Péquenots d'infortune
Jean Claude Blanc
Péquenots d'infortune
Semaine des exploitants (és), comme chaque année la foire
Les bobos s'y invitent, cette fois pas avares
Gratos même l'entrée, à manger et à boire
Natif de la cambrousse, peux que m'en faire une gloire
Hélas infortuné pas le fruit du hasard
Voudrais remonter le temps de notre illustre terroir
Mais comme chacun sait, on ne refait pas l'Histoire
Car se désertifie de la France son territoire
Plus un sou dans la poche, les jeunes tâcherons se barrent
Vendant leur production, pour une somme dérisoire
Se moquent de la prime, compensant leurs déboires
Qui pour les retenir, l'Etat se montre bonne poire
A la dilapider, l'espèce se fait rare
Pour se régénérer a perdu tout espoir
Les chalands se suffisent de denrées illusoires
Importées, mazoutées, d'Asie, d'Afrique noire
Combien même à peine mûres se bazardent dare-dare
Au diable les engrais, les sulfates polluants
Passée cette coutume de péquenots d'antan
Qui fumaient de purin consciencieusement
Leurs prairies plantureuses, de maïs, de froment
De nos jours le grand cri, fameuse consommation
Sévère la concurrence, entre toutes les nations
L'Europe encore elle, aimerait faire l'union
Mais à la condition, le doigt sur le pantalon
Accepter son diktat, identique horizon
Longue vue, perte de vue, la grande illusion
Egalité pour tous, sauf pour le pognon
Tentant nous endormir, déjà renonce au franc
Alors s'y conforment, les naïfs paysans
Même s'ils n'y gagnent guère, leur sol en dépend
Faisant pousser de force, hélas pas de pois gourmands
Que des bourgeons daubés, qui croissent en un instant
A préférer jadis, les orties, le chiendent
Au sommet de nos montagnes, survivent ces manants
Sans faire des extras, lucides cependant
Elèvent vaillamment, génisses à l'écurie
Se suffisant de peu, de chèvres, de brebis
Mais sans se prévaloir, d'écolos convertis
La preuve, débarquent de loin, partisans de la nature
Au-delà de la bise, et de son air si pur
Leur achète leur beurre et le fromage qui pue
(Qui n'a tué personne, à 100 ans parvenus)
Juste s'en régaler, s'en mettre plein la figure
Certes braves bouseux, pas jovial leur futur
Tant d'efforts consentis, bien mal récompensés
Toujours ce sacré fric, pas cher monnayés
Jambons et saucissons, chèvretons, et le lait
Pourtant si délicieux, vendus à bon marché
Mais pas autorisé, pratiquer libre-échange
Car on doit se méfier, de tout ce que l'on mange
Faut respecter les normes de la communauté
Qu'avale ce qui se présente, sans saveur au goûté
Mais s'en régalerait de ces cochons saignés
Dans la cour de la ferme, dès le mois de février
En ruine nos campagnes au profit des cités
On ne va pas s'en plaindre, entre nous culs terreux
S'arrangeant d'un bout de lard, qui sèche au charnier
A s'en remplir la panse, replets et bienheureux
Hélas l'agriculture, devenue vaste entreprise
Elevage en batterie, oies, dindes et poulets
Nourris aux granulés, sera pas une surprise
(Peut-être par miracle, vont pondre des œufs carrés
Faciles à empiler et à empaqueter)
Mais de trop en gober, on est sûr d'en crever
Pas la faute au pédzouille, qu'a quelques arpents en friche
Juste de quoi bouffer, des carottes, des pois chiches
Ne perdent pas le nord, patrons des grandes surfaces
Mousquetaires « super eus », on casque bon public
Viennent s'approvisionner pour une somme modique
Pour le coup ces rusés trouvent plus ça dégueulasse
Tellement cassés les prix, y'a foule en leur boutique
Tandis que loqueteux, ces croquants en fermage
Plastronnent en vitrine, de la pub pour pas riches
Fauchés s'y précipitent, comptant leurs avantages
Je n'envie pas leur sort, car ce n'est pas très drôle
Pour eux jamais en paix, après les vaches folles
Ce ramène l'autre pingouin, du Crédit Agricole
Pour un petit emprunt, facile à rembourser
Se payer un tracteur, qui marche au pétrole
Sachant que l'autre pèlerin n'a pas le moindre blé
Fatal résultat, suicidé dans l'année
Pour ces banquiers d'affaires, la vie ne compte guère
Qu'importe la misère, de ces près en jachère
Fondent sur le porte-monnaie, des plus désargentés
Quitte à saisir l'huissier, s'ils ne peuvent pas rembourser
Leur baraque, leurs porcs, et leurs chères couvées
Autre ambiance capitale, où c'est vraiment la joie
Y est resté 12 heures, planté le chef d'Etat
Exposition de bestioles, à Paris quel gala
Même que les médias, en ont fait leurs choux gras
Pour ce jeune freluquet, tu parles d'un exploit
Mais ne sera pas dit, absent ce gazier là
Qu'a osé affronter, ces féroces syndicats
Les mettre dans sa manche, pas certain les rouler
Bien qu'il ait caressé, moutons et agnelets
Ses douces fausses promesses, pour l'instant sans danger
Tandis qu'il trinque sans frais, avec ces cons sacrés
Lendemain maux de tête, tous vont manifester
Mal considérés, pour en avoir sué
Certes noble Président, pour qui on a voté
Peu expérimenté, n'étant pas du métier
Déjà dresser son clebs, une dure corvée
Qui réclame sa gamelle, en sa niche du palais
Rantanplan de retour, Luke Manuel son berger
Brigitte sa maitresse, qui va le faire pisser
Enfin débarrassé, de cette sotte sauterie
Au propre au figuré, ne s'est pas trop sali
De retour pas mécontent rejoindre sa mamie
Par contre un peu vexé, passablement aigri
Pas été encensé, couvert de flatteries
Aucun de ces ronds de jambe, dans un patois fleuri
De la part de ces bougnas, fiers de leur patrie
Qui dansent la bourrée, devant leur buffet garni
D'une ignorance crasse, en leur lointain pays
Auront ce qu'ils méritent, ces bandes de malappris
Rester au cul des vaches, broutant dans le maquis
A ne pas déranger, sinon sortent le fusil
Mais n'en a rien à braire, pas âne, simple d'esprit
Sachant faire disparaitre, l'ivraie comme par magie
Sortant de son chapeau, le bon gain, ce génie
Ne s'étant pas enivré de vin jusqu'à la lie
Car il a en soupé de ces grossiers pas cuits
Ce qu'il a eu du courage, ce Manuel verni
A toutes ces bêtes à corne, a osé tâter le pis
D'autant qu'il a des couilles pour faire des folies
Attaché à sa crèche, sa belle dame le prie
De quitter son pourpoint, la niquer dans le lit
Pourquoi cette galère, caresser ces brebis
Qui a duré des plombes, écoutant leurs soucis
Ces démoulés à chaud, hélas pas finis
Où faut les agiter, comme pulpe d'oasis
Qui colle au cerveau, leur porte préjudice
Pas près de leur rejouer, Monsieur les bons offices
Pas velus, ni de poils, ça glisse sur sa peau lisse
Après cette satire, de rurales sornettes
N'apporte que mon témoignage, de serpent à sonnette
J'en use et en abuse, jouer les troubles fête
Pour ceux qui sans se l‘avouer, en ont ras la casquette
Les piquer de mes vers, détiens ma botte secrète
Contre les cornichons, je fonce bille en tête
Leur dresse le portrait, pourvu que ça en jette
Que ça résiste au temps, j'espère à perpète
D'ailleurs sans privent pas les fondus d'internet
En for mon intérieur, la conscience satisfaite
Regagne mes sommets, où là-haut je végète
J'y ai trouvé mon nid, m'y cache en retraite
Y'a bon de ces oiseaux en pâté d'alouette
Pourtant j'ai enquêté, dans mon coin je furète
Je n'ai pas pu dégoter, le moindre pique assiette
Que des pigeons ramiers, perchés sur ma fenêtre
De bonne compagnie, qui chantent à tue-tête
Vedettes en leur genre, bécasses pipelettes
Annonçant la croissance, se gelant les roupettes
Bien trop la mort au bec, la queue plus en trompette
Bilan peu concluant, que bons pour faire la quête
Péquenots d'infortune, plus aucune recette
Que de les soutenir, logique, ça se respecte
Paysan dans le cœur ainsi que mes ancêtres
Fana de calembours, pour épater mes maitres
Les habillais ces Etres, « vêtus de pauvres bêtes »
Bien loin m'imaginer, la peau couverte de dettes JC Blanc février 2018