Panathénées

veroniquethery

Pour changer un peu des fêtes de noël...

Les Panathénées ! Ce sont les Panathénées ! Je ne cesse de me répéter cette phrase depuis mon lever. Jamais d'ailleurs, je n'ai bondi aussi vite de mon lit ! J'ai avalé mon acratimos à toute vitesse : du pain trempé dans un peu de vin, accompagné de quelques figues et d'olives. Aujourd'hui, première réjouissance : pas de leçons fastidieuses avec le grammatikos à réciter des vers d'Homère et d'Hésiode. Pas de leçons de musique et de chant. Eh oui, ici, cet enseignement est considéré comme un art capital. Ensuite, pas d'exercices physiques à la palestre, en dépit d'une chaleur accablante. Enfin, je ne vais pas me plaindre ! Si j'étais Spartiate, mon éducation se serait résumée à ces trois ordres : « Obéir, supporter, vaincre ». Une chance donc que je sois Athénien ! Et, c'est ma belle ville, aujourd'hui, que nous allons célébrer, et notre déesse bien-aimée, notre protectrice Athéna.

Mais, peut-être ignorez-vous pourquoi Athéna est notre déesse préférée ? Tout remonte à la légende de Cécrops ! La déesse de la sagesse et de la guerre et Poséidon, le dieu de la mer, se sont disputés la possession de l'Attique. Ils ont choisi comme arbitre Cécrops, le premier roi du territoire. Poséidon a frappé l'Acropole de son trident et en a fait jaillir une source d'eau salée. Athéna, elle, a offert un olivier. Cécrops a jugé le cadeau de la déesse bien plus utile pour son peuple, et c'est elle qui devient ainsi la protectrice d'Athènes. Plus tard, la déesse nous a fait d'autres présents : elle nous a appris à utiliser l'araire et l'attelage des bœufs. Elle a aussi offert à Érichthonios, un autre roi mythique, de nombreux présents, quand il a érigé sur l'Acropole, en son honneur, le plus ancien des sanctuaires : l'Érechthéion. Les premières prêtresses ont été les filles de Cécrops, Aglaure, Pandrose et Hersé, c'est-à-dire respectivement le beau temps, la rosée et la pluie, tous trois dons d'Athéna. Il a donc créé en son honneur les Panathénées, destinées à fêter l'anniversaire de la déesse, la plus grande fête religieuse d'Athènes.

Les grandes Panathénées ont lieu tous les quatre ans et durent presque huit jours. De grands jeux ont lieu et ils ressemblent aux jeux olympiques : luttes, courses, boxe, pentathlon… et réunissent tous les Grecs qui le souhaitent. On trouve aussi des concours de musique à la flûte et à la lyre, de poésie et des courses de chars. D'autres jeux sont réservés aux seuls Athéniens : les danses armées inventées par Athéna elle-même et nommées les Pyrrhiques, les reconstitutions de combats comme la guerre de Troie. Mon oncle s'y est brillamment illustré dans le rôle du roi des rois Agamemnon. Mais, ma fierté a atteint les sommets en voyant mon père jouer Achille, le plus valeureux de tous les guerriers.

Aujourd'hui, c'est le dernier jour. Je rejoins donc le quartier des céramiques, près des Portes Sacrées. Va débuter là l'immense procession du Péplos. Nous allons traverser l'agora, et nous diriger vers l'Acropole en empruntant la voie sacrée. En tête, on trouve les athlètes, puis les hauts magistrats, les stratèges entourés des fantassins, les cavaliers, les éphèbes, parmi lesquels mon frère aîné. Viennent ensuiteles citoyens que je rejoins. Derrière nous, se pressent les représentants des alliés de la Ligue et les métèques. Le Péplos, un voile brodé par  quatre fillettes âgées de 7 à 11 ans, les Arréphores, est porté par les Ergastines, les femmes chargées de surveiller les petites brodeuses. Puis viennent les bœufs et les moutons qui seront sacrifiés à la déesse.

Parvenu sur l'Acropole, on revêt du péplos la statue d'Athéna. Puis, devant l'Érechthéion, on procède aux sacrifices. L'autel est orné de fleurs odorantes, de feuillages et de guirlandes. Les prêtres sont vêtus de blanc et portent une couronne de feuillage. Les quatre bœufs et les quatre moutons ont les cornes dorées auxquelles sont accrochées des guirlandes de laine. Chaque animal est conduit près de l'autel, les sacrificateurs en font le tour et l'aspergent lui et les participants avec de l'eau lustrale. Je me suis prudemment placé suffisamment loin pour ne rien recevoir et suffisamment prêt pour tout observer. Ensuite, les prêtres allument un feu sur l'autel, ils jettent sur la flamme sacrée des grains d'orge et quelques poils de la tête de l'animal. Après une prière, le sacrificateur, à l'aide d'un couteau, ouvre la gorge de la victime en lui tenant la tête en arrière afin que le sang coule sur l'autel. Ensuite, la bête est dépecée. Après avoir examiné les entrailles, les prêtres procèdent au partage, une partie pour les dieux, une autre pour les fidèles. L'hécatombe commence : cent bœufs seront ensuite sacrifiés.

Je préfère m'éloigner. L'odeur du sang, je dois l'avouer, me répugne et les cris des animaux ne me laissent pas indifférent. Pourtant, ces sacrifices ne sont pas vains. Remercier la déesse de ces dons est primordial et, grâce à Prométhée, les hommes hériteront de la viande qui sera consommée au cours de gigantesques banquets. Et, c'est d'ailleurs la raison principale de mon excitation. C'est, en effet, la première fois que je vais avoir le droit de participer à cet événement majeur. Je vais accompagner mon père à un symposion ! Certes, je n'aurai pas le droit de parler ou de participer ; seulement celui d'observer et d'apprendre. Mais, c'est un tel événement que je n'en dors plus depuis des jours !

- Alors, Alexandros, es-tu prêt ?

Mon père me sourit, amusé sans doute de voir mon air exalté. Il doit plusieurs fois me gronder, car je hâte le pas. Enfin, nous arrivons chez Pausanias.

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