Paradoxe superflu

Un Sous-sol humide et des murmures intellectuelles. Ainsi était l'environnement de cet homme. Il travaillait nuits et jours ou plutôt, il imaginait. Sa pensée restait au stade de l'hypothèse. Si elle s'avérait juste alors...

Un changement de température léger se fit sentir. Malgré la concentration, il frémit de chaque variation du mercure.

- Bonjour Paul.

Manifestement, on s'adressait à lui. La voix n'était pas que familière. Il se retourna et dévisagea l'étrange(r). Il sourit et lui posa la question la plus naturelle face à une rencontre imprévue :

- Enchanté. Tu es moi ?

- Et moi donc. Pour être exact je suis un jumeau temporel. Nous sommes la même personne physiquement et génétiquement, mais notre âge est différent ainsi que notre expérience humaine. Être ton futur-toi me paraît être un terme simpliste et insultant. Un peu comme si des jumeaux étaient un tout et non deux être séparés. J'ajoute que je n'ai rien contre les siamois.

- Cela a donc fonctionné. Est-ce une sorte de boucle ? Tu as aussi vu un jumeau temporel venu t'annoncer notre brillante réussite ?

- Il n'est pas venu au même moment. Dans ma ligne temporelle j'ai attendu bien plus que toi. Et celui que j'ai vu était bien plus vieux que moi. Le Proto-Paul si tu préfères.

- Tu veux dire que c'est le premier d'entre toutes les lignes qui a trouvé la solution ?

- Oui. Mais n'ayant eu aucune aide d'autrui y compris de lui prime, il n'acheva son oeuvre qu'à un stade fort avancé de sa vie. Satisfait mais frustré de ne pas pouvoir profiter de son invention et d'en retirer du bénéfice, il se contacta lui-même pour accélérer le processus de création. Il me contacta à ton ère. Nous travaillâmes ensemble pour un temps, son temps. Il mourut sans avoir eu le temps de tout me révéler. Fort des connaissances apprises, j'ai réussi à terminer malgré tout. Cela fut long comme tu le remarques à mes rides. Tout de même moins que seul, à en juger le Proto-Paul.

- Ce nom est ridicule. Je n'imagine pas le nom qu'il a pu donner à notre trouvaille.

- Que veux-tu, notre humour est intemporel.

- Il va rentrer dans l'Histoire. Arrêtons les jeux de mots si tu veux bien.

- Juste un, de temps en temps.

- Allez, arrête ça. Tiens, je sais qu'on aime le chewing-gum, tu en veux ?

- Non merci, maintenant, enfin après, je préfère les tic-tac.

- Ce n'était pas un calembour j'espère ?

- Mais non, mais non, tu vois le mal partout.

- Je ne sais pas si je vais la construire cette machine tout compte fait.

- Comme tu veux, tu sais.

- Tu ne risquerais pas de disparaître, ou un truc du genre ?

- Comme se voir nous deux devrait causer un paradoxe ? Tu sais les voyages dans le temps, les règles sont inconnues ou même inexistantes. Le temps est peut-être séparé ou simultané. Ce qui fait que je suis indépendant. Un électron libre, sans attache à aucune époque. En voyageant jusqu'à toi, j'ai coupé la continuité. Je suis libre. Regarde.

- Mais qu'est-ce.

Et sur son visage apparue un cratère rouge.

- Il est mort. Je n'ai pas disparu. Je crois que ça suffit. J'ai déjà fait le test assez de fois. Expérimentons de nouvelles choses. Sans remords, je n'ai pas le temps pour ça.