Pire voeux
etreinte
5 !
Des chaises pliantes aux rues qui supplient.
Des êtres transparents aux cœurs teintés. Ne sachant même pas de quel côté du fil ils sont tombés.
De la jungle Amazonienne à celle du périph.
Dis, te souviens-tu de quand on dansait ? Quand on s'aimait comme si on s'était manqués ? Te souviens-tu de cet air pollué qu'on filtrait ?
Du néant au tout-à-l'égout. Des bouteilles pleines au creux de ma main.
Putain, regarde ce qu'ils ont fait de demain. Des accolades perdues dans une fusillade d'hypocrisie.
Des buffets à volonté sur les toits du monde, de ceux qu'on ne verra jamais. Obligés de creuser pour enfin surplomber quelque chose.
De la terre sous les ongles à la fumée dans nos poumons.
A aucun moment je n'ai signé pour voir tout ça. Interroge les camés, les internés ou ceux qui courent toujours, ceux qui crèvent dans le vent d'hiver, qui s'emprisonnent derrière leur double vitrage. Les grands méchants des histoires de cœur, les petits gentils des histoires de cul, les nuages de pluie chargés d'orage qu'on voit venir à des kilomètres ou les écumeurs de fond de bouteille qui ont besoin d'un kaléidoscope pour croire que la vie est belle.
Ils te diront tous que la vie dans sa plus simple définition est un choix qui n'est pas le nôtre.
Chance, hasard, sexe, pognon, fais en sorte qu'ils soient tes compagnons, et ton voyage vaudra le coup. Mais pour ça, accepte.
Accepte les termes et conditions du contrat comme tu fais quand tu décides de t'inscrire sur Facebook : sans les lire.
Accepte d'offrir des fleurs à ta chérie au moins une fois par an, en février.
Accepte des ambitions qui ne sont jamais vraiment les tiennes pour devenir quelqu'un, plutôt que de rester toi même.
Accepte les faits divers. La politique. Accepte tes 18 chaînes gratuites. Ton éducation. Tes fruits et légumes en toute saison. Ton destin écrit et approuvé jusqu'à la tombe.
Accepte et tout ira bien, je te le promet.
4 !
Je les hais.
Ces gens fiers de leurs origines au point de porter des T-shirts floqués "Forza Italia" parce que leur arrière grand mère a fui son pays à cause du chômage il y a trois générations.
Les mêmes qui se font tatouer un taureau sur la cheville ou l'épaule gauche parce que c'est bien connu qu'en Espagne, c'est un animal protégé, voire même sacré lorsqu'on le saigne à mort devant une foule de 20 000 spectateurs qui hurlent de joie d'une seule voix.
Qu'est ce qu'ils revendiquent, ces pseudo patriotes d'une autre terre, à part un cruel manque de personnalité ?
Je hais, ces garçons et ces filles à peine sortis de l'adolescence, qui parlent d'amour comme s'ils avaient déjà tout vu.
Ça balance des " Les hommes c'est tous des... " alors qu'elles ont pas fini leurs devoirs.
Ça lâche des " Les femmes c'est vraiment des... " alors que maman étend le linge et que les points noirs pullulent sur leurs nez.
Ils oublient très vite qu'elles ne se sont jamais senties aussi vivantes que dans les bras des "connards" qu'elles critiquent, qu'ils n'ont jamais étés aussi seuls que depuis qu'ils ont viré ces "salopes" sur lesquelles ils crachent. Cette jeunesse éponge ne fait qu'absorber et reproduire les conneries des grands.
L'avenir qu'ils incarnent repose sur une société du paraître bien pire que celle que nous connaissons aujourd'hui.
Je hais ces gros beaufs, fanatiques de la merguez et de l'apéro. Ceux qui envoient les poings avant les mots par économie de neurones. Tu te qualifie de bon vivant avec ton humour sous la ceinture mais tu seras définitivement mieux mort, là où tu as placé la barre de ton intelligence toute ta vie : sous le niveau de la mer.
Je hais ceux qui se protègent derrière leurs écrans, véritables gilets par balles du XXIème siècle. Ils se sentent obligés de donner leurs avis empoisonnés sur tout, sans rien savoir, sans même que ça ne les concerne.
Ces trolls qui pensent briller d'intelligence avec leurs vannes. Ces crédules qui avalent la première rumeur.
Je hais cette quête à la vaine gloire sur internet. Ces couples rendus possibles grâce à l'avancée technologique qui ne se sont jamais dis "je t'aime" en dehors d'un signal Wi-Fi. Qui pleurent parce que la zone A n'est pas en vacance en même temps que la zone B.
Pas pire que les vrais couples, tu dis qu'entre toi et lui c'est le vrai coup de foudre mais c'est juste parce qu'il ne te frappe jamais deux fois au même endroit.
Je hais les gens qui font semblant de s'amuser, encore pire ceux qui font semblant d'être tristes pour un peu d'attention.
Je hais ces flics qui se permettent de te regarder de haut depuis qu'ils sont assis sur le premier barreau de l'échelle hiérarchique, ces chiens des grandes administrations de l'État qui poignarderaient l'abbé Pierre dans le dos. Et tous ceux qui se lavent les mains par un magique " J'fais que mon boulot ! "
Je hais ces petites frappes qui t'ôtent en une nuit ce que tu as mis une vie à acquérir, comme si ça ne suffisait pas. Ces terroristes qui ne se font jamais sauter aux bons endroits. Ces gens qui sont Charlie que depuis janvier 2014 mais qui se torchaient le cul avec les pages de l'hebdo avant ça.
Comme un agent du GIGN en période d'état d'urgence, j'enfonce des portes ouvertes.
Mais putain, je les hais, tous.
3 !
- A... Allô ? C'est moi ! Allô ? Tu m'entends ? ALLOOOO ? Bon attends, j'te rappelle, j't'entends pas.
- Dis, t'es sûr que c'est une bonne idée d'appeler des gens pendant que t'es bourré ?
- Mais non putain mon POTE ! T'inquiète ! J'suis pas bourré en plus, c'est l'alcool qui m'a bu, moi j'suis juste de passage, attends ça sonne...
- Je t'aurais prévenu...
- Allô ? Ouais c'est re-moi, tu m'entends là ? Ah ! Enfin ! J'croyais tu m'faisais le coup du tunnel, tu sais comme Lady D, mais en moins morte... Tu deviens quoi depuis le temps ? Tu deviens au moins ? Quoi comment ça j'veux quoi ? J'ai pas le droit de prendre des nouvelles ? Bah oui bien sûr que j'ai gardé ton numéro, pourquoi je l'effacerai ? Toi aussi tu l'as gardé ! Hein ? Ah... C'est méchant ça. Hein non je suis pas bourré, c'est l'alcool qui, NON attends raccroche pas, tu veux savoir pourquoi je t'appelle ?
En fait j'pense encore souvent à toi, les bons moments et tout. Tu m'as supprimé de Facebook mais je vais quand même des fois sur ton profil juste pour voir tes photos, parce que y'a que comme ça que je peux encore avoir des nouvelles. Tu me manques voilà. Et je pensais qu'on pourrait peut être se revoir un jour, au moins rester en bons termes non ? Allô ? A - Allô ? Putain la conne elle a raccroché. Quoi t'as pas raccroché ? Non non attends je... Et merde, maintenant elle a raccroché.
- T'es un véritable cliché mec, rappeler son ex après avoir bu, tu le sais ça ? T'es sérieux en plus elle te manque vraiment ?
- Tu sais c'qui me manque vraiment là ? Un verre plein. J'ai b'soin d'oublier à quel point j'suis con, il va falloir des litres. Y reste un peu de musique aussi ? Du zouk. J'ai envie de zouker.
2 !
Quand j'étais petit, c'était :
Je te tiens, tu me tiens,
Par la barbichetteuh,
Le premier de nous deux qui rira,
Aura une tapette !
Un, deux, trois !
Depuis j'ai grandi, et j'ai vu mes parents divorcer. C'était plutôt :
Je te tiens, tu me tiens,
Par le bout d'un chèqueuuh,
Le premier de nous deux qui craquera,
Gardera toutes les dettes !
Un, deux, trois !
Puis j'ai vite été exposé aux faits divers sordides.
Tue les miens, tue les tiens,
À coup de machetteuuh,
Le premier de nous deux qui tombera,
Il prendra perpète !
Un, deux, trois !
Puis j'ai connu l'amour. Ça a encore changé :
Je te tiens, par les mains,
Jusqu'au bout du siècleuuh,
Le dernier de nous deux qui lâchera,
S'jettera par la f'nêtre !
Un, deux, trois !
Puis depuis je suis toujours en vie. Enfin je crois. Mais dans un état proche de celui-ci :
Je me tiens, aux parpaings,
J'suis un peu pompetteuuh,
Plus jamais de soirées comme celle-là,
Putain je regrette !
Un, deux, trois !
1 !
Je reprends mes esprits juste à temps.
Ça y est, on passe de jeudi à vendredi, mais je crois que ce qui intéresse le plus les gens, c'est qu'on change d'année. Je les vois tous se rapprocher de leurs copains/copines, histoire de débuter 2016 dans la bouche d'une meuf qui comme ton grand père en phase terminale ne passera pas le mois de juin. Heureusement que pas tout le monde n'est comme moi, à toujours penser à ce genre de choses quand il ne faut pas. Une fille pourrait être sur le point de défaire ma braguette que je serai capable de lui demander à quand remonte la dernière fois qu'elle a vu son père.
Et dire que je me prends pour un poète. Écoutez moi.
Je mérite vraiment tout ce qui ne m'arrive pas.
Je suppose qu'après ça, on va encore faire des jeux d'alcool, ou des jeux de société aux règles modifiées pour y incorporer de l'alcool en cas de défaite.
"Avenue de la Paix, t'es chez moi, tu me dois 3500 euros !"
Et tu bois. Comme en vrai en fait.
Je tiens plutôt bien l'alcool, donc je suppose qu'après ça, je vais pouvoir observer les gens bourrés, siroter mon sky en écoutant le doux son du brâme du foie en rut comme un vieux vinyle. Mais ce que j'attends le plus, c'est de voir les gens draguer, et tenter de deviner quels sont les couples à usage unique qui vont se former ce soir le temps d'une ebriété.
J'ai un pote, on l'appelle tous Turbo, je l'ai souvent vu tourner autour de la jolie fille qui parle jamais, la plus timide et mignonne de la soirée, sans doute l'amie d'une amie que personne connaît. C'est dommage, elle me plaisait. J'aurais au moins pu aller l'avertir, lui dire " Attention, garde tes distances avec ce mec-là. C'est un vrai bâtard, il voudra que ton cul, je le connais". Mais ça serait lui gâcher la surprise. Quand elle comprendra pourquoi mon pote on l'appelle " Turbo", ça sera bien assez drôle.
Oh non, voilà qu'on nous bassine avec les bonnes résolutions. Un groupe de fille interroge tout le monde un par un sur leurs espoirs pour la nouvelle année.
Bon. OK. Je suis prêt. C'est mon tour, je sais quoi dire.
0 !
BONNE ANNÉE ! Bonne santé ! Meilleurs vœux ! Je vous souhaite réussite et prospér...
Je déconne. On va arrêter ces conneries, on a bien vu que ça ne marchait pas. Levez vos verres avec moi ceux et uniquement ceux qui en ont marre de faire semblant d'y croire. Fait amusant : nos vies seront toujours aussi merdiques cette année qu'elles l'ont été les précédentes, voire pire. Personne n'arrêtera de boire, de fumer, d'être infidèle, de battre ses gosses, de se foutre le nez dans la poudre. Vous continuerez d'être des ratés tous autant que vous êtes tant que vous n'aurez pas compris que celui qui veut vraiment se prendre en main, il le fait quand il le désire vraiment, en plein mois de mai si ça lui chante, il attend pas une date socialement convenable.
Regardez vous. Vous vous décevez tous. C'est écœurant. Ça me donne envie de vomir. Mais rien n'est de votre faute au fond. Vous êtes juste aveugles.
Vous voyez pas qu'au fil des ans, des décennies et même des siècles, paver vos chemins de bonnes intentions ne nous a jamais permis d'atteindre le bout ? Vous trébuchez comme des merdes à la moindre dalle un peu bancale, et vous crevez-là comme une tortue sur le dos, tragique et ridicule. Vous vous bordez de mirages et de bisous sur le front parce que c'est plus confortable, mais ce n'est qu'en revenir à verser du sel et des épices sur un plat déjà bien périmé. Et bah oui, c'est l'indigestion. Et ça le restera tant que vous continuerez de le bouffer.
Je bannis la naïveté mais je suis moi même naïf en pensant que ça changera. Pour ça que je ne vous jette pas la pierre. On est tous dans la même galère, n'oubliez pas.
Alors au lieu de vous réciter le même disque appris par coeur, je vais vous souhaiter les pires voeux. Ça sera sans doute une des choses les moins fausses que vous entendrez cette année. Et quand vous vous retrouverez à nouveau au fond du gouffre, il y aura peut être une chance pour que vous vous rappeliez de ces mots d'apparence stupides mais qui auront souhaité votre bien bien plus que ceux trempés d'hypocrisie qu'on vous enfonce dans le crâne, chaque jour de l'année, et cette année sera longue, croyez moi. Je hais mon prochain tout autant que je l'aime.
C'est là dessus que je vous souhaite de périr cette année.
Financièrement d'abord. Que plus rien ne vous reste. Que vous goûtiez un peu aux trottoirs gelés par la brise matinale d'un mois d'hiver. Qu'une bande de sans abris voient en votre carcasse de quoi se réchauffer un peu entre potes.
Je vous souhaite de vous laisser décourager par vos études ou votre boulot, de ne plus être la marionnette du ventriloque aux doigts dans le cul, qui braille ce qu'on lui dit en rythme dans sa course au fric.
Perdez tout, et ça vaut aussi bien pour vos amours. Divorces, bonus s'il y a des enfants au milieu, cœurs brisés et MST. Que votre âme sœur vous fuit et ne revienne jamais. Je vous souhaite de souffrir de l'intérieur pire que sous la torture. Puissiez vous pourrir jusqu'à supplier pour une euthanasie.
Finissez seuls, rejetés par tous vos proches, même ceux sur qui vous pensiez pouvoir compter à vie.
Famille, amis, animaux, psychiatres, que tous vous crachent dessus, dans l'ordre.
Que le suicide vous semble salvateur. Faites en sorte que vos vies ressemblent à ce qu'il restera de vos cerveaux écrasés 11 étages plus bas. Et que surtout personne ne vous ramasse. Que les insectes et les rongeurs soient les derniers à encore vous utiliser. Faites que même votre interlocuteur à SOS suicide fasse le déplacement pour vous pousser sur les rails.
Détruisez votre santé avec tout ce qui vous passe sous la main, que les éboueurs vous confondent avec les grosses bennes qu'ils viennent vider tous les matins. Finissez broyés dans vos propres merdes annuelles, vos propres déchets.
Ressentez un peu ce que ça fait.
En bref, souffrez assez pour comprendre un jour que c'était pour votre bien. Il n'y a que comme ça que vous pourrez devenir vous mêmes à temps plein.
Et enfin, face à la pente, vous vivrez vraiment, et vous attendrez pas le 31 décembre.
Quoi, plus personne ne veut trinquer ?
Moi, je trinque et mauvaise année à vous ! ça fait du bien quand même un texte comme le vôtre ! S'ais pas pourquoi, mais ça fait du bien !
· Il y a presque 9 ans ·Louve
C'est sans doute un effet placebo, je pense. Mauvaise année à vous aussi !
· Il y a presque 9 ans ·etreinte
C'est certainement cela !
· Il y a presque 9 ans ·Louve