Un étrange voyage

Shudrack

Comment avais-je pu me retrouver là ? Je ne me souviens pas avoir entrepris ce voyage et d'ailleurs je n'en connais pas la destination...et puis, partir avec toute la famille ça ne me ressemble pas, ça ne me viendrait jamais à l'idée. Et pourtant nous sommes tous là : ma mère et sa soeur sont là, à moins que ce ne soit la mienne, je ne distingue pas bien.
Je ne savais que mon oncle Michel savait faire cela.....? et comment puis-je à la fois être à l'intérieur et voir tout ce qui se passe à l'extérieur?

Nous sommes pourtant tous là, serrés dans ce petit avion que Michel pilote. Je ne savais pas qu'il savait conduire les avions mais au fond je me rends compte que cela ne me surprend pas tant que cela...je ne lui pose pas la question. Je suis debout serré à côté de ma mère, ma tante, mes jeunes cousins que j'arrive à peine à distinguer. Nous sommes tous debout dans le cockpit et Michel pilote...debout lui aussi. Non, en fait cet avion n'a pas de corps, pas de queue et de si petites ailes qu'on dirait un jouet. Oui un jouet, c'est bien cela, de haut, je le vois ce petit avion rond, blanc avec des ailes si courtes. Il virevolte, il a du mal à se stabiliser. Je sens que Michel a du mal à le contrôler...il y a du vent lorsque nous traversons l'océan. Suis-je le seul à voir l'avion du dessus et à comprendre que ce n'est peut être pas l'océan que nous traversons....oui je vois une autre rive....je vois que nous longeons un...pont...et que de l'autre côté se dresse le Grand Palais. Pourquoi suis-je le seul à être surpris ? Pourquoi trouvent ils tout cela normal ? Ils ne réagissent pas, serrés comme des poupées dans ce minuscule avion qui tente de traverser la Seine.

Je planifie tous mes voyages, je les prépare, je devrais donc me souvenir de celui-ci. Etre parti avec toute la famille, ça ne me ressemble pas. Nous serions bien mieux tous les deux me dis-je. Je déteste prendre l'avion sans toi, tu le sais. Pourquoi tu n'es pas avec moi ?

Le ciel noircit et la Seine remue, l'appareil peine à avancer. Mais que font ils ? Il faut redresser la barre ..ou le volant...personne ne réagît. La Seine s'agite sous mes yeux et l'eau devient tumultueuse....Je tangue, vous ne sentez que ça bouge vous ?
Il est bien petit cet avion, je fais toujours attention aux compagnies aériennes que je choisis. je vérifie les statistiques d'accidentologie. On vérifie ensemble sur quel type d'appareil on fait nos voyages et on est toujours d'accord pour payer plus cher pour plus de confort alors pourquoi m'as tu laissé prendre cet avion en plastique ?

Je sens bien que ça bouge, que Michel ne contrôle plus, que l'expression neutre et figée à quitté les poupées et qu'elles sont maintenant inquiètes. La fin me semble déjà inéluctable : le vent se lève, Paris est noir, les vagues chatouillent maintenant la carlingue. Je sais au fond que je ne peux pas être ici sans toi. Je dois trouver la force d'en sortir et je sais aussi que dans les rêves on ne meurt jamais, dans les rêves les autres meurent mais on ne se voit jamais mourir alors il ne me reste plus qu'à tout nier pour survivre.

Les poupées inquiètes tournent vers moi leurs regards circonflexes, en quête d'une solution, je vais leur dire et ainsi nous sauver tous. Je vais leur dire que jamais je ne serais monté dans un avion si petit et que tout cela ne peut être qu'un rêve...

ah ah, je lui ai joué un bon tour de passe passe à la mort dis-je en me réveillant alors que je dissimulais mal mon soulagement par un sourire feignant la malice.

Shudrack - Novembre 2014

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