Pierre n'a plus de café
joe-xs
J'ai regardé dans l'armoire du haut, là où ma femme de ménage range parfois les choses, j'ai bien cherché, mais je confirme : plus de café.
Tant pis. J'irai au café des américains, à côté de mon cabinet. Je ne sais pas pourquoi ça s'appelle comme ça. Il n'y a pas spécialement d'américains.
Il fait froid, je n'ai pas mis de veste et je roule à scooter. Je suis vraiment con, des fois. Il ne manquerait plus qu'il pleuve.
Il n'a pas plu, mais j'ai vraiment froid.
J'arrive.
J'entre.
Il n'y a plus de place.
Je demande à un vieux si je peux m'asseoir face à lui d'un signe de doigt, il me répond "oui" d'un signe de tête.
Je murmure en articulant exagérément à la serveuse du bar :
- Un café s'il vous plaît.
Mon voisin de face lit le journal. Sa tête me dit quelque chose.
Non mais sans rire, sa tête me dit vraiment quelque chose.
Le grand avec des lunettes qui travaillait au garage à côté en 1984 ! Il s'appelait comment, déjà ?
Massimo ! … C'est Massimo !
On en a fait des conneries ensemble quand on avait 18 ans ! Ça fait 30 ans qu'on s'est perdu de vue. Et il est là, comme ça, sans prévenir.
Il a tellement changé qu'il ne m'a pas reconnu.
Mon café arrive avec la serveuse.
- Merci. Je vous paie tout de suite. Tenez.
Massimo, putain ! Je fais quoi ? Je lui dis qui je suis ?
Ou pas ?
Pas. Pas le temps. C'est 8 heures 30, et mon premier rendez-vous est dans dix minutes.
Je termine mon café. Je me lève, il me salue d'un regard furtif par-dessus ses lunettes, je lui souris en retour.
Je monte à mon cabinet. Quelques minutes plus tard, mon rendez-vous sonne à la porte.
Ah ! Ça, pour une surprise !
Ma patiente s'est coupé les cheveux et changé sa couleur.
Allez, au boulot !