Onde nocturne
nelopee
Il faisait bon. C'était le début des nuits d'été. Il n'était pas loin de deux heures du matin. Je n'avais pas beaucoup bu, pour une fois. J'avais encore l'esprit clair. Une bouteille de rosé pamplemousse. C'était juste assez pour me rendre un peu plus légère. Je retrouvais l'atmosphère nocturne de ma ville d'origine et ses quais que je n'avais pas arpenté depuis des mois.
Mes amies et la bande de skateurs avec qui elles s'étaient rapprochées pendant mon absence, ils avaient tous décidé d'aller sur une boîte péniche. L'entrée était gratuite, voilà pourquoi. Moi je débarquais un peu, je ne les connaissais pas encore très bien, tous. Malgré les quelques soirées antérieures passées en leur compagnie.
Mais j'ai vu que toi, tu étais là. Mon cœur s'est un peu emballé sans que je ne le souhaite. Mon amie m'a chuchoté à l'oreille "lui, il te trouve belle". Elle ne parlait pas de toi, mais de ton pote. Bien sûr. Toi, tu étais en couple. Tu me l'avais bien fait remarquer lors de notre première rencontre, et j'avais lâché l'affaire, sautant sur un autre de tes potes. J'aurais pu l'avoir, lui, l'autre... Mais c'est toi que je voulais. Pour je ne sais quelle raison qui me dépasse.
C'est toujours pareil avec moi. Les mecs spéciaux, je les ai dans la peau. Le charisme, le petit quelque chose en plus... Et le gros problème de plus. Le tien c'était ta copine, mais je savais déjà que cela n'allait pas entre vous. Je n'ai rien tenté de fou. On a juste parlé. Mais c'était déjà beaucoup. Dès la première fois, j'ai senti le feeling. Mes propos n'étaient peut-être pas très cohérents à cause de l'alcool ce temps là, mais à présent les rôles étaient inversés.
On était assis sur des sortes chaises défoncées, avec la vue sur le courant du fleuve miroitant des lumières de la ville. Tu m'as sorti une tirade sur la beauté du paysage, c'était facile, drôle mais ingénieux. Ta tête mi-sérieuse, mi-amusée se prêtait parfaitement à ce genre d'exercice. C'est le genre de discussion que je suis prompte à suivre, en finissant tes phrases et en tissant aussi un peu de tes jolis mots.
"T'aimes bien qu'on dise de la merde ?" "Ca dépend de quelle façon ! Là, c'est poétique."
Puis je ne sais plus comment, on s'est détourné du fleuve pour se faire face. Tu m'as regardé dans les yeux tout en me parlant de ton avenir, de ta passion... Je ne sais pas si tu as l'habitude de faire ça, ne pas lâcher les gens du regard quand tu leur parles, mais moi non. Je faisais de mon mieux pour le soutenir, mais au final, j'ai oublié la moitié de tes paroles pour ne retenir qu'une seule chose : la beauté de tes yeux bleus.
J'ai plus ou moins compté les nuits avant de ne les revoir à nouveau. Troisième session. Tu avais oublié mon prénom, pour mieux l'encenser tout de suite après. Il faut être sacrément perché pour me parler de "petit poney qui coure dans une prairie avec un ciel rose". Tu t'obstinais à répéter ce prénom, à faire rouler les syllabes dans ta bouche et c'était beau.
Tu m'as fait rire. Je t'ai fait rire. Les sujets s'enchaînaient facilement. Tu as toujours quelque chose à dire, sur tout. Tu aimes bien te poser et expliquer lentement ton point de vue, il n'y a qu'à surenchérir ensuite mutuellement. A la fin, tu m'as dit : "j'aime bien parler avec toi." Moi aussi. Ce n'est pas bien difficile. Nous avons la même cérébralité.
Je sais que tu ne seras que le petit divertissement de mon été.