Pen - Chapitre Final

Julie Vautier

Arthur décide de faire appel à un tueur à gages pour éliminer l'assassin de sa femme. Arthur n'avait pas prévu que son tueur à gages serait une gamine de dix-huit ans.

Je roulais sans doute trop vite.

Je ne me souviens plus.

La pluie.

La peur.

La rage, les larmes.

Je me souviens de ça.

Pas de ma vitesse.

 

Je n'y pensais pas.

A ma vitesse.

Je pensais à tout, sauf à ça.

Je pleurais aussi.

Je pensais à Jim.

A ses larmes à lui.

A ses grands yeux verts.

Ses petites voitures.

J'y pensais.

Sans cesse.

 

J'avais volé une voiture dans une rue.

Une discrète.

J'avais roulé près de deux heures.

Une vieille cassette de country.

Son proprio l'avait oubliée.

Je l'ai écoutée.

De loin.

Je n'aimais pas la country.

Mes parents aimaient.

 

Le paysage défilait.

Des arbres.

Des voitures.

Des gens heureux dans ces voitures.

Ils partaient sûrement en week-end.

Les Hampton.

Peut-être.

Ça m'a fait sourire.

J'aurais pu aller dans les Hampton.

La vie en a décidé autrement.

 

Les premiers panneaux de l'état de New York.

La liberté.

J'ai peut-être accéléré à leur vue.

Je ne me souviens plus.

Mais je me souviens l'avoir senti.

Le parfum de la mort.

Je l'ai senti.

 

Le pneu brûlé.

Le sang.

L'asphalte.

Les pivoines aussi.

Ça sentait les pivoines.

Ou les roses.

Je n'ai jamais su faire la différence.

 

La vie en a toujours décidé autrement pour moi.

Elle m'avait donné le goût des études.

Et m'a empêchée d'en faire.

Elle m'avait fait détester la violence.

Je suis devenue tueuse à gages.

Ironie du sort.

C'est ce qu'on devait lire sur mon front, je pense.

 

Mais, surtout, elle m'a empêché de connaître la joie d'avoir une famille.

Une vraie.

Pas une bande de cons.

Elle m'a donné une famille de merde.

Et a décidé que je mourrais le jour de Noël.

Ironie du sort.

C'est ce qu'on écrira sur ma tombe.

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