Paris

Fanny Finet

Paris. Le pont des arts. Le reflet de la lune sur les bords de la Seine. Il fait froid. C'est grisant d'être jeune et de vivre ici. Les mitaines d'Élise attrapent la bouteille de champagne, le précieux liquide mousse et déborde sur sa joue, dans son cou. Elle rit. Elle y croit. À cette vie. À ces bohèmes. David sort sa guitare, il fait froid, difficile de remuer les doigts sur les cordes. Sophie chante Piaf. David embrasse Élise, pétillante comme le champagne, sucrée. Puis cet homme passe, l'œil éteint, il pousse un caddie débordant d'objets abîmés, un peu comme lui. Son regard s'attarde sur Élise, qui renverse sa tête en avant. Son sang se glace. Elle ne rit plus. Il ne fait pas partie du décor. Elle lui en veut, de tout son être. À cette seconde, là, précisément. Il gâche tout et il le sait. Elle veut lui crier de partir, d'étaler sa misère ailleurs, parce qu'elle est jeune, belle et que ce lieu lui appartient. Pourquoi ressent-elle cette culpabilité qui l'étrangle? Les mots restent coincés dans sa gorge. Elle a envie de pleurer parce qu'elle a compris. Lentement, l'homme enjambe la rampe du pont. Elle est seule à le voir malgré tout ce monde qui est là, buvant chantant, s'ignorant. L'homme est un animal social. Quelle ironie… le refrain s'insinue dans son esprit : « Emportés par la foule qui nous traîne, nous entraîne, écrasés l'un contre l'autre…. » L'homme jette un dernier regard vers Élise tétanisée et saute du pont. Il fait froid, le reflet de la lune frémit et s'élargit.

Elle y croyait.

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