Petite Nymphe
petit-scarabee
Une petite bouche gourmande, des lèvres un peu épaisses, le nez trop menu, le sourire coquin et quelque peu narquois ; un peu joufflue comme tous les enfants de son âge ; les yeux trop grands, prêts à engloutir l'immensité du monde, arrondis, noisettes ; elle a ce regard pétillant qui vous détaille sans la moindre gêne.
Sa petite tête ronde, grouillante d'idées, toujours, aux sourcils relevés, au front haut, à la chevelure tressée et plaquée est sans doute à la recherche d'une nouvelle farce à vous jouer.
Elle a les bras tendus et de ses minuscules doigts, déjà agiles, elle vous invite à jouer avec elle.
Vêtue d'une simple culotte et avec un coquet cordon de cuir en peau de chèvre noué à sa taille, son petit corps potelé, dodu encore de bébé se roule dans le sable chaud de la cour.
Ses jambes courtes s'agitent dans tous les sens comme si elle dansait une danse improvisée rythmée, saccadée.
A ses chevilles, de petites perles s'entrechoquent à chacun de ses mouvements, ce qui semble fortement l'amuser. Quant à ses petits pieds, de jolis, fins et gracieux arabesques sont dessinés au henné noir. Tout son être n'est que joie et insouciance. Tout son corps n'est que vie et innocence. Il vous donne envie de vous joindre à elle dans cette danse, de vous rouler à votre tour dans ce sable chaud de cette cour non loin du désert saharien.
« Regarde, regarde donc ! » pointe-t-elle du doigt les nuages noirs dans le ciel. « Le ciel se pleure, le ciel se pleure ! » crie-t-elle en s'esclaffant. Elle se tait soudain surprise, stupéfaite par le phénomène en train de se produire autour d'elle. Le vent se lève, souffle son air chaud chargé de ces odeurs d'épices qui séchaient non loin de là sur une natte tressée de paille. Le vent se lève et soulève le sable alentour transformant l'atmosphère. Le décor de la cour change, se charge d'une couleur teintée jaune, orangée. On croirait rêver, on croirait rêver le tableau de cette cour tout droit sorti d'un univers merveilleux. On se précipite pour ranger les épices. Animaux et hommes se pressent d'aller s'abriter. Toi, au contraire, tu reprends de plus belle ta danse, tu joues avec le vent, le vent joue avec toi. Tous deux vous semblez défier les lois du réel. Puis brusquement une goutte vient frapper le sol, le tâche, l'éclabousse et dans sa chute soulève une volute de fumée. Et puis une autre, non loin de là, ne tarde pas à son tour à s'écraser sur le sable. Puis cette goutte est bientôt suivie par des centaines puis des milliers d'autres. Elles frappent, tapent, battent ce sol chaud encore de tant de mois de canicule.
« Vas-tu rentrer enfin ?! Tu vas tomber malade ! Rentre je te dis ! » Tu ne réponds pas, bien sûr. Tu me fixes de tes yeux moqueurs, tires la langue et t'encoures au loin plongeant dans les flaques boueuses, frappant de tes pieds la terre, poussant tes cris si aigus, si gais comme pour défier le vacarme du tonnerre. « Le ciel se pleure ! Le ciel se pleure ! » chantonnes-tu en continuant ta sarabande. Je te regarde amusée, petit être, petite naïade, petite force de la nature. Je te laisse là, immortelle, gravée à jamais dans mes souvenirs de nos temps heureux, dans cette cour, dans ce sable, sous ce déluge d'euphorie. Dans la cour familiale de la maison : ma petite sœur.