivre ça à 15 ans. A 30 ans avec des enfants à élever, on a peur, on s’écoute trop, on se pose trop de questions.

—Alors comme ça, on est amoureuse de moi ?

Tiré de mes pensées puériles, je ne put rien répondre. Mentir ne servirait à rien.

—Moi je le suis ! Ajoutât-il tranquillement.

Je restais bêtement la tête appuyée contre la paroi de la vitre ne sachant que dire.

—Ce n’était pas trop pénible ? Tes réponses étaient parfaites.

Je ne sortais toujours pas de mon mutisme.

—Je vais faire un monologue pendant combien de temps ? Tu as parlé spontanément tout à l’heure ! Je voulais juste te dire que c’est réciproque, c’est tout. OK, j’ai compris, on change de sujet, ça te met mal à l'aise. On rentre à la maison, on se pose un peu, on verra les meubles un autre jour.

—Comment va-t-on faire avec les enfants et Émilie ?

—On campera, ils se régaleront, tu verras ! Et puis sans remuer le couteau dans la plaie, il faut que l’on ré-ouvre l’enquête. Il valait mieux régler les paparazzis en premier, ils nous éviteront d’être traqué pour un petit moment.

Je hochais la tête pour acquiescer. De retour à la maison, je pris le temps de sortir de la voiture, personne n’était là.

—C’est appréciable de rentrer chez soi dans le calme, non ? Lui demandais-je pour rompre le silence que j’avais instauré dans l’habitacle.

—Mmm !

—Tu veux qu’on fasse quelque chose ce soir ? Un cinéma, un restaurant ?

—Bof !

—Tu te venges ?

—Pour tout avouer, j’ai autre chose en tête qu’un resto ou un ciné, et oui on peut dire que c’est une vengeance. Dit-il en souriant.

Nous commandâmes des pizzas et louâmes deux bons films d’aventures.

—On s’installe devant la télé par terre ? C’est comme ça qu’on fait avec les garçons, on appel ça des plateaux télé.

—Comme tu veux. Ce soir c’est toi qui décides.

—Ah ! Il ne fallait pas dire ça ! Tu as signé ton arrêt de mort mon pauvre, dis-je des idées plein la tête.

Pendant les deux jours qui suivirent, nous nous faisions livrer les repas à la maison, nous préparions la chambre d’amis pour les garçons, Émilie prendrait la nôtre et nous, nous aurons le salon. Entre toutes cette agitation, je lui fis visionner toutes les vidéos de ses castings, ce fut deux jours de rire et de tendresse. Le trio arriva le lendemain des vacances. Les retrouvailles furent poignantes.

—Que vous avez grandis mes bébés ! Dis-je les larmes plein la voix.

—Et ! On est plus des bébés ! Dirent-ils en chœur.

Me tournant vers Émilie, je lui tombais littéralement dans les bras.

—Merci, merci beaucoup pour tous ce que tu as fait, merci de t’être occupé des gars.

—Ne t’inquiète pas, maintenant on est là, Gabriel m’emploie à temps plein pour tes rejetons et la maison, c’est bien payé et surtout je ne suis pas loin de vous trois.

Gabriel hocha la tête et me prit dans ses bras. Toute ma famille était réunie. Nous allions pouvoir souffler quelque temps.

CHAPITRE17

Après l’arrivée du trio infernale, nous avions consacré notre temps libre à chercher de nouveaux éléments pour rouvrir l’enquête de la mort de mon mari. Rivo nous avez conseillé plusieurs avocats, sa santé ne lui avait pas permis de nous voir comme nous l’avion prévu. Nous avions eu tout le temps de préparer notre départ vers Marvejols, sans énervement, ni paparazzis. Émilie restait pour veiller aux enfants et à la maison.

L’enquête était ouverte depuis deux mois maintenant, mais n’avait rien donné. À croire que c’était sans importance au regard de la loi.

Tout le trajet jusqu'en Lozère se fit dans le calme. Une douce mélodie de piano s’élevait dans l’habitacle. Quelques nausées dut au roulis de la voiture me tenaillaient, respirant doucement, je réussis à les maîtriser. Dans la voiture le calme régnait, je sombrais dans un sommeil profond.

—Jess ?

—Grr !

Mon grognement le fit sourire.

—Mon ours faut te réveiller !

J’ouvris un œil, ma paupière était trop lourde, elle se ferma aussitôt, accompagnée d’un autre bruit de gorge.

—On est bientôt arrivé ! Dit-il riant franchement. Tu te réveilles pour l’appeler !

—Qui ça ? Demandais-je encore dans les brumes du sommeil.

—Ben, Rivo ! Tu veux d’abord trouver un hôtel pour dormir ?

—NON ! Me réveillant d’un bond, je me cognais la tête contre le ciel de toit. Aie ! Il me faut un café d’urgence !

—OK ! On fait une pause-café, j’ai roulé d’une traite, je suis un peu KO moi aussi. Par contre va falloir trouver un endroit discret. Il est hors de question de se faire remarquer maintenant.

—Oui ce serait dommage, dis-je en baillant.

Gabriel dénicha une petite caravane snack dans un endroit assez isolé. Nous sortîmes de la voiture, mon regard balaya le splendide paysage verdoyant. Le camion était garé sur une petite placette de terre et de cailloux, entouré de montagnes sur lequel des châtaigniers s’étendaient à perte de vue. Le cadre était une merveille, coloré, reposant, en somme féerique.

—Bonjour, M’sieur, Dame !

—Bonjour, deux cafés s’il vous plaît !

L’odeur de friture me prit soudain à la gorge. Jamais nausée n’avait été si forte. Je fis volte-face et parti en direction de la voiture pour me soulager.

—Et, Jess ! Ça va ?

—Oui, bredouillais-je entre deux spasmes. Ce doit être la fatigue et le stress ou un bon virus.

—Je crois que l’hôtel est plus que conseillé, même obligatoire.

—Non ça va déjà mieux. Mais je vais plutôt prendre un verre d’eau à la place d’un café.

—OK, va t’installer dans la voiture, je vais te chercher ça.

Son regard soucieux ne me quitta pas un instant. Il était tendu, je le sentais. C’était fascinant de voir les expressions de son visage changer suivant les situations. Je le vis échanger quelques mots avec le cafetier. Il paraissait sidéré. Un sourire naquit sur ses lèvres. Comment un homme comme lui pouvait être avec une femme comme moi ? A y regarder de plus près, je ne lui apportais que des ennuis. Fermant les yeux, je me détendais.

—Ah ma femme avait aussi ses nausées les premiers temps, elle ne supportait plus mon eau de toilette ! Mais rassurez-vous ça ne dure pas longtemps.

—Pardon ? Non, ce doit être la fatigue, dit Gabriel au restaurateur ambulant.

—J’en ai trois, et pour les trois ma femme était malade, je peux me tromper mais ça m’y a fait repenser d’un coup.

—Oui, je comprends, mais je ne pense pas que se soit ça.

Revenant après de moi, il me tendit mon verre d’eau, nos regards s’accrochèrent, il demanda :

—Tu es sure que ça va mieux ? Tu es pâle comme la mort.

—Oui, ne t’inquiète pas, ça va déjà beaucoup, dis-je plus pour me rassurer moi que lui.

—Je vais appeler Rivo, tu n’es pas en état de le voir maintenant. Je vais voir avec lui pour un rendez-vous demain ou après-demain.

—OK, tu as raison, c’est plus raisonnable comme ça.

De sa démarche souple il s’éloigna pour téléphoner. Un pli soucieux barrait son front, comme à chaque fois qu’une contrariété arrivait. Inutile de rester à le regarder, il fallait que je me dégourdisse les jambes. Allant beaucoup mieux, je pris le chemin situé derrière la caravane.

La brise légère qui soufflait me fit du bien, le cadre reposant, les bruits de la nature m’apaisaient. Mes nausées n’étaient plus qu’un mauvais souvenir.

Cet endroit était magique, une souche recouverte de mousse captiva mon regard. M’y adossant, mes yeux se fermèrent d’eux-mêmes, me délectant des senteurs de la forêt et des bruits de la nature.

—Le calme avant la tempête ?

Je sursautais au son de cette voix. Il s’assit à mes côtés, passa un bras autour de mes épaules, et me serra contre lui.

—Rivo ne peut pas nous recevoir aujourd’hui, ni demain. Il est à l’hôpital de Mende. Ne t’inquiète pas, rien de bien grave, il doit faire des examens. Sa fille m’a dit qu’il sortait dans trois jours. Tu vas pouvoir te reposer. Tu en as besoin.

—Toi aussi tu en à besoin, je te trouve soucieux ! Tout va bien ? Dis-je lui effleurant des doigts la profonde ride de son front et les cernes qui ombraient ses yeux.

—On y va ? Dit-il éludant ma question.

—Oui.

Nous reprîmes la route, le paysage était captivant, tantôt verdoyant, tantôt désertique.

Gabriel réussit à trouver une petite maison de location pour la semaine à Chanac. C’était un petit village 1200 habitants, situé à 30 Km de Marvejols, ce havre de paix nous tendait les bras. Quand notre voiture se gara, il faisait nuit noire. Déposant nos bagages, sur le porche, il déverrouilla une énorme porte en bois et alluma la lumière. Je franchis le seuil et entrais dans un halle lambrissée, limite austère par la couleur foncée du bois. Continuant d’avancer, nous découvrîmes une pièce aux dimensions correctes, sans être immense, elle était spacieuse et chaleureuse, les murs en pierres apparentes étaient magnifiques, une grande baie vitrée agrémentée de lourds rideaux beiges était placée au centre du mur principal.

—Dommage qu’il fasse nuit noire ! Dis-je émerveillée, tu as vu comme c’est chaleureux ?

Les vieux meubles en bois patinés par le temps, étaient magnifiques et donnaient à l’ensemble une atmosphère campagnarde et cosy. La seule marque de modernisme était un immense écran plat et un lecteur DVD posé sur une immense enfilade de style apothicaire. L’ensemble était une vraie merveille.

Découvrant la cuisine, je fondis devant le piano en fonte, les meubles en chêne étaient mis en valeur par un plan de travail en ardoise typiquement campagnard.

—C’est vraiment magnifique ! Tu ne trouves pas ?

—Oui, ce que je vois est vraiment magnifique. Dit-il sans me quitter des yeux. Aller, va te prendre un bon bain, je prépare un truc à grignoter. N’admire pas trop longtemps le haut sinon, il n’y aura plus rien ! J’ai une faim de loup.

—Merci Gabriel. M’approchant de lui, je lui murmurais, merci pour ce que tu fais pour moi.

Une soudaine timidité me saisit. Me hissant sur la pointe des pieds j’effleurais ses lèvres pleines d’un chaste baiser. À peine le dos tourné, il me prit doucement dans ses bras.

—Eh bien ! Tu appelles ça un baiser ? Viens voir là que je te montre ce que c’est qu’un vrai baiser.

Il fondit sur moi comme un rapace sur sa proie. Perdant toute envie de repos, mes mains s’accrochèrent à lui, puis partirent en exploration sous sa chemise. Un long frisson d’excitation parcourut mon corps de la tête aux pieds.

Les mains de Gabriel allaient de mon cou à mes reins en un lent va et vient.

—J’ai chaud ! Dis-je toute rougissante.

—Va prendre ton bain maintenant, ou dans les secondes à venir tu seras une fille perdue.

—Non ! M’écriaisje.

Sans me laisser le choix, il me tourna face à l’escalier, et d’une tape sur les fesses me fit comprendre que ça décision était prise.

—A tout à l’heure ! Détends-toi et profite un peut du calme.

—Pff ! Dis-je boudeuse, le temps que l’eau coule, je vais téléphoner à Émilie pour avoir des nouvelles.

—OK. A tout de suite.

CHAPITRE 18

La salle de bain était une merveille ! De petite proportion, elle était dans les tons beige sable. A droite de la porte deux vasques à l’ancienne étaient posées sur des consoles en bois patiné beige. La grande baignoire me tendait les bras. Tout en composant le numéro d’Émilie, je réglais l’eau à bonne température.

—Salut !

—Hello ma belle ! Comment vont les tourtereaux ?

—Ça va ! Pas trop le temps de compter fleurette. Et les garçons comment vont-ils ?

—Ils sont au lit, ils regrettent que tu ne sois pas là, mais ils ont compris la situation. Ils sont jeunes mais très intelligents, et ne t’inquiète pas, tous les soirs les devoirs sont faites, ça va ils sont sages !

—OK, heureusement que tu es là ! Tu leur diras que je les appellerais demain.

—Je vous ai vu sur le net, ils ont filmé l’interview que vous avez donné, il y a quelques semaines. Vous étiez craquant tous les deux ! Quand il te regarde, il n’y a pas de doute sur ses sentiments, c’est inscrit sur chaque trait de son visage.

—Mais non, tu te fais des films, et puis c’est un acteur, il sait jouer la comédie ! On n’est pas du tout du même milieu. Je m’attends à ce qu’il retourne vers ces midinettes dès qu’il se sera lassé de notre aventure.

—Tu divagues là !

—Non, j’essaie d’être réaliste, sinon la chute va m’être terrible. J’ai perdu Nico et j’ai eu beaucoup de mal à sortir de ce trou noir. Tu es bien placé pour le savoir ? Je ne veux pas avoir d’illusions.

—Tu verras bien ! Tu penseras à moi le jour où il te demandera en mariage.

—Là, c’est toi qui divagues !

—Je te dis que ça se voit comme le nez au milieu de la figure, et puis je vous vois bien avec plein de petits Gabriel et Jess d’ici un an ou deux.

—Arrête ! Tu racontes n’importe … une sueur froide me paralysa quelques secondes.

—Allô ??? Jess ?...Allô ?

Dans un sursaut je saisis mon agenda.

—AU MON DIEU !

—Allô Jess ?

—Émilie, j’ai un problème ! Oh mon Dieu, non ce n’est pas possible !

—Jess ?...Qu’est-ce qui se passe ? Allô ? Je raccroche et j'appelle Gabriel !

—NON ! Hurlais-je. Je te rappelle !

Raccrochant je tombais à genoux. Comment est-ce arrivé ? Qu’allais-je faire ? Comment lui dire ? Allait-il croire à un piège ?

Mon téléphone sonna. Émilie s’acharnait à me rappeler. Me secouant, je décrochais.

—Ça va, Jess ?

—Je viens de voir que j’ai plus de 15 jours de retard, ce n’est pas possible, j’ai pris la pilule du lendemain. Oh mon Dieu, qu’est-ce que je vais faire ?

Un grand froid m’envahit, toujours assise par terre, je coupais l’eau. Des coups à la porte me firent sursauter.

—Jess ! Qu’est-ce qui ce passe ? Dit-il en tambourinant après la battant.

—Rien, rien Gabriel, tout va bien. Laisse-moi !

—Comment ça, laisse moi ! Si tu ne m’ouvres pas je défonce cette foutue porte.

—Laisse moi, ma voix flanchait. S’il te plaît laisse-moi, dis-je finissant ma phrase en sanglotant.

BOOM !

BOOM !

BOOM ! Au quatrième impacte la porte céda.

—Allô ?... qu’est-ce qu’il se passe ? Jess…. Hurlait Émilie au téléphone.

Pénétrant dans la salle de bain il m’arracha le téléphone des mains.

—Allô ? Dit-il. …Oui Émilie.

—Gabriel ! Qu’est-ce qu’il se passe là-bas ?

—Je ne sais pas. Comme elle ne me voulait pas m’ouvrir, j’ai défoncé la porte.

—Elle va bien ?

—Je dirais oui. Sous son regard insistant, je me recroquevillais à même le sol, la tête dans les genoux. Quelque chose cloche mais, elle, physiquement va bien.

—OK, je crois savoir ce qui se passe Gabriel, ne la juge pas trop sévèrement, elle ne le sait pas encore mais elle tient beaucoup à toi. Ne la déçois pas.

—Je ne comprends pas de quoi tu me parles, mais elle te rappellera quand on aura eu une petite discussion tous les deux.

—OK, mais s’il te plaît, ne sois pas trop dure avec elle.

Tout en raccrochant, il se tourna vers moi, son visage était fermé mais son regard débordait d’inquiétude.

—Qu’est-ce qu’il y a ? Tu es pâle ! J’ai entendu un bruit de chute, dis-moi ce qui se passe ?

—Je ne suis sure de rien…

—Sure de quoi ?

—Je discutais avec Émilie et…

Je ne savais pas comment lui annoncer. Les mots se bousculaient dans ma tête mais ne franchissaient pas mes lèvres.

Allait-il partir ? Prendrait-il la fuite dès que des responsabilités surviendraient ? Avec son métier et les enfants, comment s’organiseraient-ils ?

—Jess ! Je ne veux pas qu’il y ait de sujet tabou entre nous ! Tu es malade ?

—J’ai …je n’ai pas mes…truc !

—Hein ? Tu veux jouer aux devinettes ? Je ne suis pas très doué pour ça !

—J’ai du retard. Lâchais-je comme une bombe. Je crois que je suis enceinte.

—Oh ! Ce n’est que ça ! Je le sais déjà.

Pas de cri, pas d’insulte. Rien ! Pas une seule expression négative.

—Ça ne te fait rien ? Tu n’es pas en colère ?

—Non ! Pourquoi serais-je en colère ? C’est plutôt que prévu c’est tout.

J’étais déconcertée par sa réaction. Je m’attendais à un refus, de la colère, ou même du dégoût mais sûrement pas à ce sourire et cet air penaud.

Je restais abasourdie. Se mettant à genoux devant moi, ces bras m’encerclèrent, levant les yeux, je découvris deux fossettes et des yeux pétillants débordants de guetter.

M’embrassant, je me retrouvais sur ces genoux. Le monde pouvait s’arrêter de tourner, nous étions tous les deux, rien ni personne ne nous importait en ce moment.

—Je t’aime.

Ces trois mots étaient les plus importants pour moi. Je les attendais depuis tellement longtemps, que ne me maîtrisant pas, mes larmes se mirent à couler sans que je puisse les retenir.

—Je ne pensais pas qu’en me déclarant, je te ferais pleurer.

—Ce doit être les hormones, répondis-je au tac-au-tac.

Ses mains descendirent, l’une à la taille et l’autre sur mon ventre encore plat. Une émotion nous submergea en même temps.

—Ces quelques jours de repos seront les bienvenues. On a besoin de se retrouver que tous les deux, dit-il. Tu es déjà passée par là toi, moi c’est une première. Va falloir que tu me guides.

—Te guider pour quoi faire, être père ne s’apprend pas !

—Être père. Répétât-il rêveusement. Il faut que j'appelle Émilie, je lui ai raccroché au nez ! J’espère qu’elle ne m’en veut pas ?

—Non je ne pense pas. Je prends ma douche et je te rejoins

Il m’embrassa et se détourna, il fallait que je lui dise, mais comment

—...Gabriel…Euh…Je....

—Je sais, ne t’inquiète pas quand tu seras prête, tu me le diras.

—Merci, je te rejoins dès que j’ai fini. Un sourire de soulagement et d’étonnement était sur son visage.

Ces quelques jours de détente nous soudèrent l’un à l’autre, un lien nous rapproché sans que nous nous en rendions compte. Le fait d’être enceinte changer la donne de notre couple, le renforçait.

Au quatrième jour, Gabriel entra dans la cuisine, son téléphone encore collé à son oreille. A croire que ce maudit appareil lui avait été greffé à la place de la main.

—…OK demain matin, au café de la GRAND RUE…OK dans un fauteuil roulant avec une chemise rouge….OK a 10 heure demain matin…. Merci à demain matin Mr RIVO.

Quand il raccrocha, la curiosité me rongeait. Tournant autour de lui et voyant qu’il ne me disait rien, je ne put m’empêcher de lui demander :

—Crois-tu maintenant que ça vaille le coup de remuer le passé ?

—Si, c’est important. Pour toi, pour les enfants et pour nous. Si on ne le fait pas maintenant, tu le regretteras plus tard.

—Tu penses ?

—J’en ai longuement discuté avec Émilie au téléphone et on est du même avis tous les deux. Plus vite cette affaire sera clarifiée, mieux ce sera pour tout le monde.

—Je suis morte de trouille. J’ai peur de découvrir des choses horribles.

—C’est sûr que de faire resurgir le passé, ce n’est pas agréable. Mais si tu ne peux pas changer ce qui s’est passé, tu peux améliorer et construire ton avenir.

Notre conversation était seine et productive. Enfin surtout pour moi. Tout en parlant, il avait mis une dose de café dans la veille cafetière italienne de la cuisine. Allumant le gaz, cette odeur amère, me prit à la gorge.

—Je suis d’accord avec toi. Il faut que j’avance. Par contre, je suis désolé de te demander ça, mais peux-tu aller boire ton café dehors et aérer la cuisine, je crois que je vais être malade ! Dis-je me précipitant aux toilettes en courant.

Après m'être soulagée, je revins dans la pièce que j’avais fuie, il n’y avait plus d’odeur, les vitres ouvertes laissaient passer une brise qui m’était plus qu’agréable. Il ne m’avait sûrement pas entendu revenir, me tournant le dos, il lavait la vaisselle. S’essuyant les mains, il se tourna face à moi. Son regard impuissant me fit fondre comme neige au soleil. Je me précipitais dans ces bras.

—J’ai décidé de ne plus boire de café. Dit-il sérieusement.

—Pourquoi ? Tu aimes ça, mes nausées vont bien s’arrêter un jour ! Ça ne sert à rien de te priver pour moi.

—Non, mais je ne pourrais plus t’embrasser ! Donc c’est décidé, sevrage de caféine pour moi !

—Mais je…

Il ne me laissa pas finir ma phrase, m’embrassant à perdre haleine, je perdis le fil de la conversation.

CHAPITRE 19

Dans le taxi qui nous amenait à notre rendez-vous, une angoisse me vrillait les entrailles.

—Détends-toi, on va juste lui poser quelques questions, pas plus ! On dirait que c’est toi qui es en faute ! Il ne va pas te coffret, il n’est même plus assermenté.

—Oui, je sais bien ! Je suis peut-être blonde mais je me soigne, répondis-je du tac au tac. Changement de sujet, j’ai remarqué que tu avais souvent Émilie au téléphone !

—HUM !

—Hum n’est pas une réponse !

Il fuyait mon regard, ces réponses par monosyllabes me dérangeaient. Que me cachait-il ?

—Que se passe-t-il ? Mon appréhension faisait monter ma voix d’une octave. Il y a un problème avec les enfants ?

—Je ne voulais pas t’inquiéter plus, je ne pourrais pas me dérober avec ce regard menaçant que tu me jettes. Tu as reçu encore des lettres de menaces.

De la façon qu’il m’annonça cette mauvaise nouvelle, ses gestes brusques, son regard fuyant et ses mâchoires contractées, je sus qu’il y avait autre chose.

—Tout, dis-moi tout, ça ne sert à rien de me cacher des choses, je n’ai jamais aimé ça.

—Des photos étaient avec. Il a pris les enfants en rafale. Émilie est allée de suite à la gendarmerie pour leur montrer. Ils lui ont fait poser une main courante, pour qu’il y ait trace de persécution. Ne t’inquiète pas, ils sont en surveillance rapprochée.

—Et ?

—D’après Émilie, tu en as reçu cinq. Et la dernière était particulièrement mauvaise. Le problème, c’est qu’une de ces lettres est arrivée chez moi. Tes beaux-Parents et ta grand-mère en ont reçu aussi. Ce que pense le gendarme d’Émilie, c’est que cette personne te connaît bien, même personnellement. Ce flic lui aurait dit que tout n’est peut-être pas une coïncidence.

—Mais c’est du délire !

Une colère intense, une haine encore jamais ressentie, s’immisça en moi. On me traquait, on s’en prenait à mes enfants, à ma famille. Tout recommençait ! Et se dingue, je le connaîtrais ? Non, ce n’est pas possible, c’est un mauvais scénario, une personne aussi tordue ne pouvait compter parmi mon entourage !

—D’où leur sort l’idée que je connais ce dingue ? Je ne vois personne. Dans mon entourage qui pourrait m’en vouloir. Avant de te connaître, je vivais en recluse. Mes enfants et moi ont allés très bien. Qui peut affirmer que tout est lié ? La mort de Nicolas n’a rien à voir avec toute cette histoire de menaces.

Ma crise de nerfs ne parut pas l’étonner. Mes arguments étaient fondés et réels. Aucun point commun reliait les deux affaires.

—Je ne partage pas ton avis. Mais on en sera plus dans quelques minutes. Il n’y a que Rivo pour nous permettre d’y voir plus clair.

—Et quand tout sera finis, il se passera quoi ?

—Que veux-tu dire ? Son ton était devenu méfiant, un tantinet crispé.

—Laisse tomber, on en reparlera plus tard. Je n’ai pas les idées très claires en ce moment. Ce doit être les hormones. Mais j’aimerais savoir, tu as une idée de la personne qui me veut la peau ?

—Oui et non, mais même si j’avais une idée fixe, je ne te dirais rien pour ne pas influencer ton jugement. Rien n’est fait, tout peut changer.

—ET MERDE ! Dans quel guêpier me suis-je fourrée ?

Le taxi nous déposa dans une ruelle, pour accéder aux arrières du café. Gabriel paya la course et nous nous engouffrâmes dans ce qui ressemblait de loin à une cuisine. Des monticules de cartons s’entassaient, des sachets jonchaient les plans de travail. Sous ce capharnaüm, on devinait des frigidaires dernier cri, de la vaisselle entassée, du linge de maison était plié, propre et frai.

Gabriel ouvrit une porte et me fit signe de le suivre. C’est dans une autre cuisine, nettement plus claire et rangée que nous arrivâmes. Il se pencha et salua un homme d’un certain âge. Sûrement Rivo.

—Bonjour, je suis monsieur RIVO. J’espère que toutes les précautions ont été prise lors de votre trajet Monsieur Prinsson !

—C’est bon, personne ne nous a suivis. Votre chauffeur a une sacrée expérience des petites rues de cette ville.

Me saluant à mon tour, il s’adressa à nous deux en même temps.

—Veuillez excuser mes manières, mais il a fallu m’organiser pour votre discrétion. Mr Prinsson m’a raconté ce qu’il vous est arrivé, madame Venthe. Dans ses situations, on n’est jamais trop prudent.

Il nous fit signe de se joindre à lui à table.

—Asseyez-vous, nous sommes dans la cuisine du café de ma fille et son mari, Pédro nous a installé une table et des chaises pour que nous soyons tranquilles.

—Excusez mon empressement, mais que pouvezvous nous dire sur l’accident qu’a eu mon mari ?

—A vrai dire, pas grand-chose. Une personne a téléphoné pour nous signaler l’accident. Mon coéquipier et moi, on est arrivé trop tard. L’homme, enfin votre mari, était décédé. Mais la femme qui était avec lui, on l’a cru morte aussi. Si mes souvenirs sont exacts, elle était maculée de sang. Dans l’accident, le pare-brise a explosé, les corps ont été essentiellement touché au visage. Quand Jean et moi sommes allé chercher notre trousse de premier soin, on a trouvé la place passagère vide, à l’exception de ça, je l’ai toujours gardé, de peur d’avoir eu une hallucination.

Il me tendit une enveloppe chiffonnée et usée. L’ouvrant, j’en sortis une chevalière, dont les initiales étaient entrelacés. Impossible de déchiffrer les lettres, le travail était trop compliqué et la gravure trop salle pour y deviner quelque chose. Gabriel la regarda un moment par-dessus mon épaule, n’osant pas me la prendre pour l’inspecter lui-même.

—On dirait un « G » majuscule mais je n’en suis pas sure. Murmurais-je pensive.

—J’y ai pensé plus d’une fois, mais rien ne nous donne la possibilité de faire des recherches. Comme j’en ai discuté avec monsieur, la voiture n’était pas fiable, et j’étais à quelques semaines de la retraite donc…enfin…je n’ai pas rempli toutes les cases de la déclaration. Et par ma maladresse, cette pièce à conviction est irrecevable dans un tribunal.

Son air embarrassé me sortit de ma torpeur.

—Nous pouvons garder la bague ? Demanda Gabriel, je souhaiterais la montrer à quelqu’un.

—Oh ! Pas de problème. Si vous voulez poursuivre l’enquête, je peux même vous prêter main-forte. J’aimerais réparer ma négligence.

—Oui, dit Gabriel, vous seul pouvez faire avancer les choses. Depuis plus de deux mois se sont écoulés et rien n’a bougé.

J’étais incapable de dire un mot, tant d’horreur avait été décrite, tant d’abomination était arrivé à mon mari !

—Je ne comprends pas, dis-je brisant le silence, pourquoi lui ? C’est une des rares fois où il a pris ma voiture. Je ne comprends pas se qu’il c’est passé !

—C’était votre voiture ? Dit Rivo soudainement.

Gabriel se tourna vers moi, je vécus cette scène au ralenti, comme dans un film. Tout se mettait en place dans ma tête.

—C’est toi qui étais visé pas lui ! S’exclama Gabriel. Il devint pâle comme la mort. Je ne le permettrais pas ! Sa colère était palpable.

—Ce n’est pas possible, qui me voudrait du mal ? Dis-je assourdie par la nouvelle.

—Madame Venthe ? Pourriez-vous lister toute, je dis bien toute, les personnes que vous connaissez ? Essayez de remonter jusqu'à la rencontre de votre mari. Sans oublier de noter les personnes avec qui vous travaillez.

—Ça servira à quoi ? Je n’ai jamais rien fait qui puisse justifier que l’on s’en prenne à moi.

Gabriel prit la bague entre ses doigts et l’examina attentivement, avant de dire :

—Pensez-vous qu’un bijoutier pourrait nous éclairer sur les initiales ?

—Gabriel, je crois qu’il est temps de rentrer, dis-je les larmes inondant mon visage. Je pense qu’on devrait s’arrêter là, ce ne sont que des coïncidences.

Le visage de Gabriel était hermétique, fermé, aucune expression ne transperçait. Se tournant vers moi d’un bloc, je sentis de suite que quelque chose le tracassait.

—OK, on rentre.

Un signe de tête en guise de salut, fut le seul au revoir qu’il fit. Sans un mot de plus il me saisit la main et nous reprîmes le sens inverse au travers de la cuisine en direction de la sortie. Limite, nous prenions la fuite face aux révélations de cette sordide histoire. Nous engouffrant dans le taxi resté comme par enchantement derrière (Merci Rivo), nous fuyons.

—Je ne le permettrais pas ! Dit-il une fois installé

—Gabriel ? Murmurais-je.

—Je ne veux pas te perdre toi et le bébé. Je ne te lâcherais pas d’une semelle, l’idéale serait de partir loin avec les enfants ! Mais, soyons réaliste, fuir ne nous avancerait à rien. On rentre à l'appart’, j’appellerais David pour lui expliquer la situation. Je ne peux pas te laisser seule. Mon prochain tournage devra débuter sans moi, quand je ne pourrais plus être absent, tu m’accompagneras, je t’aurais toujours à coté de moi, il ne pourra rien t’arriver. Et…

—Tu as finis ton monologue ? Premièrement, il faut qu’on se calme. Je n’ai eu que des menaces, deuxièmement, on n'est pas sûre à 100% que les deux affaires soient les mêmes. Il y a plus de trois ans d’écart entres elles !

La froideur de son regard me glaça.

—Tu ne devrais pas tout prendre si légèrement. Tu te maries, ton mari décède dans un accident plus que douteux, tu me rencontres, et avec moi, tu te fais presque défigurer, on te menace, on s’en prend à tes enfants, et pour toi, il n’y a pas de rapport possible entre tout ça ?

—Bon OK, vu comme ça, ça paraît louche.

—Heureusement que personne ne sait que tu es enceinte !

—Ce ne sera pas un secret très longtemps gardé, je vais devoir aller à la clinique assez souvent et mon ventre va vite s’arrondir.

Son sourire, me détendit instantanément. Il acquiesça.

—Je croyais que tu ne savais plus sourire ! Ça fait du bien de savoir que tu n’as pas oublié le mode d’emploi.

—Ah ! Ah ! Tu as fait l’école du rire ? Bon sérieusement, les enfants sont à l’appartement avec Émilie, donc rien ne peut leur arriver. Ma sœur et Émilie pourront nous prêter main-forte.

—Oui ça m’arrangera, j’ai besoin de me reposer et de faire le point.

Fermant les yeux, je me remémorais toutes les révélations faites par Rivo. Pourquoi Nico était-il avec cette femme ? Qui était elle ? Ma peine avait été si profonde que je n’avais pas réalisé les incohérences de l’enquête.

CHAPITRE 20

Le retour se passa dans un silence profond. Perdus dans nos pensées, nous n’échangions que des regards tendus. Où était notre complicité ?

Posant ma main sur mon ventre, je pris la décision de m’en remettre totalement à lui, il fallait que je me ménage, ma grossesse ne pourrait pas s’épanouir normalement avec tous ce stress.

—Gabriel, il faut que je te parle avant d’arriver, au ton autoritaire que j’employais, je vis ses mains se crisper.

Demandant au chauffeur de s’arrêter dès que la discrétion nous le permettrait, il se réinstalla aussi tendu qu’un arc. Au bout d’un quart d’heure, la voiture se stoppa dans un chemin de rase campagne.

—Viens on sort, me prenant par la main il m’aida à franchir les quelques mètres qui nous permettaient d’avoir un peu d’intimité. Vas-y, que veux-tu me dire ?

—Que cette histoire ne doit pas semer la zizanie entre nous. Le passé reste le passé, ce n’est pas toi qui m’as dit de construire mon avenir ?

Tout son corps se relâcha, rejetant la tête en arrière, il soupira. De soulagement ? D’ennuis ?

Je ne voyais de lui que son profil net, où était son sourire, ses yeux pétillants ?

—Gabriel ! Dis-moi quelque chose, regarde-moi en face au moins !

—Je t’aime et j’ai peur. S’il vous arrivait quoi que ce soit, je ne me le pardonnerais jamais.

Me penchant à son oreille pour ne pas avoir à le regarder en face, je lui murmurais :

—Moi aussi je t’aime, et je ne veux pas te perdre. Nous acceptes-tu les enfants et moi et tous les problèmes qui nous colle à la peau ?

Dans un sursaut, il me fit face et m’embrassa tendrement. Ce n’était n’y l’endroit, ni le moment, mais dans une situation comme la nôtre, nous n’avions rien à perdre.

—Oh oui, plutôt deux fois qu’une. Dépêchons-nous de rentrer, je pense qu’ils seront ravis de la nouvelle.

—Émilie aussi sera soulagée, elle m’envoie des textos à tout bout de champ pour savoir comment nous allons. Une vraie mère poule.

—Ce qui est bien, c’est qu’on n'aura pas besoin de chercher une nounou ! Elle ne se fera pas prier pour la garder.

—Là ? Dis-je étonnée.

—Oui pourquoi pas, tu as déjà 2 garçons, pourquoi pas une fille maintenant ?

—On a sept mois d’attente pour savoir, dis-je taquine.

—Avant de l’annoncer aux enfants, il faut qu’on parle avec Émilie, j’ai une chose à éclaircir.

—Oh ce soir ?

—Le plus tôt sera le mieux.

CHAPITRE 21

Aussitôt arrivés, nous furent pris d’assaut par les garçons, nous furent pris d’assaut par leurs bras et leur embrassade.

—Alors ! Réussis à dire Émilie.

—Premièrement, bonjour. Deuxièmement, comment allez-vous ? Dis-je reprenant mon souffle.

—Nous bien, mais toi, comme tu me disais toujours « ça va », j’ai téléphoné à Gabriel et il m’a dit que tu étais nauséeuse parfois. Si mes souvenirs sont bons, pour les garçons tu n’étais pas malade ?

—Non, j’avais juste des coups de pompe dans la journée. Pour celle-ci, je passerais mon temps à dormir, manger et rendre.

—Oui, dormir tu en as besoin, vu les cernes que tu as sous les yeux, je pense que c’est la première chose que tu devrais faire.

Se raclant la gorge pour nous signaler sa présence, Gabriel nous fit signe de se rendre à la cuisine.

—Les garçons, allez jouer sur l’ordinateur, on a des choses à se dire entre grandes personnes. Ordonna Gabriel gentiment.

Nous retrouvant tous les trois dans la pièce, je fis du thé. Il fallait que je m’occupe les mains ou j’allais devenir folle. L’odeur du thé ne me dérangeait pas comme celle du café, et j’en appréciais l’amertume.

Émilie entra dans le vif du sujet dès que nous furent installés. Elle me tendit des lettres.

—Tes parents m’en ont envoyé plein d’autres, j’ai trié les plus importantes. À chaque fois, on remarque deux écritures. Donc je pencherais pour 2 personnes. Après, dire si elles se connaissent, les lettres sont plus ou moins différentes. C’est toujours la même haine. Une est particulière. Je te laisse regarder et juger par toi-même.

NICO ETAIT A MOI ! POURQUOI T’A-T-IL EPOUSE ? TOI L’ESPECE DE LAIDERON QUE TU ES !

COMMENT GABRIEL PEU TE PREFERER ?

JE LUI AI ECRIT MOI AUSSI, MAIS UNE FOIS ENCORE, C’EST TOI QU’IL A CHOISI !

TU ME LE PAYERAS. ILS SONT A MOI, TU N’ES QU’UNE MERDE !

C’EST TOI QUI AURAIS DU ETRE DANS LA VOITURE ? PAS LUI !

ECARTES-TOI DE MON CHEMIN UNE BONNE FOIS POUR TOUTE.

—Oh mon Dieu !

Je n’en croyais pas mes yeux, une chaleur m’envahit, des étoiles apparurent dans mon champ de vision. Gabriel eut juste le temps de me cueillir dans ses bras et amortir ma chute. Emilie reprit la lettre et lui la tendit. Son bras toujours passé autour de moi, je le sentis se raidir.

—Oh putain ! C’est quoi ça ! Dit-il parcourant rapidement la missive.

Se tournant vers mon amie, il prit les directives.

—Quand est-elle arrivée ? Lui demanda-t-il montrant la lettre.

—Hier matin. Comme tu m’as dit que tu venais aujourd’hui, je ne t’ai pas appelé pour ne pas te paniquer.

Me tenant toujours, il me porta dans la chambre, désemparé, je me laissais faire.

—Repose-toi, ne t’inquiète pas, Émilie et moi nous occupons de tout, les garçons sont avec nous, donc tous va bien.

—C’est à toi qu’elle va s’en prendre, c’est marqué noir sur blanc !

—Ne t’inquiète pas pour moi, repose-toi. On appelle la gendarmerie de suite.

Me repoussant doucement contre les oreillers, il m’embrassa le front, son baiser appuyé me fit tendre les bras vers lui.

—Allonge-toi avec moi et sers moi fort dans tes bras.

Exécutant ma demande sans prononcer un mot, il s’allongeât vers moi et attendit que je me calme. Je m’endormis repu de fatigue, ne pensant à rien.

Une légère pression sur mon épaule me ramena dans la dure réalité. Gabriel se tenait au-dessus de moi, un sourire de façade sur son visage.

—Désolés de te réveiller, mais les gendarmes sont là. Rafraîchis-toi et rejoins nous dans le salon. On t’attend.

Encore dans la brume du sommeil et engourdis, je me faufilais dans la salle de bain attenante. L’image que me renvoya le miroir me fit peur. La mine de papier mâché avec une tignasse emmêlée n’était pas pour me remonter le moral. Comment Gabriel pouvait-il prétendre aimer ça ? M’aspergeant le visage d’eau froide et brossant mes cheveux, je fis de mon mieux pour me rendre un peu plus présentable. En entrant dans la cuisine, je fus vite assailli par l’odeur du café.

Un pas, je respirais profondément.

Le deuxième pas, je le fis à reculons, me précipitant aux toilettes.

—EMILIE ! Hurla Gabriel, j’avais dit pas de café ! Aère la cuisine, jette la cafetière de suite ! GROUILLES TOI !

Gabriel me tenait les cheveux, penché au-dessus de moi dans les toilettes, il hurlait ses ordres

D’une voix coupante pendant que mes entrailles jouaient encore à saute-mouton.

—Excuse moi, dis-je piteusement entre les larmes et les vomissements, je ne suis bonne à rien en ce moment.

—Mais non, ça va passer, tant que ce n’est pas moi qui te donne la nausée, je m’adapte.

J’ébauchais un semblant de sourire tout en m’essuyant le visage avec la serviette qu’il me tendait. Retournant dans la cuisine, je remarquais deux hommes en uniforme au centre de la pièce.

—Oh bonjour,…excusez-moi pour…ça.

—Bonjour, madame. Quelqu’un d’autre est-il au courant pour votre grossesse ?

—Non, il n’y a que nous trois, enfin et vous deux maintenant, même mes parents ne le savent pas.

—Gardez là cachée encore un moment si vous le pouvez. Vu les lettres, c’est plus prudent.

—Monsieur Prinsson, dit l’autre gendarme, vous nous avez parlés d’un bijou ? Pourrions-nous le voir, s’il vous plaît.

—Pas de soucis, je vais le chercher ainsi que la lettre de votre ancien collègue, Mr Rivo, il me l’a remise en mains propres. C’est lui qui a fait le rapport de l’accident de Mme Venthe.

Gabriel s’absenta deux minutes, deux minutes de silence qui me parurent une éternité. Ne sachant quelle attitude adopter, et frissonnante d’appréhension, je m’activais à fermer les fenêtres.

—Voici messieurs, tendant l’enveloppe qui renfermait la bague et la lettre, il passa un bras protecteur autour de mes épaules.

—Gabriel, Jess, s’écria Émilie, vous pensez vraiment que les deux affaires sont liées…Oh mon Dieu.

La dernière exclamation d’Émilie nous fit tous tourner la tête dans sa direction, elle était livide et se raccrochait à la chaise pour ne pas tomber.

—Tu ne vas pas t’y mettre toi aussi ! Dit l’un des gendarmes.

Le tutoiement ne me surprit guère, se devait être encore une récente ou ancienne conquête de ma chère amie. Toujours fébrile, elle pointa du doigt la bague qu’il tenait dans ses mains.

—Quoi ? Qu’avez-vous mademoiselle avec cette chevalière demanda son acolyte.

—Je sais à qui elle appartient, ses mains dégrafèrent deux boutons de son corsage et tirèrent une chaîne alourdie par un drôle de pendentif. Les initiales sont différents car chaque couple avait ses propres lettres.

Gabriel se crispa à tel point que ses bras me firent grimacer de douleur.

—Parle ! Aboya-t-il.

—J…Joëlle avait le même. Pendant notre adolescence, nous avions passé un pacte, et chacun de nous avions la même chevalière.

—Quel était ce pacte ? Demanda l’un des gendarmes.

—Nous étions un groupe de 4, Nicolas, Jean, Joëlle et moi. Nous sortions souvent que tous les quatre, et Joëlle était amoureuse de Nico, tout le monde le savait, même lui. Nous étions des gamins, tout est permis à cet âge. Nous rêvions de nous marier toutes les deux. Elle a Nico et moi à Jean. C’était des gamineries, un pacte de mariage que nous avions fait en rêvant à notre mariage respectif. Jean déménagea 6 mois plus tard pour l’Australie et tout changeât. On en riait encore il y a quelques années, on t’en avait parlé Jess. Nico et Joëlle avaient leur initiale entrelacée et jean et moi avions les notre.

—Nicolas ne m’a jamais montré cette bague, dis-je piteusement.

—Si mes souvenirs sont bons, il l’avait perdu le jour du cross de l’université, juste avant que vous sortiez ensemble. Il nous a fait chercher cette maudite bague sur tout le parcours de santé où il avait couru.

Le gendarme examina de plus près le bijou.

—Que signifient ses signes ?

—Regardez bien, ce sont leurs deux initiales entrelacées. Un « N » et un « J » majuscule retravaillé et emmêlé. Les yeux pleins de larmes, elle tendit sa bague au gendarme.

—Émilie, sais-tu où est Joëlle ? Demanda Gabriel d’un ton neutre qui n’annonçait rien qui vaille.

—Non, avant que je vous rejoigne avec les enfants, elle avait vendu son magasin et mit sa maison en location, elle me disait qu’elle voulait prendre le large, qu’elle avait réalisé que travailler ne lui donnait pas le bonheur qu’elle espérait.

—Ne vous inquiétez pas Monsieur, nous mettons la maison sous surveillance, et nous enquêterons sur cette Joëlle.

Notant toutes les informations dans son carnet, il posa d’autres questions plus pointilleux sur toute l’affaire. Se tournant vers moi, le plus grand des gendarmes me dit :

—Nous prendront contact avec Monsieur Rivo. Restez ici, ne sortez pas sans nous l’avoir dit, et tout se passera bien.

J’étais incapable de réfléchir, spectatrice de toute cette affaire, j’étais désœuvré et écœuré.

—Je ne veux pas rester cloîtrée à la maison, il est hors de question que je reste séquestrer comme ça à cause d’une tarée qui se fait des films ! M’exclamais je reprenant le dessus.

Gabriel leva les yeux au ciel !

—Tu auras mes gardes du corps pendant que je serais sur le tournage.

—Bon d’accord, mais je ne veux pas rester à l’intérieur pendant que toi tu vis au grand-aire !

—Tu m’accompagneras sur le plateau du film si tu veux mais tu ne resteras jamais seule, si je ne suis pas avec toi, ce seront les deux gardes du corps qui se relayeront pour être avec toi.

—Sois raisonnable, dit Émilie, si tu ne penses pas à toi, pense au moins au bébé.

Je gardais le silence, boudeuse. Je savais aux plus profonds de moi qu’ils avaient tous raison. Mais je me sentais prisonnière, une cage dorée se refermait sur moi.

—Et tes groupies, on les évite facilement depuis quelque temps, mais de retour devant les caméras, on va vivre encore à 200 à l’heure ? Je ne pourrais pas te suivre très longtemps, dans quelques semaines, je serais grosse comme une barrique ! Tu y a pensé à ça ?

—Oui et tu seras adorable ma chérie, dit simplement Gabriel en souriant franchement cette fois. Bon, tu es bien d’accord avec nous que c’est ce qu’il y a de mieux pour le bébé et toi ?

—OK, je capitule. Mon soupir détendit l’atmosphère comme par magie.

—Madame, vous venez de prendre une sage décision. Nous prenons ces lettres pour les analyser. Une brigade prendra contact avec vous dès que possible….euh… Monsieur Prinsson… euh… puis-je …vous demander un autographe ? Si je rentre à la maison et que ma femme apprend que je vous ai rencontré sans vous en demander un, elle me mènera la vie dure.

Gabriel rit franchement à cette tirade, demandant le prénom de cette charmante fane, il inscrivit un message court mais plein de gentillesse.

—Donnez-moi votre adresse, je vous ferais parvenir des places en avant-première de mon dernier film, je pense qu’elle appréciera.

—Merci beaucoup, Monsieur, merci infiniment.

CHAPITRE 22

Une fois les gendarmes partis, je m’assis sur la première chaise de la cuisine épuisée.

—Tu reprends le tournage de ton film quand ? J’ai vraiment besoin de repos, je ne tiendrais pas le coup si l’ont continue comme ça. Donne moi quelques jours pour me remettre de ses sales nouvelles. Donnons -nous du repos à tous, je crois que tout le monde a besoin de se poser.

—Gabriel, Jess a raison, regarde les cernes qu’elle a sous les yeux ? Cette grossesse la fatigue deux fois plus. Tu ne voudrais pas qu’il y ait des complications ?

Les laissant discuter du degré de ma fatigue, je pris la décision de me prélasser dans un bon bain chaud.

Me plongeant dans l’eau jusqu’au coup, j’entendis Gabriel verrouiller tous les volets et les fenêtres. Ses pas rapides allaient d’un côté de l’appartement à un autre. Fermant mes yeux, je suivais mentalement les trajets entre cuisine et salon. Ah ! Ses pas s’approchèrent, repartir, pour revenir et repartir. Plus aucun bruit. Tendant l’oreille pour capter le moindre bruit qui aurait pu m’éclairer de son passage. Rien. J’attendais un indice. Rien. J’ouvris les yeux et mon regard se posa sur un boxer noir et rien d’autre.

—Tu me fais une place dans ton antre ? Ça me tente bien.

—Euh…oui. Je m’assis dans l’eau attendant qu’il prenne place derrière moi. Le niveau de l’eau menacé de passer par-dessus la baignoire. Profite maintenant car dans quelque temps je ne rentrerais même plus dedans et tu serras sûrement obligé de me laver les pieds.

—J’attends ça avec impatience, répondit-il sérieusement.

Frissonnant de la tête aux pieds, je me calais sur son torse. Savourant ce moment d’intimité avec lui, pas de paroles, aucun bruit, seuls nos cœurs battaient à l’unisson, je m’assoupis dans ses bras. Le froid me saisit les muscles et me réveilla, sans un mot, nous sortîmes de l’eau et nous séchâmes tendrement. Gabriel rompit le silence le premier.

—Tu as calculé de combien tu es enceinte ?

—Au jour d’aujourd’hui, si mes calculs sont exacts, je suis à 12 semaines.

—Oh tant que ça ? Ça va vite !

—Oui

—J’ai l’impression que tu as déjà un micro-bidon, ses paroles accompagnèrent la main qu'il posa sur mon ventre.

—Ce n’est pas une chose à dire à une femme, même enceinte. Mais tu as raison j’ai quelques pantalons qui me serrent un peu, les nausées ne vont pas tarder à disparaître et c’est là que la plupart des femmes s’arrondissent.

—Je ne voulais pas te vexer, pour me faire pardonner, je t’offre une nouvelle garde-robe.

CHAPITRE 23

Ses quelques jours de repos furent du pur bonheur.

—Pour notre dernier soir de tranquillité, n’aimerais-tu pas que l’on aille au cinéma. Sa proposition me prit au dépourvu, après ces quelques jours enfermés, une sortie était la bienvenue.

Je choisis une comédie romantique. La seule exigence de Gabriel fut de prendre la dernière séance, celle de 22 heures pour que l’obscurité puisse lui rendre son anonymat. Ce fut un challenge réussi. Nous avions réussi une soirée incognito. De retour à la maison nous tombions tous les deux dans les bras de Morphée.

Un rayon de soleil me chatouilla le bout du nez, quelle merveille que de se réveiller au calme. Depuis qu’Émilie s’occupait des enfants, je prenais le temps de vivre. Décidant que ma journée serait productive, je me levais pour me préparer.

Personne dans la cuisine, personne dans le salon. L’appartement était à moi ! Savourant chaque minute seule, je me préparais un petit déjeuner gargantuesque tout en faisant un emploi du temps de ma journée. Gabriel voulait m’offrir une garde-robe, pas question qu’il s’en occupe ! J’ai toujours eu mon indépendance, ce n’est pas parce que je suis avec lui que mes habitudes doivent changer. M’habillant avec ce qui m'allait encore, je partis tranquillement à mon shopping, sans que personne ne prête attention à la jeune femme ronde et mal fagotée qui longeait le trottoir.

Passant deux heures à faire les magasins, je revins les bras chargés de paquets de toutes les couleurs.

Au coin de la rue, une foule en délire composée de femmes, de journalistes et de paparazzis m’accueillit. Longeant le mur tant bien que mal, en évitant d’être bousculée, je fus vite reconnue. Les fanes me sautèrent littéralement dessus, empoignant mes cheveux, tirant sur mes paquets, les paparazzis se régalant de prendre la scène sous tous les plans.

Une voiture noire déboula derrière moi à toute vitesse, dispersant la foule, pour s’arrêter à ma hauteur.

—MONTE !

Jetant mes paquets dans la voiture, je m’engouffrais dans l’habitacle. Gabriel se tenait au volant, fermé et antipathique. Forçant la foule énergiquement, la voiture recevait des fleurs, des cadeaux. Un bruit mat atteignit le pare-brise, nous faisant sursauter, le paquet rouge et doré assez volumineux s’était coincé entre les essuies glaces.

—J’enverrais quelqu’un ramasser tout ça dès que tu seras à l’abri dans l’appart’. Dit-il brusquement. Tu es vraiment inconsciente, ma parole !

La voiture s’engouffra dans le garage.

Pas un mot ne sortit de ma bouche. Nous prenions l’ascenseur dans un silence profond et pesant.

Ouvrant la porte sauvagement, il aboya après Colosse et Molosse.

—MICHEL, CHRISTIAN ! Je vous avais dit de ne pas la lâcher d’une semelle !

—Euh…excusez-nous monsieur, nous avons eu du mal à fermer l’entrée, quelqu’un a laissé la porte ouverte et des paparazzis se sont infiltrés. Nous sommes vraiment désolés monsieur, expliqua Christian.

—Allez chercher, les tonnes de paquets que l’on nous a jeté, et les achats que ma chère et tendre a achetés, ma voiture en est remplie. Se tournant vers moi, son regard menaçant me glaça.

Une fois les deux gardes du corps parti, je me sentis pétrifiée, il ne m’était rien arrivé de mal ? Une légère crampe me prit par surprise. Instinctivement, mes mains se posèrent sur mon ventre. Mes nerfs se détendaient doucement.

Gabriel s’activait dans la pièce faisant les cent pas, essayant de se calmer. Michel et Christian arrivèrent les bras chargés des cadeaux et de mes sacs. Je m’installais à même le sol. Ils regroupèrent tout, peluches et paquets cadeaux, à mes pieds.

—A toi l’honneur, ma chère, rétorqua Gabriel.

—Tu vas m’en vouloir jusqu'à la fin des temps ? Demandais-je d’une petite voix

—MERDE ! Tu veux ma mort ? Quand je t’ai vu toute seule avec tes paquets au milieu de ses chacals, j’ai eu une trouille monumentale, tu ne peux pas imaginer à quel point.

—Calme toi, je vais bien, tu es venue à temps, et je ne t’en remercierais jamais autant. Je me rends compte de mon insouciance, mais j’avais besoin de sortir, je ne suis pas habituée à être enfermé. Excuse moi. Viens, assied toi et ouvrent les paquets avec moi.

À contre cœur, il s’installa et commença à les déballer. J’ouvris le premier, en sorti une écharpe tricotée à la main, le second, un parfum.

—Je continu ou tu veux faire le reste, ce sont tes cadeaux tout de même. Dis-je essayant de détendre l’atmosphère.

—Non vas-y ! Je vais me calmer en lisant les lettres d’amour, dit-il le regard pétillant.

Sa bonne humeur revenue me réconforta.

—Bonne lecture alors, je repars en exploration. Dis-je soulagée de retrouver mon compagnon.

Les 10 colis suivant n’étaient pas plus originaux les uns que les autres, pull, casquette, pyjama, peluches et bibelots. Il n’en restait que cinq devant moi dont le gros rouge qui nous avait était lancé sur la voiture, avec curiosité je l’ouvris.

—AH AH ! Quelle horreur ! Hurlais-je. Lâchant le colis, je fis un bon en arrière, Gabriel se précipita sur moi pour amortir mon rebond.

Jetant un regard sur l’objet, je le vis se fermer comme une huître. Michel et Christian alertés par mon cri arrivèrent sur cet entre-faits.

—Virez moi ça ! Ordonna-t-il.

Un rat éventré était écartelé sur une souche de bois.

—Elle était là !

Cette constatation me glaça jusqu’aux os. Gabriel m’aida à me lever et me fit sortir de la pièce.

—Mais que me veux-t-elle ?

—C’est une folle, ne t’inquiète pas je suis là.

Une crampe plus forte que les autres me plia en deux, des larmes de douleur perlèrent à mes cils. Paralysé par la douleur et la peur, un râle réussit à passer entre mes lèvres serrées.

—Jess ? Qu’est-ce qui ce passe ? Jess ?

La douleur s’estompait, puis revenait plus brûlante que la première.

—Jess répond moi !

—Je ne sais pas, ça fait plusieurs fois que je ressens des piques dans le bas du ventre.

Sans chercher à comprendre, il m’emporta dans ses bras jusqu'au lit où il m’allongeât.

—J'appelle le docteur. Ne bouge pas.

—Non, ça va passer. Lui dis-je essayant de nous rassurer tous les deux.

—Non, j'appelle le docteur ou je t’amène à l’hôpital, tu as le choix.

—Docteur, dis-je ayant une pique à ce moment-là.

Le médecin arriva moins ½ heure plus tard. À croire que du moment ou Monsieur Prinsson demandait, tout était exaucé.

—Ne vous inquiétez pas, Madame, restez couchée quelques semaines au calme, prenez des vitamines et tout se passera bien. Pas de stress, pas d’effort, il faut que vous compreniez qu’enceinte, une femme a besoin de repos.

Gabriel ne pipait mots, immobile, son regard braqué sur moi indiquait le désarroi qu’il éprouvait.

—Bien Docteur Morisson, j’ai bien compris, je reste couché, promis.

—Oui madame, et vous Monsieur, détendez-vous, ce ne sont que des contractions bénignes. Votre femme a été un peu trop secouée, et en a sûrement trop fait. Tout va rentrer dans l’ordre.

—C’est facile à dire ! Se détendre ! Dit Gabriel ironiquement.

Gabriel raccompagna le médecin et me rejoignit de suite.

CHAPITRE 24

4 mois, quatre mois interminables à rester allongée. Mes fils et Émilie essayaient de m’occuper, mais le temps s’étirait, Gabriel travaillait son scripte avec moi. Le tournage de son prochain film avait repris, ces absences étaient courtes mais me semblaient interminables. A chaque retour j’avais droit à une petite attention, une bague, un pendentif.

Pendant ces absences, le téléphone sonnait, mais personne ne parlait. Pas un mot, pas un son. Ne voulant pas inquiéter Gabriel plus qu’il ne l’était, je me tue. Une ou deux fois il intercepta les appels, et chaque fois, un pli soucieux barrait son front. Je ne disais rien.

Une nuit, à 4heures du matin, le téléphone joua sa mélodie. Gabriel décrocha avec hargne.

—Assez à la fin ! Qui êtes-vous ? Que me voulez-vous ?

Une voix calme et froide lui répondit.

—Tu es à moi, elle n’est rien pour toi. Tu peux la cacher, je la trouverai. Elle a pris ma place, c’est moi qui devrais être là.

—Joëlle ? Mais vous êtes cinglée ! Fichez-nous la paix ! Vos intimidations nous laissent de marbre. Elle ne vous à rien prit et moi je ne vous dois rien.

—Tu me le paieras ! Bâtard ! Fils de pute ! Tu m’as trahi !

—Vous êtes vraiment folle ! Sur ceux, il raccrocha avec violence et passa nerveusement la main dans ses cheveux, les ébouriffant encore plus.

—Elle a parlé cette fois ?

—Comment ça cette fois ?

—Je ne voulais pas t’inquiéter plus, c’est pour ça que je ne t’ai rien dit. Comme les lettres et les colis se sont arrêtés, j’ai pensé que tout était fini.

—Non, elle est toujours en cavale, je reviens, je vais débrancher le téléphone. À partir de maintenant, on ne se sert plus que des portables.

—OK, je peux te dire quelque chose sans que tu montes sur tes grands chevaux ? Son regard se fit interrogateur. Je décidais de me lancer. J’en ai ras-le-bol d’être dans ses quatre murs, je suffoque, je meurs, j’ai l’impression d’être enterrée vivante. Je n’en peux plus.

Son sourire en coin me prit au dépourvu, s’asseyant près de moi, il hésita une fraction de seconde.

—Bon, ma surprise n’en sera plus une, alors.

—De quoi parles-tu ? Demandais-je sans comprendre.

—Samedi prochain, si le docteur te donne le feu vert, je t’amène à une soirée en honneur de la fin du tournage. Tu verras toute l’équipe. Mais vu ce qu’il vient de se passer, restons sur nos gardes, s’il ne se passe rien de fâcheux d’ici là.

—Hallelujah ! Je vais sortir de ma prison dorée ! M’exclamais-je spontanément.

—Ça te pèse tant que ça ?

—Tu ne peux pas imaginer à quel point.

—Michel et Christian nous accompagnerons, je ne veux pas prendre de risque.

—Tout ce que tu veux du moment que je sors d’ici.

Gabriel décida de faire des emplettes via Internet pour la soirée.

—Une robe empire serait le plus judicieux pour moi, dis-je en regardant mon ventre arrondit.

—Tu as juste gobé une pastèque ma chérie, c’est tout. Tu as un joli ventre bien rond.

Me décidant pour une robe empire noire légèrement décolleté, je partis à la recherche de chaussure assortie. La commande fut validée en deux trois clics.

—Dis-moi, j’ai une envie! Le pressais-je.

—Fraise ? Nems ?

—Non, coiffeur !

—Non c’est trop risqué, tu ne peux pas être comme les autres et avoir envie de fraises ou de nems ? Je vais appeler la coiffeuse du plateau, comme tu ne peux pas sortir pour l’instant, c’est la coiffeuse qui viendra à toi.

—Arrête, on va croire que je me la joue !

Dorine, la coiffeuse vint le lendemain. Mèches, coupes et brushing étaient au menu.

Elle s’activa sur ma toison, tirant, démêlant, coupant, la transformation commençait.

—Oh ! Les paparazzis adoreraient ça ! Tu ressembles à un sapin de noël !

—Merci pour elle, répliqua Dorine, tu verras le résultat après, tu vas tomber à la renverse !

—T’inquiète, c’est déjà fait. Répondit-il avec un clin d’œil.

Je rougis de plaisir à cette simple réponse. Avec Dorine, pas besoin d’explications, elle avait de suite compris ce que je désirais. Entre professionnels, il n’y avait pas plus agaçant que de se coiffer.

Deux heures plus tard, des papillotes dans mes cheveux, je me sentais ridicule face au regard de Gabriel. A y regarder de plus près, il avait raison, je ressemblais plus à un sapin de noël qu’à autre chose.

—Allez Gaby, laisse-nous ! On a encore pas mal de boulot et je ne veux pas que tu la voies avant le final.

—OK, mesdames, dit-il, je vous laisse entre vous.

M’embrassant doucement il murmura :

—Profite et fais-toi belle, ce soir je veux que tu sois la plus belle. Je t’ai réservé une autre surprise qui ne devrait pas tarder à arriver.

—Qu’est-ce que c’est ? Demandais-je excitée comme une puce. Oh ! tu ne vas pas t’en tirer comme ça, dis-moi tous de suite ce que c’est, tu ne voudrais pas contrarier une femme enceinte ?

—OK, OK, je capitule. J’ai demandé à la collègue de Dorine de passer, c’est notre maquilleuse, laisse-toi faire, ça te fera du bien.

—Avec plaisir, m’exclamais-je radieuse, j’adore qu’on soit à mes petits soins.

A 18 heures précises, j’étais maquillée, coiffée, habillée. Jetant un dernier coup d’œil dans le miroir, le reflet qu’il me renvoya me rassura. Une jeune femme au regard étincelant, l’iris vert pétillant rehaussé par un fard à paupière beige, une bouche souriante rosé, drapée élégamment dans sa robe, me faisait face. Le rebond de mon ventre était mis en valeur par la coupe simple et sobre de la robe. Tournant sur moi-même, ma chevelure cascada en boucle blonde dans mon dos.

—Quelle régale de te voir aussi radieuse, si j’avais su, je te les aurais amené avant. Ne l’ayant pas remarqué, ni entendu, je sursautais. Désolé, je ne voulais pas te faire peur, je n’ai pu me retenir de venir te voir.

—Ce n’est pas grave ! Ça te plaît ?

Tendant la main, il me saisit les bras, me serrant contre lui, il m’embrassa. C’est à ce moment que le bébé décida de se faire sentir.

—Tu as sentis ? Lui demandais-je tout excitée. Mets ta main là, la lui prenant d’office, je lui la posais sur mon ventre rebondi.

Un coup le surprit, d’instinct il retira sa main.

—Mais il cogne ! Ça ne te fait pas mal à force ?

—Non ne t’inquiète pas, le plus stressant, c’est quand il a le « OK », il tressaute à rythme régulier.

Un sourire illumina son visage. Reposant ses mains de part et d’autre de mon ventre, nos regards s’accrochèrent.

—Épouse moi, maintenant et pour toujours.

—Gabriel, si c’est à cause du bébé…

—Non, c’est à cause de toi ! Je t’aime et je te veux tout à moi. Ça fait plus d'un an que nous nous connaissons, je pense avoir eu le temps de tourner la question dans tous les sens !

—Oui !

Relevant la tête soudainement, son étonnement me fit rire.

—Tu reviens sur ta demande ? Demandais-je taquine.

—Non, mais je m’attendais tellement à batailler que je suis étonné que se soit si facile. Oh ! Sainte mère de Dieu ! Réalisant ma réponse pour de bon, il me prit dans ces bras, me fit virevolter à en perdre haleine.

—Toutefois, je souhaiterais que ce soit après la naissance du petit, je ne tiens pas ressembler à un gros chamallow dans ma robe de mariée.

—OK, tout ce que tu veux du moment où c’est toujours oui. Tu es prête ? Si l’ont continue, on va vraiment être en retard.

CHAPITRE 25

Nous arrivâmes à la soirée pour la fin de la projection. Les cinq films avaient été tournés en quatre ans, cette soirée était en quelque sorte un grand adieu pour tous les comédiens. La salle était décorée très chichement dans les tons noirs et argent. Main dans la main, il me présenta à toute la tribu.

—Gabriel ! Je ne pourrais pas me souvenir des prénoms de chacun ! Je connais leurs prénoms du film ! Et le pire, c’est qu'eux connaissent le mien.

Gaby rit de bon cœur à ma remarque. Se voulant rassurant, il murmura :

—Ne t’inquiète pas, ne me lâche pas, je te soufflerais ce que tu veux savoir.

Regardant de tous côtés, je ne vis pas mes « chiens de garde ».

—Christian et Michel ne sont pas là ?

—Ils se font sûrement discrets pour ne pas t’indisposer, Gabriel scruta la salle du regard, mais je suis sûre qu’ils sont par là.

—Oh ! Euh ! Regarde ! Il y a un grand brun qui te fait des signes au fond de la salle. C’est qui ça encore ?

—Ton grand brun, c’est le metteur en scène, viens-je vais te le présenter.

Toujours accrochées à lui, nous traversions la salle et arrivions à sa rencontre.

—Salut Gaby ! Bonsoir Madame. On a besoin de toi Gabriel, une photo de l’équipe va être prise dans le décor 7 du studio 3. Ce sera la dernière fois que je vous aurais tous avec moi. Je t’appellerais dès qu’on sera prêt à y aller.

—OK, pas de soucis, compte sur moi. Me faisant face, il me demanda : Tu viens aussi ?

—Non, je crois que je vais me trouver une chaise et me poser un peu. Bébé commence à peser.

—Faut me dire quand tu es fatigué ! Je vais te chercher une chaise, ne bouge pas !

Je le regardais s’éloigner de sa démarche souple et féline. Avisant un pilier, ou je pourrais m’appuyer, proche de la porte-fenêtre ouverte, je m’en approchais quand quelqu’un m’appela dehors.

Sortant sur la terrasse, je frissonnais de plaisir lorsqu'une légère brise me caressa les épaules. deux chaises longues trônaient au centre et semblaient m’attendre. Le ventre lourd et les pieds en feu, je me déchaussais et m’allongeais quelques instants. Les yeux perdus dans le ciel étoilé, j’entendis encore mon prénom dans le jardin.

—Jess ! Si tu voyais ça ? Disait la voix en riant.

—Qui est là ? Criais-je en me levant difficilement.

Renonçant à remettre mes ballerines tellement mes pieds avaient enflé, je descendis les quelques marches qui donnaient au jardin, pieds nus.

—Viens vite voir ça Jess ! La voix était plus loin que je ne l’avais cru.

—J’arrive, mais où êtes-vous ? Je n’y vois rien ! Essayant de ne pas trop m’éloigner, j'essayais de capter le moindre indice de la direction à prendre.

Une pression dans mon dos me fit stopper net mon élan.

—Tu n’as pas besoin d’y voir, avance droit devant !

Cette voix ! Oh mon Dieu ! Des frissons de peur me parcourraient l’échine, instinctivement mes mains protégèrent mon ventre.

—Dépêches-toi ! Si tu cries, je te tue toi et ton mioche !

—Jess ? Tu es là ? La voix de Gabriel nous parvenait de loin, de trop loin à mon goût.

Le désespoir me saisit à la gorge, il était trop éloigné, et la nuit qui nous entourait nous rendait invisibles.

—Joëlle, je t’en supplie, laisse nous le retrouver, je ne dirais rien promis.

—Ferme là et avance !

Elle appuya plus fort entre mes omoplates, la douleur me projeta en avant.

—Avance ! Ordonna-t-elle.

Impuissante, j’obéis. Les cailloux m’écorchaient la plante des pieds et les arbustes déchiraient ma robe à chaque pas. Les larmes m’aveuglaient rendant mon ascension de plus en plus pénible. A plusieurs reprises, je perdis l’équilibre, mon ventre énorme m’empêchait de marcher correctement. Elle tira sur mon bras et me fit bifurquer entre les arbres, nous longions un grand mur.

—Si tu dis un mot, ou fais un bruit, je te le plante dans le ventre. Me montrant une énorme lame blanche. Une peur bleue s’empara de moi.

Mon bébé ! Cette folle était prête à nous tuer sans raison ! Protéger mon bébé, il fallait être froide et obéir pour protéger mon bébé.

—Mets-toi à quatre pattes et passe par la grille. Ne file pas en douce, je te rattraperais vite.

Obéissant, je me traînais dans ce trou, m’écorchant les genoux, déchirant encore plus ma tenue de soirée, mes mains ensanglantées tentaient de protéger mon ventre comme elles le pouvaient.

—Lèves-toi ! Grouille !

Un brouhaha commençait à se faire entendre de la maison, plusieurs personnes hurlaient mon prénom, me tournant à demi pour essayer d’apercevoir quelqu’un, mon regard se posa sur une démente. Une folie avait ravagé son visage, des yeux exorbités, haineux, me fixaient.

—N’y pense même pas, personne ne peut nous voir, dit-elle un rictus mauvais aux lèvres.

Me secouant pour que je continue ma marche, elle m’entraîna en direction du parking. Elle stoppa net derrière le coffre d’une voiture.

Je l’ai reconnue de suite, ma vieille Ford ! Comment était-elle arrivée entre ses mains ?

Elle ouvrit le coffre, et fit un signe de tête.

—Grimpe ! Dépêches-toi !

—Mais…Je ne peux pas !

Elle me mit la lame sous le nez et d’un ton menaçant m’ordonna :

—Ou tu montes seule ou je t’y mets. Entière ou en morceaux, c’est toi qui vois ce que tu préfères.

Une peur incontrôlable me saisit, elle était vraiment folle ! Si je n’obéissais pas, que nous ferait-elle ? Enjambant le pare-chocs, je me glissais tant bien que mal dans l’espace du coffre.

—Couche toi !

—Sa voix grinçante et son regard mauvais me firent l’effet d’un soufflet. Me recroquevillant autour de mon ventre pour protéger mon bébé, je levais la tête pour essayer de la raisonner.

—Joëlle, tu…

Sa main levée frappa de toutes ses forces mon visage.

Ce fut le trou noir.

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