On n'aime plus.

Christophe Hulé

Quand on croit n'avoir plus aucune angoisse, ou même quelque raison de se plaindre.

Quand l'ennui s'installe, l'ennui profond j'entends, où l'on ne compte plus les heures, surtout au travail, mais les jours et les années.

S'occuper sans passion, certains y arrivent paraît-il.

Quand les quelques petites flammes, qui semblaient lutter encore, s'éteignent une à une.

Quand même le soleil ne suffit plus à réchauffer en dedans.

Quand on prend un bouquin, à défaut d'autre chose, peu importe lequel, pour se croire en vacances sans son transat, le casque aux oreilles.

Que la musique en boucle, la meilleure des musiques, n'est plus qu'un chuchotement, un bien pâle reflet des douceurs de jadis, et des passions aussi.

A tel point qu'on se demande si c'est bien le même Moi qui les a vécues.

Se traîner comme un vieux, qu'on est loin d'être encore.

Quand plus rien ne vous surprend ni ne vous intéresse.

Quand on espère la fin, sans l'espérer vraiment.

Qu'il ne reste que les miettes de l'instant, qui serait « jouissance » paraît-il.

S'offrir de « petits plaisirs » et « penser à soi ».

Le plaisir doit être grand pour atteindre la plénitude.

Quant à « penser à soi », on ne fait que cela depuis la plus tendre enfance.

On voit ce qu'a donné le « penser à l'autre », je ne parle pas ici de récompense mais de souffrances ou, au mieux, de frustrations.

A force de perdre son temps, on égare aussi le peu de temps qui reste.

Si c'est pour revivre les mêmes choses …

Tout n'est-il pas une question de sens, de celui qu'on croit avoir le pouvoir de donner à sa vie.

Ce qui me réchauffait hier n'est plus qu'un tas de braises aujourd'hui.

Je sais ce que vont me dire les « forcenés » du bonheur au rabais.

Sur certains points je leur donnerais raison, j'ai un toit, je gagne bien ma vie, je ne suis pas dans un pays en guerre, mais surtout j'ai bonne conscience, ce qui n'est pas un détail.

Être fier de n'avoir pas fait le mal ne suffit pas à être fier.

Et ne parlons pas de ce que faire le bien vous a apporté !

Comme nous tous je crois, sauf les tarés, je ne parle pas des fous, j'ai essayé de faire au mieux, se soumettre mais aussi imposer sa différence, trouver sa Béatrice, être quelqu'un …

« Que reste-t'il de nos amours ? », tout est dit.

« Mais il est tard Monsieur », faut que j'aille faire mes courses.

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