PETITS FAITS
franck75
PETITS FAITS
Je vais vous relater pour ma part quelques petits faits saillants qui ont interpellé ma curiosité durant les dernières semaines à Paris.
En juillet tout d'abord, j'ai été le témoin d'une scène étonnante rue de Sèvres devant le Bon Marché. Un petit homme d'une soixantaine d'années à l'aspect banal marche en tenant entre ses mains une cagette de nectarines. Soudain il trébuche et laisse tomber sa marchandise. Une passante qui le croise à cet instant l'aide aussitôt à ramasser les fruits échappés. Précisons pour une meilleure compréhension de l'histoire que la femme est grande, jeune, qu'elle a une plastique irréprochable et une jupe à mi-cuisses. La dernière nectarine remise en place, l'homme se confond en remerciements et comme témoignage ultime de sa gratitude se jette au cou de la belle, un peu surprise, pour lui décocher une bise sur les deux joues. Voilà un homme qui ne perd pas le nord, me dis-je amusé. Mais le roué coquin ne s'arrête pas en si bon chemin. Il saisit fermement par l'épaule la jolie samaritaine, bien que nous trouvant devant le Bon Marché, et plaque ses muqueuses sexagénaires contre la bouche purpurine. Passé un moment d'effroi bien compréhensible, la jeune femme secoue la tête avec vigueur pour se dégager de l'étreinte. C'est un spectacle extraordinaire. On dirait une biche aux prises avec un chien de meute. Les nectarines volent en tous sens. Après quelques secondes interminables, l'homme, enfin, laisse échapper sa proie qui s'éloigne, hébétée, en s'essuyant les lèvres d'un revers de main. Le douteux plaisantin quant à lui replace sans hâte ses précieux auxiliaires dans leur cagette et s'en va en sifflotant, pas peu fier de son bon coup.
Ma seconde petite histoire véridique a pour cadre l'agence commerciale France Telecom de la rue des Archives aujourd'hui fermée pour cause de restructurations. En ce lundi du mois de juin nous sommes une dizaine de clients qui patientons longuement pour notre tour. A son bureau d'accueil une employée ou plutôt une conseillère France Télécom reçoit un coup de fil apparemment privé. Elle a la trentaine voluptueuse, le cheveu blond décoloré et un fond de vulgarité qu'elle dissimule mal sous son aspect apprété. A l'évidence, c'est une bonne copine à elle qui l'appelle et qui lui demande des nouvelles de son week-end. Fantastique, tu ne peux pas t'imaginer, Sylvie, répond l'intéressée, la voix haut perchée, je t'avais dit qu'on devait se revoir avec Gilbert, tu sais le médecin, eh ben justement on avait rendez-vous samedi soir. C'était génial. Il n'est reparti que ce matin. Quoi? je pense bien oui, on n'a pas arrêté de toute la journée, j'en pouvais plus. Il est incroyable... A ce moment la conseillère France Telecom lève les yeux et découvre la mine consternée des clients au fond de la pièce. Elle ajoute, un ton plus bas: Ecoute, Sylvie, je peux pas trop te parler là, on a du monde à l'agence ce matin, il faut quand même que je m'en occupe.
Autre anecdote: il y a une dizaine de jours, j'ai eu l'occasion d'observer de la fenêtre de mon salon les ébats d'un jeune couple dans l'appartement d'en face. Nous étions en fin de journée et la chaleur de l'été était encore très lourde. Quand j'ai compris que les choses prenaient tournure entre les deux protagonistes, je me suis pris une bière au frigo et je me suis replacé derrière ma vitre, attentif à ne rien manquer du tableau. Pourquoi ne tirent-ils pas le rideau? me suis-je quand même demandé. Est-ce l'aveuglement de la passion qui leur fait oublier cette précaution élémentaire ou bien alors serait-ce des exhibitionnistes? Cette dernière hypothèse était bien sûr la plus séduisante, mais aussi la plus probable. Tous deux en effet semblaient maîtres d’eux-mêmes. À plusieurs reprises également, ils avaient regardé dans ma direction sans paraître s'inquiéter de ma présence. Lentement ils se sont déshabillés en pliant avec soin leurs affaires sur un petit meuble puis se sont approchés du lit. C'est le calme avant la tempête, me suis-je dit en me frottant les mains. En fait il n'en a rien été. Le spectacle fut étrange à défaut d'être torride. D'abord tous deux avaient un physique insignifiant, le corps mou, la peau blanchâtre. Je ne sais pas pourquoi, j'ai pensé qu'ils étaient tous les deux fonctionnaires et qu'ils s'étaient connus sur leur lieu de travail. Ils étaient nus, bien sûr, comme souvent on peut l'être en pareille circonstance mais cette nudité avait un aspect maladif. Elle, se tenait allongée sur un côté du lit, les bras pendants, la tête penchée en arrière et lui, debout, la tenait par les jambes pour mener à bien son affaire. De là où je me trouvais, ils semblaient immobiles et leurs mouvements de bassin étaient presque imperceptibles. Si je ne l'avais pas vue animée quelques instants plus tôt j'aurais juré que la fille était une poupée gonflable ou un cadavre. Tout ça n'était guère exaltant. En la voyant ainsi, inerte, subissant les assauts lamentables de son compagnon, je me suis dit que jusqu'ici, finalement, j'avais plutôt été chanceux dans le choix de mes partenaires, l'inverse étant aussi vrai. Ce triste simulacre de coït aux relents nécrophiles a heureusement eu le bon goût de ne durer que quelques petites minutes. Une fois détachés l'un de l'autre, les fougueux protagonistes se sont rhabillés avec soin et ont chaussé tous deux d'énormes lunettes. Lorsqu'ils m'ont découvert planté à ma fenêtre, ils ont compris aussitôt que j'avais tout vu, c'est-à-dire pas grand chose, et ils ont tiré le rideau avec une violence qui m'a surpris.
Enfin une dernière histoire très courte. Lundi soir je suis descendu acheter de la sauce tomate pour faire des spaghetti bolognese. Sur le trottoir, il y avait une femme allongée avec du sang qui lui coulait de la bouche. J'ai mangé finalement des spaghetti à la carbonara.