Peut-on croire aux fées ?

valjean

Nouvelle écrite avec contraintes dans le cadre de "dix moi dix mots", édition 2021 : aile, allure, buller, chambre à air, décoller, éolien, foehn, fragrance, insuffler, vaporeux

Peut-on croire aux fées, au mitan de sa vie ? Je me posais cette question, un dimanche d'automne, alors que je réapprenais à marcher après cet accident où tu perdis la vie et qui aurait dû me laisser paralysé. Je goûtais, aidé de mes béquilles, mes premiers pas hors de l'hôpital dans ce matin vaporeux qui soulignait la délicate fragrance des pins assoupis. J'avais décidé, au terme d'une semaine passée à buller, et à pleurer notre vie d'avant, à donner une nouvelle chance à cette existence. Je progressais dans un tourbillon de feuilles dont le ballet étrange semblait mu par un souffle éolien et, alors que je tentais de forcer l'allure pour retrouver la quiétude de l'allée, je me sentis comme happé par un foehn puissant qui me donna l'impression de décoller, bercé par une voix douce qui me murmura au creux de l'oreille :  « Laisse-moi t'insuffler, il est grand temps de chausser tes semelles de vent et de me rejoindre dans ma chambre à air, là où soufflent et se réalisent tous tes désirs. » Étais-je en train de rêver, était-ce toi qui me parlait, je répondis : « M'envoler, mais comment ? » La voix se contenta de répondre : « suis-moi.» A ces mots, je fus comme transporté par une aile soyeuse, qui m'enveloppa d'une chaleur douce, aussi douce que tes bras quand nous nous enlacions, et me transporta loin des arbres dans un Eden que je rêve de retrouver, où la douleur n'existait plus. Crois-moi, ce que je vécus là-bas était aussi intense que notre vie avant, avant que cet arbre ne croise notre route. Je ne sais combien dura ce voyage, ce dont je suis sûr, c'est qu'il fut intense et me laissa dans le même état qu'au sortir de nos étreintes passées. Je repris le cours de ma vie à son issue, me sachant accompagné par cette présence bienveillante que je ressens plus intensément à chaque fois que mes pas me conduisent dans cette allée.  Les années ont passé, je me déplace désormais en fauteuil roulant mais penser à ce voyage m'aide à vivre et à te faire vivre, car je sais que tu n'es pas loin, que tu seras, le moment venu, mon guide pour l'au-delà.  Ouest-France : On nous signale la mystérieuse disparition d'un homme dans le hameau de XXXX. Cet homme vivait seul depuis son accident de voiture le 28 février 1979, dans lequel son épouse avait perdu la vie. Inquiet de ne pas avoir de ses nouvelles, ses voisins se sont rendus à sa maison. Aucune trace de cet homme, si ce n'est le fauteuil roulant au sommet du chêne. La gendarmerie mène l'enquête pour savoir comment il a pu se retrouver à cet endroit.

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