Oui je vous le dit: on est vraiment dans la MERDE.

silvy-nocturne

Oui, cette scène survenue se matin est affligeante.

    Deux passantes passent par là, perpétuellement en retard, la jeune fille n'aperçoit pas -où fait exprès de ne pas voir- la scène choquante qui se déroule à la terrasse du café qui fait l'angle: une dame se fait agresser verbalement et physiquement par la serveuse qui essaye de lui faire quitter la terrasse de son café. La mère s'arrête. Outrée elle commence à s'exclamer, son indignation est grande, la serveuse s'en prend maintenant à elle, les cris montent. "Occupes-toi'tes affaires", crit la fille tout en poussant et malmenant la dame anormale -comme l'a fait remarquer la passante-. Le ton monte d'avantage, la tension est électrique, mais aucun client ni aucun passant n'est fichu d'intervenir. La jeune fille, l'air alarmé, la boule au ventre, s'approche de sa mère, elle a comprit que la serveuse est sur le point de la frapper. Sa mère s'évertue de faire entendre raison à la serveuse agressive. La dame n'est pas coupable, ce n'est pas grave si elle a demandé un deuxième café sans pouvoir le payer, elle est anormale, ce n'est pas la peine d'être méchante avec elle, elle ne comprend pas ce qui lui arrive, la preuve elle ne cesse de crier de grotesques "non, non!" La mère tend le contenu de son porte-monnaie à la serveuse, qu'elle laisse à présent la dame tranquille.

Le bus arrive. On ne saura pas la suite. La jeune fille qui a instinctivement et animalement rejoint sa mère pour la défendre en cas d'un excès de colère se désole face à la stupide excuse des deux hommes assis à la table voisine qui, ayant lâchement réglé en vitesse leur consommation, disent "il fallait bien qu'elle paye, la serveuse lui a d'abord parlé gentillement, il faut la comprendre!" La scène dont elle a été le témoin silencieux et désarmé l'a choquée au plus profond de son être. Dans une situation qui devient de plus en plus difficile, dans une situation où des peuples se déchirent, où des personnes terrorisent et brutalisent les autres, pourquoi la violence et la stupidité humaine est-elle perceptible dans la rue, là, en bas de chez elle? "Putain, on est dans la merde, se dit-elle, il devait avoir une bonne trentaine de témoins de cette scène et personne, mis à part maman, n'a été foutu de protester ou d'aider cette pauvre dame anormale. Mais merde, qu'est-ce qu'on va faire?! On ne peut plus compter sur personne!" La jeune fille se mord d'avantage les lèvres, ses longues jambes sont tremblantes,  elle est incapable de faire un effort supplémentaire pour éviter de pleurer. Son visage se crispe, elle pleure, elle pleure, oui, elle pleure. Elle pleure sur  le sort de l'humanité, sur le sort de la dame violentée qu'elle a vu, sur le sort de sa mère, sur le sien aussi. Sa mère la voit pleurer, les larmes qui restent au creux de ses yeux traduisent son impuissance et sa compassion.


Sous le regard médusé des voyageurs, la grande fille pleure et déclare publiquement sa peur. Dans se bus qu'elle connait bien, qu'elle prend régulièrement depuis ses onze ans, elle dit à qui veut bien l'entendre que la situation est grave et que tout se reproduit.


Oui je vous le dit: on est vraiment dans la MERDE.

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