On m’dit jamais rien, à moi ! (2)
Hervé Lénervé
La mémé était myope comme un sourd.
Un jour sa famille l'avait invitée à diner, on lui avait servi un doigt de porto en guise d'apéritif, elle mangeait des olives noires non dénoyautées et crachait les noyaux par la fenêtre, pour ceux qu'elle n'avalait pas. Les noyaux recrachés retombaient tous sur la moquette crème claire, à peine posée de la veille, la maculant irrémédiablement.
Oui, la fenêtre n'était pas ouverte !
***
La mémé (une autre, quand même) était sourde comme une taupe.
Au réveillon du nouvel an, elle mangeait attablée au milieu de sa grande famille. Les discussions fusaient d'un convive à l'autre dans des tirs croisés d'infanterie. Ça criait, ça gueulait de toute part. Au milieu du repas, le dentier de la mémé qui n'avait encore rien dit, s'exclama :
- Eh, on m'dit jamais rien, à moi !
***
La mémé (une troisième) de quatre-vingt-quinze hivers était introuvable.
Son fils demande à son épouse.
- Eh, dis la mère ! Tu sais où c'est qu'elle est passée la mémé ?
- Non ! Ça fait longtemps que je ne l'ai point vu, à c't'heure !
- Va donc voir la Marie, si elle n'est pas en train de faire dans la cabane au fond du jardin ?
- La mère l'a trouva accroupi en train de fumer une cigarette dans la cabane au fond du jardin.
Elle se cachait toujours là, car ces parents ne savaient pas qu'elle fumait déjà à son âge.
***
J'avais un déplacement professionnel d'une semaine que je ne pouvais reporter, ma femme était elle-même en déplacement d'affaire. A cette période nous gardions ma grand-mère avec son petit chat, car elle ne pouvait plus vivre toute seule, ma grand-mère, pas le chat qui était un petit animal adorable à laquelle nous nous étions tous attaché.
Je demandais à un ami, enfin une relation, lui seul était disponible, de garder ma grand-mère pendant la semaine.
De retour, avec ma valise, je le trouvais attablé dans la cuisine avec une bonne de mes bouteilles de garde largement entamée. Je fus surpris de ne pas voir Mistigri venir se frotter à mes jambes comme à son habitude dès que l'on pénétrait dans l'appartement. Je demandais à mon pote, enfin ma relation.
- Il est où le chat ?
- Le chat ! Mort ! Fenêtre ! Tout plat ! Tu veux un verre ?
- Merde, il est mort ! Putain tu annonces cela comme ça ?
- Comment veux-tu que je le dise, qu'il est parti avec une pute en chaleur !
- Non, mais je pense que tu aurais pu nuancer, y mettre plus de forme, limite inventer. Genre, il jouait gentiment avec une pelote de laine qui a roulé jusqu'à la fenêtre, puis…
- Ah, oui ! De la poésie, c'est ça ?
- Bon, laisse tomber ! et la grand-mère comment elle va ?
- Elle jouait gentiment avec une pelote de laine…
***
Ces quatre anecdotes sont inspirées par des mémés que j'ai réellement connues, excepté la deuxième, of course, ce qui explique l'acuité profonde des propos.
C'est parce que je ne te connais pas Hervé, ( si tu m'y autorises ) mais en fait tu es un sentimental, presqu'un humaniste, c'est beau ce que tu as écrit ...
· Il y a presque 6 ans ·scribleruss
Si tu le dis... merci quand même ! :o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
Faut pas pousser mémé dans les orties !
· Il y a presque 6 ans ·Minot on rigolait avec pas grand chose.
J'avais une mémé qu'on appelait "Tatane" j'aimais bien ce surnom il y a bien longtemps que toutes mes mémés ne jouent plus avec les pelotes de laine.
dechainons-nous
La mienne détricotait de vieux pulls pour en faire des neufs. Les temps étaient plus durs qu’aujourd’hui, quoiqu’on en dise. Il fallait laver la laine puis en faire des écheveaux en l’enroulant autour de deux bras volontaires. Certes, ce sont les enfants qui s’y collaient, entre corvées et rigolades, si la mémé avait de bonnes histoires à raconter ! J’aimais ces moments, la mienne avait de l’humour et de la tendresse ! :o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
Voui on les aimait bien , et je suis persuadé qu'elles le savaient :)
· Il y a presque 6 ans ·dechainons-nous
On leur dit rien mais comme elles gardent le secret du bon café, c'est une simple mesure de rétorsion !
· Il y a presque 6 ans ·yl5
Secret ! Secret ! En leur brûlant un peu les pieds, elles les disent leurs secrets du bon café ! :o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
Quand elles s'en souviennent !
· Il y a presque 6 ans ·yl5
Ah, la mémoire des vieux ! :o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
Moi j'sais pourquoi on n'te dit jamais rien. Parce que t'es qu'un pôv' paysan :)
· Il y a presque 6 ans ·Mario Pippo
Ça c’est ben vrai, mildiou ! Vous les parigots méprisants vous me regardez de haut, car je ne mesure qu’un mètre dix au béret ! :o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
La province et ses indigènes… Ça eut payééééééé
· Il y a presque 6 ans ·Mario Pippo
A Popol : Tu l’as dit, Fernand !
· Il y a presque 6 ans ·A Etaine : Marie était une philosophe du bon sens, comme beaucoup de paysans que j’adore. Bien que né à Paris, mes ancrages sont à la campagne, en Bourgogne. :o))
Hervé Lénervé
Mon grand-père (paternel) était une caricature de paysan drômois, béret vissé sur le crâne, trois chiens de chasse, mégot au bec, soupe chabrot, et pourtant, c'était un héros de la guerre de 14, et il a financé des réseaux de résistance, en Ardèche, en 40 :)
· Il y a presque 6 ans ·Mario Pippo
Comme quoi... respect ! :o))
· Il y a presque 6 ans ·Hervé Lénervé
Il est mort en 1962, le soir de Noël :(
· Il y a presque 6 ans ·Mario Pippo