Petits Bonheurs
plumette
Il était une fois un Viel homme, tranquille, au coeur d’une ville, au milieu des bousculades du métro, des gens écrasés par la foule, des trottoirs bondés, parmi les mines renfrognées des passants pressés de partir au travail. Assis sur un banc, il contemplait la foule les yeux brillants. Très vite, il intriguait et plusieurs personnes le remarquaient. « Tu as vu ? dit un petit garçon à sa mère. Ce Vieil homme a l’air heureux, il sourit ! -Heureux ? Mais non Maël, ce n’est pas possible. Comment peut-on être heureux ? Tu as vu ce temps ? Non tu as dû mal voir, ce doit être un rictus fâcheux ». Trainé par sa mère, le petit garçon regardait encore une fois le Vieil homme par-dessus son épaule. « Je suis sûr que c’est un sourire » , pensait t-il. Maël voulut revoir le Vieil homme à tout prix. Plusieurs jours durant, il retourna près du banc où le Vieil homme s’était assis, dans l’espoir de le revoir, au moins un dernier soir. Mais malheureusement pour lui, le Vieil homme ne revenait pas. Après plusieurs essais, stupéfait, il l’aperçut enfin prés d’un bosquet. Il souriait encore et une fois de plus, Maël fut surpris par ce qu’il faisait. Penché, il détachait un petit bleuet, il versait quelques gouttes d’un liquide argenté puis il le plaçait dans un petit objet, devenu tout de suite violet. « Ce vieil homme est un magicien », pensait Maël. Alors que celui-là s’apprêtait à partir, Maël décida de le suivre. L’ayant attendu plusieurs jours et ayant fait cette étrange découverte, il ne voulait plus jamais le quitter. Aussi il espérait percer son étrange secret. Le vieil homme reprit sa mallette et se dirigea dans un dédale de rues exigües. Maël n’était jamais passé par ces endroits si biscornus. Sa ville natale lui semblait soudainement bien inconnue. Après un périple interminable. Maël se cacha derrière un arbre. Le petit garçon n’en croyait pas ses yeux, Le vieil homme venait d’ouvrir une boutique atypique. « PETITS BONHEURS A L’ETAT PUR » était écrit sur l’enseigne en lettres manuscrites. Toujours aussi intrigué, Maël prit son courage à deux mains et entra à son tour dans la petite échoppe. Il fut rassuré. Le vieil homme installé dans une petite pièce voisine, ne l’avait pas entendu. Maël en profitait pour observer la boutique, et une fois de plus il fut ébahi par ce qu’il trouvait : des fioles, des milliers de fioles étaient entassées sur des étagères, du sol au plafond, des petites, coniques, des grandes, cylindriques, des minuscules, sphériques.. Soudain Maël éternua, Cette fois-ci, le vieil homme l’entendit et sursauta. Il retourna dans la boutique. Surpris, Maël tremblotait. - Eh bien mon petit, n’aie pas peur ! Que fais-tu ici ? - Je….je…, balbutia Maël. Je vous ai vu tout à l’heure dans la rue, et je.. voulais savoir ce que vous faisiez.. -Oh ! Tu es un petit curieux toi ! fit le vieil homme avec un grand sourire, figure-toi que je capturais quelques essences pour remplir l’un de mes précieux flacons. -Mais qu’ y a-t-il donc dans ces flacons ? répondit Maël de plus en plus intrigué. -Des petits morceaux de bonheur riches en couleurs, répondit le vieil homme. Tiens, je vais te montrer. Le vieil homme sortit deux fioles d’une étagère, l’une bleue, l’autre rose. Il ouvrit le petit capuchon de la première, une fumée bleue jaillit, apportant avec elle une importante odeur d’eau de mer, qui emplit alors la pièce toute entière. Et soudain, Maël se retrouva dans les profondeurs de la mer, découvrant avec de grands yeux tout un monde sous-marin, des petits poissons, des algues, des hippocampes, des méduses, des poulpes, mais aussi des coraux, des escargots, des bigorneaux … -C’est beau dit Maël ! Mais très vite, la mer se retransforma en fumée, et le vieil homme se dépêcha de la saisir avant que celle-ci ne s’évapore et disparaisse à jamais. -Ces petits bonheurs ne sont malheureusement pas éternels. Maël de plus en plus curieux, ouvrit la seconde fiole. Cette fois-ci, une immense fumée rose envahit la boutique . De multiples odeurs sucrées se répandirent: parfums de caramel, de bonbons, de réglisse, de senteurs citronnées, vanillées … Maël se retrouvait au sommet d’une montagne de bonbons . -Mmm, que des bonbons rien que pour moi, je suis le roi ! Soudain la porte d’entrée s’ouvrit et le vieil homme s’empressa de nouveau de récupérer la fumée en soufflant dessus. Un homme venait de faire son apparition. C’était Oliver un ancien client et ami du Viel homme. Maël très déçu se mit à bouder de son côté. -Mr Arsène ! fit l’homme d’un air paniqué, il faut que je vous dise une triste nouvelle. Le « comité des têtes grises » qui dirige notre gouvernement depuis plusieurs années veut brûler votre boutique, vous et tous vos flacons. Et ce que je redoute fort, c’est qu’il soit déjà en route ! Maël sortit de sa réserve, tellement surpris de ce qu’il venait d’entendre ! Il venait à peine de rencontrer ce vieil homme qui se trouvait maintenant en danger. -Mais pourquoi ? demanda-t-il . - Selon eux, beaucoup trop de gens ont découvert votre boutique, et maintenant, ils refusent d’aller travailler comme les autres, « tous les jours, tout le jour, toute la nuit » telle est la devise de la ville. -Vite, il ne faut pas perdre de temps ! fit le vieil homme, il faut protéger toutes mes fioles. Mais comment ? répondit Oliver. -J’ai peut être une solution. Le vieil Arsène ouvrit la trappe qui menait au sous-sol et en ressortit les bras chargés de ballons de baudruche. -Nous allons attacher une fiole à chaque ballon, et les jeter dans le ciel. De là-haut, elles seront épargnées des flammes infâmes. Une fois tous gonflés, les ballons furent lâchés dans le ciel . Les couleurs étaient si rayonnantes, flamboyantes dans le ciel si gris, que les habitants enfermés dans leurs bureaux tout petits, se pressaient aux fenêtres pour admirer le paysage. A la découverte des flacons retombés sur terre que certains ouvraient avec délectation, mille douceurs en ressortaient. Surpris par la fumée, les hommes révèrent, s’amusèrent, retrouvèrent leur sourire, leur joie de vivre. Le « comité des têtes grises » ne mit pas longtemps avant de s’apercevoir de la supercherie. Aussi un groupe d’hommes en costume noir se rendit à la boutique où le vieil homme et ses complices ficelaient les derniers ballons sur le toit pourtant pentu de la fameuse boutique. -Halte-là ! Cessez vos sorcelleries ! hurla un des hommes de la troupe en entrant dans la boutique. Où êtes-vous ? Les autres hommes du comité se mirent à brûler les étagères de bois cirées, tandis que d’autres montaient l’escalier, visiblement énervés. Voyant l’agitation, le vieil homme prit le fil qui reliait les milliers de ballons : - Il faut sauter ! - Vous n’allez pas faire ça ! interrompit Maël , une nouvelle fois paniqué. - Ne t’inquiètes pas pour nous, petit ! Il faut que nous partions. Nous nous reverrons peut-être un jour, un beau jour ! - Mais monsieur…. - Nous ne pouvons pas t’amener avec nous, prends l’escalier du jardin par la terrasse et rentre chez toi, cours vite ! ajouta Oliver. Ils s’agrippèrent à une poignée d’une cinquantaine de ballons gonflés et du haut du toit incliné, entendant les manteaux noirs arriver, s’élancèrent en courant dans le ciel immense. Le vent violent emporta les deux hommes très haut dans le ciel. La troupe de costumes noirs se précipita sur le toit, tira avec des fusils sur les ballons gonflés. Certains éclatèrent, les acolytes tourbillonnèrent. Mais Oliver ne perdit pas espoir. En tirant sur deux longues ficelles ,il modifia la trajectoire, et évita les tirs . Très vite, les deux compères montèrent, montèrent dans le ciel, tout là-haut. Ils ne furent bientôt plus qu’un point, un tout petit point vu d’en bas. Les têtes grises qui, grâce aux habitants qu’ils avaient tant fait travailler, avaient récolté beaucoup d’argent, furent très surpris quand ceux-ci les poursuivirent, ayant découvert tous leurs délits et les montagnes d’argent planqué dans leur grand bâtiment. Aussi ils les assaillirent de questions et les mirent en prison. Maël retrouva son chemin, qui lui paru beaucoup moins lointain que ce qu’il avait cru auparavant. Il rejoignit sa mère ,sur la place de la ville, inquiète depuis son départ, mais très heureuse de le revoir. Ce fut avec des larmes de joie que Maël regarda le ciel, une dernière fois. L’histoire ne raconte pas ce que sont devenus le Viel Arsène et son acolyte Oliver, mais une chose est sûre, c’est que le viel Arsène a réussi ce qu’il voulait, redonner du bonheur à cette cité longtemps plongé dans le malheur caché.