Papier froissé

Antistrophé

Une mauvaise journée.


Papier froissé




Si mon âme devait être comparée à un objet existant que notre stupidité reliée à notre condition d'être vague et morne nous permette de voir, elle serait sans doute semblable à une vulgaire boule de papier froissé.

Le bruit du froissement en serait les hurlements, et la forme, l'esprit du carnage symphonique qui l'habite.

Une douce horreur en envahirait l'être, telle un Guernica vulgaire sortie du tréfonds du cul d'un enfant violé.

Toute la pestilence de cent nations belliqueuses en ressortirait pour en asperger le marbre divin et le faire fondre sous l'acide urique.

Elle passerait son temps à se défoncer les oreilles avec la croissante harmonie cassée de violons désaccordés, crissant à ses oreilles comme un miel répugnant censé les fermer.

Censé couper mon être fait de peurs et d'angoisses de ce monde de douleur. De cette multiple croche de notes mortelles. De l'assassinat sempiternel de mon carnage accordé.

Elle balance, entasse, fracasse des tonnes d'exécrations pour en créer du son de sang.

Cette apaisante symphonie qui en ressort en devient l'expression même de la peine éternelle. Un lent ballet de larmes et de pleurs et de lamentions jusqu'à la mort.

Jusqu'à en oublier sa propre cervelle, jusqu'à ne plus penser « combien de temps que je pleure ? », jusqu'à ne plus penser « pourvu que je continu de pleurer jusqu'à la nuit tombée et jusqu'au jour, par pitié... ».

Jusqu'à que le seul moyen de salvation soit de faire appel et jusqu'à que ces appels soient réceptionnés par des sourds muets aveugles, jusqu'à la personne la plus chère à son être pour qu'enfin de cette détresse ne reste que le simple mot, jusqu'à que la destruction deviennent hurlement quotidien, jusqu'à qu'elle hante notre pensée par sa forme, sa couleur, sa pluralité, sa perfection.

Jusqu'à que les larmes soient sucrées.

Jusqu'à que la souffrance soit apaisante.

Jusqu'à que l'infini Carnage soit mon opium.  



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