Petite réflexion sur l'amour

Claire Arbogast

Quand peut-on se dire amoureux? Une question qui revient me tarauder de temps à autre.

Ces derniers temps, j'entends tout le monde autour de moi se dire "amoureux".

Je suis "amoureux", "amoureuse", c'est "l'homme de ma vie", c'est "la femme de ma vie", "toujours"...

Souvent en très peu de temps. Au bout d'un jour même, ce qui m'a plongé dans un océan de perplexité...

Et alors on a un peu l'impression que l'amour est un mot galvaudé, qu'il se vend aux plus offrants, qu'il n'est qu'une case qu'on cherche à cocher, qu'il n'est qu'un film déjà écrit dont on cherche l'acteur principal. Comme si dans le fond cette course à "l'amour" n'avait d'autre but que réunir deux solitudes.

Cependant je pense qu'on peut dire "je t'aime" avec sincérité, sans attendre, c'est une manière de dire "j'aime ton regard, j'aime ta voix, j'aime ton rire, j'aime ton corps, ton odeur, j'aime la manière dont tu me touches, j'aime ta présence, j'aime être près de toi, j'aime ce que tu fais, j'aime ce que tu dis, j'aime ce que tu aimes, j'aime ce que tu es". Mais est-ce que cela signifie que l'on est amoureux ? Finalement, il n'y a pas vraiment de dimension romantique dans tout cela.

Quand est-ce que la fascination se transforme en véritable amour ?

N'est-ce pas quand l'on peut passer au delà de l'image magnifiée que l'on a de quelqu'un pour accepter, voire apprécier ses côtés les plus sombres? Ce qu'il ne montrera à personne d'autre, ça ira des petits défauts irritants qu'il sait si bien cacher en société, aux secrets inavouables qu'il vous confiera malgré tout.

Quand la honte et les craintes s'évanouissent, quand l'autre devient un partenaire pour de bon, un partenaire avec qui affronter plus sereinement la vie, les autres, l'ennui, le vide, la déchéance, la peur, la mort...

Pas forcément jusqu'à la fin d'ailleurs, peut-être pour un temps seulement, parce que c'était le moment, parce qu'on avait une leçon à apprendre ensemble, parce qu'on pouvait se soutenir, parce que l'on s'est souciés l'un de l'autre, vraiment.

Quand l'autre n'est plus seulement le reflet de nous-même, l'égo-trip dans lequel on se gargarise.

Est-ce seulement à cet instant qu'on peut se dire "amoureux" ?


Claire Arbogast

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