Pen - Chapitre Onze

Julie Vautier

Arthur décide de faire appel à un tueur à gages pour éliminer l'assassin de sa femme. Arthur n'avait pas prévu que son tueur à gages serait une gamine de dix-huit ans.

Elle s'est assise. Elle s'est accoudée à la table. Elle a regardé les billets éparpillés dans l'appartement. Je l'ai observée en silence. J'étais encore un peu sous le choc. Barbara et moi, nous ne nous disputions jamais. Nous étions toujours sur la même longueur d'ondes. Je ne sais pas ce que c'est, une dispute. Je viens de le découvrir.

Pen a ramassé un billet et l'a laissé retomber. Elle l'a regardé voler, les yeux vides. L'enveloppe gît non loin de là. J'ai posé ma main sur son bras. Elle ne m'a pas repoussé. Elle était redevenue la gamine paumée. Elle avait de nouveau dix-huit ans à peine et une enfance à rattraper.

-          C'est pour mon frère.

Je l'ai regardée, abasourdi. Je n'avais jamais imaginé que Pen puisse avoir un frère. Je n'avais jamais imaginé que Pen puisse une famille ou des amis. Je n'ai pas posé de question. Elle était disposée à parler. Je ne voulais pas la brusquer. Je l'ai laissée parler à son rythme.

Le froid glacial de ses yeux a laissé place à la candeur. L'innocence. Elle paraissait si jeune. Elle s'est tordu les doigts. Elle en avait trop dit, ou pas assez. Elle ne pouvait plus s'arrêter. Il fallait qu'elle parle. Elle m'a regardé droit dans les yeux.

-          Il est autiste. Il vit dans un centre spécialisé, à une heure d'ici. Il y est heureux. Enfin, je crois.

Elle a esquissé un sourire. Un vrai sourire. Celui de l'amour. Elle pensait à son frère. Je n'ai toujours rien dit.

-          Il a six ans de plus que moi mais c'est lui qui a besoin de moi.

Elle a de nouveau souri. De tristesse, cette fois. J'ai désigné les billets de la main. Elle m'a répondu qu'il y avait cinq mille dollars sur le sol de mon appartement. Je lui ai demandé à quoi ils servaient.

-          C'est le centre qui compte cher. Cinq mille dollars le mois.

Je lui ai demandé pourquoi ses parents ne l'aidaient pas financièrement. Elle s'est raidi. Je me suis tu. J'avais touché un point sensible. Je n'ai rien ajouté concernant ce sujet. Je me suis mis à genoux et j'ai commencé à ramasser les billets. Elle m'a suivi.

-          Je vais le voir tous les jeudis.

Elle m'a proposé de le rencontrer. Je l'ai regardée, ébahi. Dix minutes plus tôt, Pen nettoyait son flingue. Maintenant, elle se confiait à moi. Que s'était-il passé entre les deux ? Je me suis longtemps posé cette question. J'ai fini par conclure qu'il n'y avait pas de réponse. Juste un besoin vital de parler. De ne plus être seul. Nous étions deux êtres seuls, elle et moi. Nos solitudes s'entendaient bien, visiblement.

La semaine suivante, Pen a tué un autre type du gang. Killian quelque chose. C'était un nom irlandais, genre O'Bidule ou McTruc. Quelque chose dans ce goût-là. Deux cents autres dollars ont quitté mon compte en banque. Compte qui commençait sérieusement à faire la gueule.

Les journées étaient longues pour moi. J'avais envie de sortir. J'avais peur de sortir. Parfois, je prenais l'air à la fenêtre. Puis je flippais. Je flippais de prendre une balle perdue. Alors, je refermais la fenêtre et je m'affalais sur mon canapé. J'errais entre les chaînes télévisées. J'avais le regard vide. Je devenais parano. Je sursautais à chaque bruit de pas. A chaque klaxon dehors. A chaque goutte de pluie qui s'écrasait sur mes vitres.

Un soir, Pen m'a apporté un DVD. Elle l'avait loué avant de rentrer. Elle voyait que je m'ennuyais. J'étais perplexe en lisant le titre. Elle m'a assuré qu'il était chouette. Elle l'avait adoré. Elle a aussi ajouté qu'elle n'était pas une référence en la matière. Je lui ai dit que moi non plus. L'experte, c'était Barbara.

Nous avons regardé le film ensemble. Moi sur le canapé, elle assise à même le sol. Elle n'a pas voulu du canapé. Elle s'est enroulée dans un plaid et s'est blottie contre le canapé. Je me suis assis en tailleur. Nous avons regardé le film en silence. Parfois, nous avons ri. Pas pour les mêmes choses. Mais, au moins, nous avons ri. J'ai entendu Pen rire. Je me suis entendu rire. J'avais oublié comme j'aimais rire.

Barbara avait beaucoup d'humour. Elle me faisait rire. Elle pratiquait tous les humours. L'humour noir, l'humour absurde. Les jeux de mots. Le comique de situation, le burlesque. Tous les humours lui allaient. Elle était belle quand elle riait. Ses yeux s'illuminaient. Ses joues rosissaient. Elle était belle, ma femme. Oui, elle était belle.

J'ai soupiré. Pen m'a entendu. Elle n'a rien dit, mais j'ai vu qu'elle m'avait entendu. Nous avons terminé le film. J'ai reconnu qu'il était chouette. Je suis allé dormir. Pen est restée dans le salon pour travailler.

-          Tu travailles trop.

Elle a levé le nez de l'ordinateur et de ses dossiers pour me regarder.

-          La faute à qui ?

Elle m'a fixé. Sans méchanceté. Un léger sourire s'est dessiné sur ses lèvres. J'ai hoché la tête et je suis parti me coucher. Vingt minutes plus tard, la lumière du salon s'est éteinte. J'ai attendu. J'ai écouté. Pen a fait dix pas avant de s'installer dans le canapé. Elle a allumé une petite lampe. A lu quelques pages d'un magazine. Elle a éteint la lumière. J'ai hoché la tête et me suis endormi.

Je n'aime pas dormir. Je n'ai jamais aimé ça. Dormir, c'est du temps perdu. Du temps en moins pour travailler, apprendre, aimer. C'est du temps que l'on passe à rêver de choses insensées. Moi, je ne rêve pas. Du moins, je ne me souviens pas de mes rêves. Ils ne doivent pas être si importants que ça.

Depuis la mort de Barbara, je dors peu. A peine quatre ou cinq heures par nuit. Depuis sa mort, je rêve. Non, je ne rêve pas. Je cauchemarde. J'ai peur quand je dors. Quand je me réveille, j'ai encore le goût de la peur sur mes lèvres. Alors, j'essaie de moins dormir. Moins dormir pour avoir moins peur. C'est un calcul logique.

Cette nuit-là, j'ai rêvé.

  • Je ^pense qie j'ai lu là mais en fait je n'ai pas lu cela, seulement , le jeu , foo' ms from msngr 2 | _ ° | ° _ | $

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Le cosmoschtroumpf

    lorenlorant

  • Toujours très bon. Cependant, je trouve qu'ils se lient bien vite

    · Il y a plus de 7 ans ·
    49967 4832e34b8ef74d58bc32

    bartleby

    • Merci. Je n'ai jamais expérimenté leur situation, mais j'ai l'impression que quand on est aussi seul qu'ils le sont, on a besoin de parler et d'avoir quelqu'un sur qui compter. Après, chaque personne est différente et chaque personne accorde sa confiance à une vitesse différente :)

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Julie vautier profil

      Julie Vautier

  • J'aime la complexité/simplicité des personnages.

    · Il y a plus de 7 ans ·
    Black

    le-droit-dhauteur

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