Océan
leeman
C'était un matin d'hiver sinistre, où les feuilles mourraient en silence à terre. mais c'était un jour qui semblait calme. Au loin, tel un dieu, un astre repoussait le monde vers le bas, et la teinte obscure et nocturne s'éclaircissait au fur et à mesure que les secondes et les minutes s'écoulaient. Sous le soleil levant, un homme et une femme demeuraient depuis maintes heures en plein centre de ce pont symbolique : tantôt à regarder les montagnes, tantôt à espérer ouïr le chant des oiseaux, ou ne serait-ce que voir l'ascension éternelle du courant d'eau qui coulait en dessous d'eux. Et quand parfois le vent s'exprimait, leurs mains se déliaient de tristesse, et de mécontentement ; rien ne pouvait les réunir, et pendant que les lumières dignes d'un infini champ doré parsemant chaque côté du pont s'entremêlaient de mieux en mieux avec le jour venant, les deux vies se séparaient, pleurant, se lamentant.
La progression de la divine étoile était pourtant continuelle, et rien, pas même l'amour ne semblait pouvoir perturber la principale condition du temps : l'écoulement. Et la nuit retombée, cet homme et cette femme étaient revenus au même endroit en souhaitant retrouver l'être qui partageait alors leur vie. Mais ils n'étaient pas du bon côté, la route les séparait. Que signifiait-elle ? Un obstacle ? Un accès ? Une occasion ? Trop de significations, et ne cherchant pas à comprendre, ne voyant pas de quoi les tuer venir de l'horizon, la femme prise de folie amoureuse pour cet homme traversa, pour le rejoindre à nouveau.
Étrangement, ils se réunirent pile au moment où lesdites lumières s'étaient encore une fois illuminées. Et derrière eux, toujours les montagnes régnaient sous les nuages, toujours les étoiles écrasées sur le ciel, demeurant infiniment accessible de nos yeux, et même pour leur petitesse, ils savaient que leur amour faisait briller les cieux, tout comme leur espoir de ne jamais être séparés faisait changer la couleur au dessus d'eux ; et selon la joie hors du temps, les jours suivant se ressemblaient de plus en plus, les parcours des deux âmes n'étaient que similaires ; et selon l'amour hors de l'espace, l'ombre du jour se transformait grâce à eux, aucune cause n'est rationnelle, c'est leur amour qui fonde tout. Et si les arbres vivent, et si les feuillent meurent toujours par saison, ça n'est pas par nature, c'est simplement que la force de leur union a pu les aider à contrôler l'espace-temps.
Et, peu à peu, le temps n'était qu'une illusion : le schéma de chaque jour, avec ce pont, cette rivière, ces montagnes et ces cieux, devenait rapidement l'objet d'une répétition, au lieu de revivre infiniment ce qu'ils avaient créé avec leur cœur, l'amour d'un soir devint un amour infini ;
Et au loin, prolongeant l'horizon, ils contemplaient le crépuscule inlassablement, sans jamais voir que le firmament s'était figé, créant la plus belle teinte arc-en-ciel, partant du rouge flamboyant jusqu'au bleu noir, signifiant le commencement de la nuit.
Et, statiques, ils demeuraient mains dans les mains, sans jamais vieillir, sans jamais compter les jours, puisque le temps demeurait oublié.