Omran

stonemarten

Je t'ai observé toute la journée.
Je me suis demandée quel était ton nom, ton âge. 
Si tu avais des frères et soeurs.
Si papa et maman étaient toujours à tes côtés.
Je me suis dit que tu devais avoir l'âge de mon fils et j'ai imaginé ses boucles blondes sous le sang de nos bombes et j'ai vu sa peau dorée s'effacer sous les cendres.
Je t'ai observé longuement et je me suis demandée ce que nous étions en train de faire de toi.
Quelles blessures, quelles traces de haine, de colère et d'incompréhension ces jours allaient laisser en toi.
Je me suis demandée pourquoi mon fils du côté de notre planète avait le droit de grandir au milieu des rires, au milieu de la vie sans peur si ce n'est parfois celle du noir, celles des monstres qui se cachent sous son lit le soir.
Lui ne vit que bercé par la douceur du temps, par le calme de journées où sur lui ne pleuvent que les chaudes pluies d'été.

Ici il n'y a pas de bombe.
Ici, le monde danse tandis que le tien s'est arrêté.

Je t'ai observé lâchement et j'ai continué d'avancer dans l'insouciante vie qu'ici je me suis fabriquée.
Je ne saurais même pas quoi te dire.
Je suis un peu comme toi, hébétée sur ma chaise et je me demande pourquoi et comment on en est arrivé là...

Puis tu sais, je suis désolée parce que ici beaucoup disent que toi et tous les autres dans ton pays vous n'avez qu'à vous débrouiller.
Que nous quand il y avait la guerre, on s'est défendu, puis qu'on peut pas accueillir toute la misère du monde, que les autres ont qu'à le faire, que pour nous c'est déjà bien compliqué.
Tu comprends bien, ici on a déjà des hommes qui dorment dans la rue, on a le chômage, le burkini. 
Bref, tout un tas de conneries à régler alors tu comprends bien que te sauver la vie c'est pas dans nos priorités.
Tu vois bien, ici on a déja nos problèmes.
On a déjà assez à faire pour pas avoir en plus à panser tes plaies.

Je suis désolée parce que en vérité ton histoire s'écrit parce que l'on prétend que ta vie a moins de valeur que la nôtre.
Parce que salopards d'humains que nous sommes, on estime toujours pouvoir décider quelle terre nous appartient, quelle vie est a sauvé, qui est la victime, le lâche ou le bourreau.
On décide de tout derrière nos écrans de télé.
On prétend tout savoir de vous assis juste là bien confortablement dans notre canapé.

J'ai appris que tu t'appelles Omran.
Omran, Aylan...
Personne ici ne s'en soucie vraiment.

Omran, est-ce que tu trouveras un jour la force de nous pardonner?


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