Par delà les côtes escarpées (Rouge glace)
Caïn Bates
À toi, étranger qui cherche à accoster près des falaises du Royaume. À toi, courageux aventurier qui désire tant visiter notre vaste pays. À toi, vil espion qui tente de nous subtiliser nos précieuses technologies. Tu es le bienvenu sur nos nobles terres car nous t'accueillons les bras ouverts.
Si tu parviens à tenir ton navire à flots jusqu'à nos côtes, alors tu n'as plus grand chose à craindre de nos remparts, vestiges d'un passé barbare qui n'a vu que massacres, pillages et autres horreurs des rustres qui voguaient auprès de nos falaises pour nous tuer. Mais toi, tu es quelqu'un de bon, j'en suis persuadé.
Tu marcheras probablement sur le sable du port de Sirkonos, célèbre pour ses quais bondés, ses tavernes festives et ses prostituées les plus délicieuses. Aussi malfamée qu'elle puisse paraître, les visiteurs sont toujours les plus à l'abri et bénéficient de l'accueil le plus jovial de la part des piliers de bars qui jonchent les rues. Si ta longue traversée t'a épuisé, tu y trouveras les chambres les plus confortables du pays et les commodités les plus modernes, tu y trouveras de l'eau chaude à toute heure, la plus pure qui soit au monde.
Ton voyage se poursuivra hypothétiquement vers Hyverpoule, Beauttingham ou Os-Forte mais tu passeras forcément par Copperhenge, une des plus célèbres attractions historiques et touristiques de l'île. Ta voiture, ton cheval ou tes pas s'enfonceront alors dans sa boue qui autrefois servait à nous abriter puisqu'on l'utilisait essentiellement à fabriquer nos briques. Non loin des amas de pierres dressées se trouve un village dans lequel les habitants chantent et dansent autour de grands feux toute la nuit, jusqu'à ce que le soleil se lève, jusqu'au moment où l'énorme cloche de l'église se met à résonner et que le brasier s'éteint. C'est alors que les cris s'arrêtent et qu'ils te béniront.
Mais, peut être que le destin te mènera jusqu'aux grands portes de Victoria, luisantes sous la pluie battante. Tu seras alors surpris par la noirceur de ses ruelles et de l'obscurité diurne qui encercle le grand palais de métal et qui surplombe le ciel, de sa haute tour perchée qui mène au dessus du grand Créateur. Dès tes premiers pas, les habitants courront, se cacheront face au mauvais présage que tu incarnes. Ici, c'est à coup de poignard que l'on vote et l'opposition n'a jamais tenu jusqu'au second tour. Le silence des passants te glaceront le sang jusqu'à qu'il finisse par se figer le long de ta douce gorge pour couler à nouveau en fin collier de grenat.
Il faudrait être inconscient pour ne serait ce que d'imaginer s'approcher de nos côtes. Et, si jamais tes pensées ne peuvent s'en empêcher, pauvre fou tu paieras de cet affront.