Peu importe

offrir-du-reve

« Je ne veux y aller qu’avec toi. »

Un endroit secret. Un secret, qu’on partage juste à deux. Tout le monde le connait, cet endroit, il est même indiqué sur les panneaux de signalisation, c’est dire, et les touristes s’y rendent en véritables transhumances. Tout le monde y va, et, de partout, nous nous amusons à compter les personnes qui y sont. C’est vrai qu’ainsi, sur la colline qui surplombe la ville, on ne peut pas le louper, notre secret. Peu importe.

Tout le monde le connait, tout le monde y va, mais nous, nous y sommes seuls. Juste lui, et moi, la vue de la plaine, et ses bras autour de mes épaules. Des secondes d’infini, sous le soleil ou sous la pluie, mais toujours dans un vent à désailer les dragons. Un vent qui fait voler mes longs cheveux et briller ses yeux. Ses yeux bleus sont si beaux, si parfaits. Ils brillent encore plus fort et un merveilleux sourire illumine son visage lorsque je pose un baiser-soupir sur sa joue. Nous sommes heureux.

Y aller avec nos autres amis serait terrible. Une violation d’une intimité.

Il pense comme moi, au point que j’ai failli éclater de rire devant sa réponse à la question de je-ne-sais-plus-qui : « On va au… ». Il a répondu un « non ! » fermé, froid, presque crié, écho de mon propre « non ! ».

Je me suis rapprochée de lui, tout près, là où je peux m’imprégner de son odeur si douce, si raffinée qu’elle me pique presque le nez, d’amour, de désir aussi, parfois, mais d’une façon bien plus timide, et je lui murmure : « Je ne veux y aller qu’avec toi. » J’espère que les autres ne l’ont pas entendu. Ou enfin, peu importe.

C’est rare, pourtant, que je me lance dans de telles déclarations, mis à part mes « Je t’aime », si intenses, si vrais. J’ai toujours cette peur lancinante qu’il n’apprécie pas, qu’il se sente gêné, et qu’il finisse par ne plus m’aimer d’épancher ainsi mes sentiments, en public, ou simplement devant lui. Qu’il me trouve nunuche. Mais cette fois-ci, j’ai réalisé que je l’avais dit une fois les mots sortis de ma bouche, et je n’ai pu revenir en arrière. Peu importe, il a répondu qu’il n’osait pas le dire.

Nous pensons parfois les mêmes choses, au même moment, avec cette intensité étrange d’une connexion surhumaine. Comme si nous étions vraiment liés, au-delà de tout le reste.

Nous avons seize ans. Nous sommes peut-être jeunes, trop optimistes, pour les aigris en tous genres. Nous sommes peut-être insouciants, insolents, inconscients. Nous sommes peut-être lancés dans une relation vouée à l’échec certain des amours de jeunesse. Mais peu importe.

Nous avons seize ans et nous nous aimons.

Seul cela compte, nous nous inquiéterons plus tard.

Nous avons seize ans et nous nous aimons.

  • Merci Arthyr. Si je t'ai fait rêver, alors, c'est merveilleux. Je dois dire qu'il y a des moment où je cède à la tentation du "dégoûlinant", comme tu dis... C'est tellement attirant ! Et si tu dis que ça me réussit...

    · Il y a environ 13 ans ·
    Encrier plume nomodif 54

    offrir-du-reve

  • Ma chère Offie, tu as tenu les promesses de ton pseudonymes. Vraiment.
    Ce ballet de groupes de mots envirgulés, l'insouciance amoureuse, l'innocence juvénile, toutes ces choses qui pourraient être/sont sans doute assez guimauveuses et dégoulinantes pour envoyer au trépas l'être au diabète le plus léger qui soit, tout cela, cela m'a fait rêver, songer, fantasmôter, au simple plaisir d'aimer, d'être aimé et d'aimer aimer.

    Bien que tu te diras toujours définitivement pessimiste, ton pessimisme n'a jamais été plus rayonnant qu'ici.
    Cette litanie pour cinq lettres, ou plutôt deux fois cinq lettres : "bravo" et "merci".
    Sincèrement.

    Du schwebst !

    · Il y a environ 13 ans ·
    Untitled

    arthyr-gingerburd

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