Paris, le 14 juillet (version pile)

ententecordiale

partie numéro 10.

Ce matin-là, la répétition s'était achevée avant midi. Afin de permettre aux musiciens de prendre part au jour de fête nationale. Alice était curieuse de voir si cela ressemblait aux parades organisées pour la Reine, lors de ses divers déplacements officiels. Mais ses joues avaient pris une teinte vermillon. Augustin lui avait tendu le bras, afin que la foule ne la happe pas. Par prudence, elle avait enfilé ses meilleures bottines, la malédiction des talons lui avait déjà subtilisé trois de ses  talons de chaussures. Cela lui donna un pas aisé, elle trottinait à ses côtés, emballée d'être à son bras. Lui déployait des trésors de flegme que n'eût pas renié un Anglo-saxon, pointant son attention vers les bonnets phrygiens arborés par un groupe qui défilait, l'aiguillant hors des aléas du trottoir, mais au fond de lui, remué par son insulaire toute en cheveux et en senteurs excitantes. Alice lui posait des questions sur la Révolution française, mais la musique militaire rendait la conversation impossible. Ils eurent tôt fait de prendre la tangente.  Maintenant,  dans la rue qui remontait vers des immeubles tout haussmanniens, il avait tout le loisir de profiter de sa vue sans risquer d'être bousculés.  Il  n'avait pas remarqué jusqu'alors qu'elle se tenait très droite. Le tissu de sa jupe produisait toute une variation de sons contre ses cuisses et ses hanches qui agaçait son imagination. Son cou tournait à peine un quart-de-tour tous les quelques pas, elle rencontrait son regard, toujours pour lui poser une nouvelle question. Se jetait-elle à l'eau ? Elle écoutait sa réponse, le sourire aux lèvres. Et lui humait  le parfum de sa peau, de ses cheveux ; elle avait découvert ses bras et sa gorge et il n'était pas sûr que le temps y fût pour quelque chose. Ils tombèrent d'accord  d'aller loin des festivités et il la conduisit jusqu'à  l'ancienne voie ferrée, au Jardin de la Petite Ceinture, où ils purent enfin déambuler tout leur saoûl.

Lorsqu'Alice réitéra la question sur sa profession, il marqua une pause.

« Seriez-vous  choquée de la vérité ? Pour tout vous dire, je couvre ma profession de faux-semblants pour les autres. Car le commerce que je mène est répréhensible par la loi. Me planterez-vous-là si je vous explique ? »

  Elle ne tressaillit pas. C'était de bonne augure. Il ne tenta pas de l'embrasser à ce moment-là, mais il en eut envie. Il ne dit quand même pas pourquoi il importait des animaux exotiques. Une étape après l'autre. Elle voulut les voir et ils s'étaient retrouvés dans son dépôt, entre les singes, les koalas et les iguanes. Après lui avoir fait caresser les koalas, le chow-chow, le panda roux, il n'avait su se retenir de lui caresser les cheveux. Ils s'étaient embrassés, ils avaient cherché le bureau et son fauteuil, et s'en étaient arrangés. Il l'avait vue s'animer  de rose aux joues et dans le cou, il avait senti son souffle se raréfier quand il lui avait embrassé les seins, elle s'était coulée contre lui quand il lui avait délicatement relevé sa jupe et elle avait suivi de ses lèvres la sueur qui naissait de lui. Ils avaient fait connaissance en grand, et la nuit s'était avancée lorsqu'ils remirent le nez dehors. L'heure du feu d'artifice était passée.

A la réception de son hôtel, Alice  demanda une plaque à mettre sur la porte « do not disturb »[ne pas déranger], à l'intention de sa cousine. Dans l'ascenseur, elle  lança ses bottines et passa la main sous la chemise du Français, tout en l'embrassant. Il lui  chuchota ses intentions à l'oreille, caressa la croupe, elle rit, le toisa du regard, lui dit, « d'accord ! »

Le lit d'Alice leur avait tendu les bras.

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