Orage
tadamok
La rumination de cet épisode mal digéré envahissait progressivement son esprit à la manière de ces gros nuages qui s'amoncellent avant l'orage. Puis le mot fut lâché, comme un éclair qui déchire le ciel : « Tu aurais pu me dire que tu avais mangé avec elle ! Tu m'as menti ! » Et le tonnerre gronda : « Je te signale que je fais ce que je veux. Je suis libre. Si j'ai envie de manger avec quelqu'un, je n'ai pas à te demander l'autorisation. J'en ai plus qu'assez que tu me traites comme un enfant ! » La foudre tomba de nouveau, plus près du coeur : « De toute façon, tu m'as jamais aimée ! Tu penses encore à elle, avoue-le ! » Un coup de poing fit trembler les meubles. « Putain de merde ! J'en ai marre de tes foutues crises de jalousie ! T'es complètement paranoïaque, ma pauvre ! Faut te faire soigner, ma parole ! J'ai juste mangé avec elle ! » Il répéta cette phrase en insistant sur chaque mot, comme la réplique feutrée d'un coup de tonnerre qui s'éloigne : « J'ai juste mangé avec elle. » La tension retombait. Et les larmes se mirent à couler, drues, épaisses. « Je sais bien que je suis pas à la hauteur. Elle est tellement belle. » Alors il tenta de la rassurer, patiemment, comme on regarde le déluge à travers sa fenêtre en attendant que ça se calme : « Enfin, chérie, tu sais bien que c'est toi que j'aime. Il n'y a que toi, je te le jure. Regarde-moi. Je ne t'ai jamais trompée. » Et les eaux se tarirent, laissant apparaître un paysage bouleversé, dégoulinant de maquillage, visage bouffi, cheveux ébouriffés, simplement éclairé par une pâle lueur d'espoir dans ses yeux. « C'est vrai ? Tu me jures ? » « Promis, juré, c'est toi que j'aime, mon amour. » Un tendre baiser vint sceller le retour du calme après la tempête, et la promesse d'un avenir meilleur, fertilisé d'avoir triomphé d'une épreuve de plus.