Paris, le 14 juillet (version face, suite et fin)
Fionavanessabis
Paris, le 14 juillet
Cher Augustin,
Ce matin la répétition était finie avant midi. Les musiciens pourront prendre part au jour de fête nationale. Je suis rentrée directement à l'hôtel en taxi. J'ai appelé votre cousin, Henri. Il a dit qu'il appellerait un avocat pour vous. Il m'a aussi expliqué pour le commerce des animaux. J'aurais préféré que vous me le disiez vous.
Merci d'être venu m'écouter jouer. Je ne sais pas comment c'est possible, que la police vous trouve au théâtre. Ils vous suivaient ? Peut-être nous verrons-nous prochainement, et peut-être me direz-vous si vous avez aimé. Enfin le plus important c'est qu'on ne vous fait pas mal, qu'on vous nourrit, que vous n'avez pas froid. Henri donnera cette lettre à l'avocat pour vous. Je ne pus m'empêcher de vous imaginer trembler dans votre veste, cette nuit, sur le sol en béton. Dear you. Répondez-moi, dites comment vous allez. Et faites-moi plaisir, ne me cachez plus rien. Henri m'a dit qu'on ne pourrait vous voir pour le moment. Il sort de l'hôpital samedi. J'irai le chercher. Je me dépêche de finir la lettre. S'il vous plaît, répondez vite, je m'inquiète pour vous. Et dites-nous si nous pouvons faire quelque chose. Permettez-moi de vous embrasser. Tendrement,
Votre Alice, libre pour deux.
Paris, le 15 juillet
Sweet Alice,
Oui je vous permets de m'embrasser. J'en serais très heureux, si c'était vrai que vous pouviez poser vos lèvres sur les miennes. Je mange et je n'ai pas froid, petite mère ! Dites à Henri d'aller chez moi, autant qu'il voudra rester. Il a la clef.
Pardon, Alice, pardonnez-moi de vous avoir caché la nature de mon activité. Je le cache à tous depuis de si longues années. Vous me voyez tout déconfit. Que vous m'écriviez me laisse espérer que vous m'avez déjà peut-être un peu pardonné. Nous avons à peine fait connaissance, Alice, et je songe à vous. A tout ce que j'aimerais encore vous dire, une fois libéré. A votre silhouette gracile, à votre teint, mon Albion, à votre quarantaine épanouie. La musique vous sourit. Entre ces quatre murs, j'attends qu'on prépare mon procès ; l'avocat dit que c'est mieux de plaider coupable. Entre ces murs, j'ai tout le temps de songer à ce que vous m'avez confié de votre vie à Bristol, de votre passion pour la grande musique, et tout le temps aussi de repasser dans ma mémoire la moindre de vos courbes, depuis celle de votre bouche à celle de votre nuque, en passant il est vrai par ces quelques courbes plus bas que j'imagine dans leur blancheur. Mon Anglaise chérie, vous non plus, ne me laissez pas sans nouvelles. Vous aussi, permettez-moi de vous embrasser. Votre sourire. Vos pommettes. Votre tendre cou. Sur chaque courbe de ma Britannique, un baiser de votre Français. On each of your curves, honey, one long kiss.
Love from Augustin
Paris, le 16 juillet
Augustin,
Votre lettre est en avance sur vous, je l'ai embrassée. Henri m'emmène demain vous voir. Oh ! le plaisir de vous écrire, à demain, dear sweet man.
Je vais travailler mon Adagio assai, longuement, pour que demain arrive plus vite. C'est ce mouvement maintenant qui me fait penser à vous, car toutes ces journées où je le répète, je m'imagine que vous êtes là, tout près.
Remember me. Love from Alice.
Paris, le 17 juillet
Alice chérie,
Il est tard. Votre visite aujourd'hui me tient encore éveillé. Votre beau sourire est photographié à présent dans mon esprit.
Your magical curves, dear.
I have asked, there is no piano in this prison. Too bad.
When I get out of here, I won't give you a second to look down at your feet and be shy with me. Let my Gaulness display for your British spirit a wide range of what audacity may feel like. And you may, in exchange, invite me to watch you play that Island breeze and to accustom my palate to all your exotic delicacies.
But when I get out of this rathole, will you still want me near you ?
I am done with animals, obviously. It's a brand new man coming out of here for you, honey. All yours.
Just wait and see.
Augustin
[traduction de l'anglais d'Augustin :
Tes courbes magiques.
J'ai demandé, chérie. Il n'y a pas de piano dans cette prison. Trop dommage.
Quand je sors d'ici, je ne te donne pas une chance de poser les yeux par terre et de faire ta timide avec moi. Laisse la Gaule en moi exposer à ton esprit britannique un large éventail de mon audace, que tu y goûtes. Et tu pourras, en échange, m'inviter à te regarder faire jouer cette brise insulaire, et à me faire le palais à tes exotiques délicatesses.
Mais quand je sortirai de ce trou à rats, me voudras-tu encore près de toi ?
J'en ai fini avec les animaux, de toute évidence. C'est un homme flambant neuf qui va sortir d'ici, ma douce, et venir à vous. Tout à vous. Attendez seulement de voir.]
Et toi, ami lecteur, si tu es arrivé jusqu'ici, attends de lire : l'épilogue.