Pierre-Michel ne connait pas le kung-fu
Léo Noël
Restriction d’écriture : un usage abusif de mots-composés.
Pierre-Michel ne connaît pas le kung-fu
Pierre-Michel s’était posté devant le semi-remorque avant de sortir son lance-roquette. La gâchette enclenchée, il pria le saint-esprit pour que son ennemi ne s’en sorte pas indemne. Un haut-le-coeur souleva Pierre-Michel, il détestait l’eau, avait le mal-de-mer, et rien ne l’avait entraîné au corps-à-corps sur un porte-avion. Face-à-face : lui et cet être, mi-homme, mi-jambon, mais surtout mi-jambon, à l’heure actuelle, qui se tenait sur son arrière train, ayant accusé la réception de l’explosif en plein dans la sous-ventrière.
Il s’agissait de garder son sang-froid, car l’affrontement n’en était qu’à son incipit.
Pierre-Michel avait rejoint le corps des agents de l’irréel-potentiel juste après que sa fiancée se soit séparée de son ex-mari. Il s’était décidé sur un coup-de-tête, et avait envoyé un e-mail à ce représentant technico-commercial sans-gène qui avait poussé le tire-bouchon un peu trop loin en débarquant sur son pas-de-porte la semaine passée. Il s’était présenté en costume queue-de-pie, et un Paris-Brest emballé dans du papier-craft pour se faire pardonner de l’intrusion. Pierre-Michel raffolait du Paris-Brest. L’anglo-saxon en queue-de-pie se présenta comme étant le vice-président de l’agence de l’irréel-potentiel. Devant sa tête de palmipède éperdu, on lui donna quelques explications. L’irréel-potentiel était l’ensemble des idées qui appartenaient à l’imaginaire commun, aux arrières-pensées populaires et aux rêves les plus courants. L’énergie accumulée par une idée dépendait de la taille de son fan-club. Exemple : Margaret Thatcher faisant du ski-nautique. Occurence(s) du rêve : dix-sept. Energie irréelle-potentielle : inférieure à 1. A l’inverse on trouvait : Présence de jedis et de la force dans le monde réel. Occurence(s) du rêve : + 3 milliards. Energie irréelle-potentielle (EIP) : 9.98. Il fallait croire que c’était une note impressionnante. Pïerre-Michel avait déjà reçu 10/10 en histoire-géographie une fois, donc ça ne l’impressionnait pas tant que ça.
« Bon d’accord, mais à quoi ça sert de me parler de tout ça? déglutit Pierre-Michel en faisant vibrer son muscle serno-cleïdo-mastoïdien.
- Car vous correspondez aux critères, fit le mec des United-Kingdom en s’emparant de l’essuie-tout, car il avait fait tomber son Paris-Brest sur la table-basse. »
Ensuite, Pierre-Michel comprit très vite : l’irréel-potentiel posait des problèmes lorsqu’il s’agissait de cauchemars. Les agents-spécialisés devaient faire disparaître les cauchemars dont l’énergie menaçait de les rendre réel. Cela s’étendait des travaux les plus ridicules comme empêcher que les trois petits cochons jouent à saute-biche avec Blanche-Neige (EIP : 7.6) à d’autres plus sérieux comme la destruction d’un chef-d’oeuvre naturel par des hommes-machines créés par des lobby anti-tabac (EIP : 8.1).
La mission actuelle dont Pierre-Michel avait la charge possédait une EIP égale à 5.6. C’était une note raisonnable, mais c’était sans compter son évolution rapide au cours du temps, signe avant-coureur d’une catastrophe. Énoncé du rêve : le T-1000 revient de son bain de lave à la fin de TERMINATOR 2 pour aller défoncer les Avatars de Cameron.
Le mi-homme, mi-jambon reprenait forme petit à petit. Il fallait rapidement trouver une idée, car il semblait à Pierre-Michel que son adversaire était en train de matérialiser un mini-gun dans sa main gauche. Il s’imaginait ce que la scène aurait donné dans le far-west : un robot-liquide contre un homme en attaché-case et lance-roquette. Il imagina tellement bien la scène qu’un train typé Orient-express s’immisça entre les deux adversaires. Jusque-là, c’est le T-1000 qui avait eu le dessus. Pierre-Michel sauta par-dessus le capot du semi-remorque toujours derrière lui, et s’accroupit derrière le pare-brise quasi-explosé. Le chemin de fer terminait son train-train. Depuis sa cachette, Pierre-Michel arma de nouveau son lance-roquette, profitant du passage du train tape-à-l’oeil pour ralentir une fois de plus l’ennemi.
Aye-aye ! Touché. Pierre-Michel se décida à passer du coq-à-l’âne. Il courut tel un nouveau-né apeuré vers l’ascenseur et appuya sur le bouton rez-de-chaussée. La double-porte en métal s’ouvrit dans un affreux bruit de lave-vaisselle. Derrière-lui, T-1000 avançait sur des moignons de chair et de métal fondu. L’ascenseur se referma juste à temps. Pierre-Michel dégaina son talkie-walkie aussitôt.
« Envoyez la glace. Qu’est-ce qu’il fout Cameron, bordel ? Moteur bon sang ! Moteur ! »
T-1000 se glissait insidieusement à l’intérieur de la cabine de l’ascenseur. Ouverture de la double-porte : nouvelle course sur le pont supérieur. Une vague vint s’écraser brutalement contre la coque, projetant des mini-gouttelettes par-dessus le bateau. Un bel arc-en-ciel raya le ciel une demi-seconde, donnant à la scène sa part d’irréalité-potentielle. Un chouette après-midi finalement, si on parvenait à mettre de coté le fait qu’une créature invincible lui courrait-glissait après. Il y avait même une certaine douceur du climat du sud-ouest toute agréable.
Pas que ça à faire. Pierre-Michel se trouvait à un jet-de-pierre du poste de commande. Non loin, un grand bloc de glace mi-englouti était apparu. Pierre-Michel remercie James en son for-intérieur. Il restait à mettre plein-gaz et sa mission serait terminée. Plus qu’un pas.
Alors que Pierre-Michel se voyait déjà rentré chez lui, posé devant son combi Télé-magnétoscope en sirotant un bon café-limonade, un bras allongé, transformé pour l’occasion en perce-muraille, lui traversa l’avant-bras. On ne pouvait pas mourir dans l’irréalité-potentielle, mais on pouvait être détruit, ce qui empêchait tout come-back et était forcément synonyme d’échec pour la mission en cours.
T-1000 s’approcha lentement, jouant de son effet dramatico-démoniaque, la moitié d’un quart de sourire aux lèvres, du quasi-imperceptible, mais qui agaçait terriblement Pierre-Michel, dont l’après-midi n’était plus si chouette finalement.
« Jack ! » Souffla une voix féminine.
T-1000 se retourna pour découvrir Kate Winslet. Il marqua un temps d’arrêt dans un état mi-figue, mi-raisin. Pierre-Michel reconnut facilement James, lui seul pouvait prendre aussi bien la forme de ses personnages. C’est presque si on entendait Celine Dion chanter. T-1000 se sentit obligé, il prit la forme de DiCaprio, mais avec un bec-en-scie, car il n’avait pas trop bien vu le film. Des paille-en-cul vinrent se poser entre eux deux, pour claper du bec et créer ainsi un mini-orchestre d’accompagnement.
Pierre-Michel devait profiter de l’instant. Il entra dans la cabine fourre-tout où se trouvaient les commandes. Il tenait son avant-bras blessé en espérant qu’il ne lui faudrait pas une licence en micro-informatique pour comprendre le fonctionnement des moteurs. Au ptit-bonheur-la-chance, il actionna plusieurs leviers, et le porte-avion prit de la vitesse, fonçant dangereusement vers l’iceberg titanesque qui mettrait fin au règne de l’homme au masque de fer. Pierre-Michel satisfait se laissa glisser à-même le sol, puis il informa son sous-chef, grâce au talkie-walkie, de l’accomplissement de sa mission.
Epilogue :
La cohérence scénaristique avait fait le reste : T-1000 devenu DiCaprio était resté sur la bateau, comme un amoureux-transi, avec James Cameron dans la peau de Kate, puis le porte-avion avait heurté l’iceberg. T-1000 avait coulé plus vite que DiCaprio, d’abord parce qu’il ne savait pas nager, mais aussi parce qu’il était bien trop lourd pour pouvoir s’accrocher à une maigre porte-fenêtre en aggloméré. L’océan, le sel et les requins-marteaux, poissons-scie et autres lance-javelots se chargeraient de l’achever dans son immobilité sous-marine.
Bel exercice, trait d'union entre contrainte et imagination.
· Il y a plus de 12 ans ·yl5