Perte et Tracas
Etienne Bou
La douleur s'est primitivement faite ressentir au creux de mes entrailles. Tel un scalpel lancinant se dérobant sous ma chair. Tout d'abord par à-coups, par vibrations, par sensations de diverses pulsions à base d'émotion. J'étais le docteur maboule sous les ficelles de ses envies. Clignant de l'œil au rythme de sa maladresse. Puis, pas à pas la sentir sournoisement sinuer dans mes veines, capter mes peines et en laisser jaillir le spleen en pleine effusion dantesque.
En un quart de sang j'ai enduré l'écart au temps. Celui-ci s'est fait maître à la table de mes maux puis à dévorer chaque soupçon de mes mots. Aphone, confiné dans mon mal-être, la solitude a alors tenté de condamner mon quotidien. D'étouffer chacune de mes pensées, d'étrangler mes idées, de terrasser mes espoirs et d'annihiler mes futures histoires.
Comme une addiction non rassasiée, le manque m'a tout d'abord submergé. La perte de ton être m'a fait petit à petit disparaître, tu auras été l'hémorragie à mon cœur sans vie.
La chute fut difficile, une dégénérescence branlante où l'on se cogne et où l'on trébuche à chaque souvenirs. On laisse le deuil nous égarer, nos sourires sont dès lors sinistrés, une chirurgie à la décadence de l'aimé.
J'ai tenté de soigner le manque par l'envie, par le gout, par la délivrance du tout. Mais indéniablement tu étais l'anticorps à ma tristesse.
Tu étais mon amour, tu étais mon frère, tu étais ma mère, tu étais mon fils, tu étais et ne sera plus que l'étendard du regret.
Si et seulement si, encore, tu étais.
Alors le jour conterait encore tes histoires, j'en serais l'acteur et non le lecteur.
Mais je me soignerai, un traitement sans médicaments, simplement à base de temps.
De toute façon, tu ne me quitteras pas, pas tant que j'écrirais, tant que je me souviendrais, tant qu'eux n'oublieront pas qu'avant, tu étais là.