Place 44

weird

En prenant le train, Thibaut rencontre un vieil homme, Herschel, qui à la même place que lui. Très vite le wagon se vide alors que de violentes hallucinations s’empare de Thibaut...

Ce matin-là, il faisait très froid, l‘hiver approchait. Revêtue de gants en laine, emmitouflée dans une vieille écharpe déjà effilochées, qu'Agnès, (jolie brune, cheveux courts, yeux bleus, 31ans, 1,70m sur la pointe des pieds..) venait d'emprunter à sa voisine, en échange d‘un bon gâteau au chocolat…(ça fait toujours plaisir..!), de sa confection.

Elle était très bonne cuisinière et savait que les 3 enfants d‘Eva, ne rechigneraient pas là-dessus; ce qui par conséquent offrirait des vacances à leur mère, ou du moins des congés…. Agnès était gelée, ce n'était pas normal, on n'a plus de saisons, pensa-t-elle. Ses jolies petites mains étaient déjà glacées; de plus elle était assez enrhumée sans avoir à en rajouter. C'est en tenant son café de ses deux mains tremblantes qu'Agnès surveille le feu: Deux œufs et un peu de bacon sont en train de cuire…

Thibaut, son mari, se lève d'un bond, il ne peut prendre le risque d'être en retard, pas ce matin en tout cas... Une importante réunion a lieu à Paris à 17h00 chez le grand Manitou, Joseph Denells, propriétaire des banques du même nom; le seul train possible met un peu plus de 6h pour y parvenir et il est à…8h57. Le réveil sonne, 8h00; le carnaval matinal commence….

Douche, froide en l'occurrence, rasage, brossage, une touche de gel dans les cheveux, juste ce qu‘il faut, (Thibaut prend toujours très soin de lui, il a beaucoup de rigueur) Il enfile son pantalon, une chemise, une veste surmontée d'un gros manteau. Thibaut manque partir sans ses chaussures; alors qu'il est encore en train de nouer sa cravate, il prend un mug de café et monte dans sa voiture, une Mercedes….au côté d'Agnès qui conduit.

Le trajet n'était pas si long que ça à vrai dire, mais Agnès sent son mari angoissé, et cherche à le rassurer par quelques mots doux.

- Ne t'en fais pas chéri tout va bien se passer, tu as travaillé beaucoup sur ta présentation, il n'y a pas de raison. Tu les auras tous! dit-elle avec ferveur; le sourire aux lèvres.

- Heureusement que t'es là chérie lui répond-t-il.

- Je le serais toujours du moins je l'espère…lui lance-t-elle pour le taquiner. Ils n'avaient pas besoin d'en rajouter, leurs regards suffisaient, certains silences sont plus éloquents que de grands discours. La gare était visible; Agnès coupa le moteur, la voiture était déjà prise par le givre. La gare, bien que rénovée, donnait aujourd'hui l'impression d'un bâtiment sans âme. Un panneau arborait fièrement le nom de la gare. «Toulouse Matabiau».

Le quai était vide, mais déjà on pouvait entendre le bruit des machines qui s'actionnaient, tel des tambours précédant une musique hypnotique. Agnès n'avait plus beaucoup de temps pour dire au revoir a Thibaut, elle ressentait à chaque fois ce même petit pincement au cœur, comme lorsque vous réalisez l'importance de quelque chose, une fois que vous l'avez perdue. Agnès tout en arrangeant le col de Thibaut ne put s'empêcher de l'embrasser.

- Chéri je sais que tu te lèves tous les jours pour prendre ce foutu train, pour qu''on puisse manger, nous habiller et vivre correctement, mais promets-moi de te reposer un peu en revenant. Tu n'es pas très bien depuis quelques jours…

Thibaut fit glisser les bras d'Agnès le long de son corps afin qu'il puisse se dégager. Il lui fit un dernier baiser.

- Ne t'inquiète pas, j'ai l'éternité pour me reposer, lui dit-il, en mettant son index sur la bouche d'Agnès. Le signal retentit, le contrôleur, un petit roux, coiffé en brosse sous sa casquette, pria les voyageurs d'embarquer:

- 3mn avant le départ du train, 3mn…Dépêchez-vous !hurla-t-il

L'énorme serpent est prêt a partir, Thibaut embarque tant bien que mal, en traînant ses valises qui s'entrechoquent contre les parois. D'un geste de la main, il fait un dernier au-revoir à Agnès; elle le lui rend par un « Baiservolé » qu'il fait mine d'attraper. Les portes métalliques se referment sur Thibaut, le regard posé sur Agnès. Quelques secondes plus tard le train démarre… Thibaut cherche sa place au beau milieu de tous ces passagers…entre les enfants qui hurlent, les ados qui...sont...des ados; comparant leur dernières applications IPhone en laissant échapper avec la voix qui les caractérise un « C'est trop de la balle man »; les adultes (enfin si l'on peut dire), sont à l'IPad, étape supérieure; et c'est sans compter les vieilles pipelettes, dont il aurait bien recousu les bouches à l'aide de leurs aiguilles à tricoter…Thibaut, n'en pouvant plus…s'assit, sa mallette entre les jambes; les compartiments étaient pleins à craquer de petits bagages superflues; et une grosse dame de 95kg, au bas mot, faisant dégouliner la sauce de son burger (au petit dej quand même..!) sur la tablette y contribuait…largement. Devant lui, il y avait tout de même un homme, la quarantaine, en train de lire je ne sais quelle livre d'histoire, un visage plutôt froid, mais calme, contrairement à son autre voisine qui bavardait avec la personne de derrière. Il n'y a rien de pire que de voyager dans ces conditions pensait Thibaut, et il avait raison. Le voyage était assez long comme ça, mais bon, dans ces cas-là dormir, du moins essayer, restait la meilleure solution. Le ronronnement du train eut vite fait l'effet d'une berceuse. Thibaut, dans son sommeil, rêvait d'une magnifique femme blonde, grande, les yeux bleus, cheveux ondulés, et dont les formes auraient fait pâlir de nombreuses jeunes femmes, dont la sienne d‘ailleurs, mais cela évidemment, il ne l'évoquerait pas…Certaines vérités ne sont pas bonnes à dire. Cette jeune femme, d'une vingtaine d'années était en train de tenir un nouveau-né.

- Viens voir chéri, approche, viens voir comme il est mignon, c'est vraiment dommage! dit-elle en le berçant.

Thibaut le prit à son tour regardant sa petite frimousse toute rouge…et pleine de bave.

- Fais-le! dit-elle d'une voix plus autoritaire.

- Ecoute, je ne pense pas que cela soit nécessaire, nous pouvons tout reprendre à zéro à présent... s'empressa de dire Thibaut.

-S'il-te-plaît chéri, tu sais que c'est impossible, je ne pourrai pas le supporter.

Elle le regarda dans les yeux et le fixa avec toute la sincérité et le désarroi que seule une femme arrive à montrer lorsqu‘elle veut obtenir quelque chose. Soudain, il était dans un immeuble, il passait récupérer un petit garçon chez une femme. Un de ses fils peut-être? Apres tout les rêves sont si flous ; en tout cas l'enfant n'était pas décidé à venir, vu ses jérémiades qui n'étaient pas sans évoquer les braillements des gosses dans le wagon.

- Ah si seulement ils pouvaient fermer leur gueule au lieu d'emmerder tout le monde! pensa-t-il.

Plus tard, dans son rêve, beaucoup de gens l'acclament, des poignées de mains, des cris de joie…des enfants qui courent dans tous les sens, mais chose étrange, sa main commence à fumer, il revoit la jeune femme blonde.

- Merci chéri, je sais que ça n'a pas été évident pour toi, mais nous deux, cela n'aurait jamais pu être possible autrement, tu comprends ?

Thibaut baisse les yeux, les draps du bébé qu'il tenait étaient souillés de sang, et sa cervelle gisait aux quatre coins de la pièce.

- C'est dégueulasse !! Fais ça proprement au moins!dit la jeune femme, dont une partie avait giclé sur son décolleté.

Thibaut tient à présent un Luger P08 entre ses mains pleines de sang, il le laisse tomber. Il se réveille d'un coup en hurlant, ses pupilles se dilatent, devant lui…plus personne… La grosse dame semblait être partie ainsi que de nombreux voyageurs. Le calme, la sérénité et la tranquillité s'étaient invités au voyage; Thibaut se détendit...

Le train traversait de nombreuses grandes villes; les arrêts étaient fréquents, mais personne ne semblait jamais rentrer dans le wagon, jusqu'à ce qu'il entende le bruit des deux portes de la cabine qui glissèrent pour laisser apparaître un vieil homme, pas loin de 80 ans, très maigre ; ses mains étaient tavelées, premier signe de décrépitude, son visage était creusé, il avait encore pas mal de cheveux pour son âge, tout blancs et de petites lunettes rondes. Il était muni d'une canne, vêtu d'un petit complet noir et de mocassins marron en harmonie avec sa valise en cuir, rongée par le temps et les nombreux chocs. La porte se referma sur lui l'empêchant d'avancer, il essayait tant bien que mal de dégager sa valise du monstre métallique au couperet infernal en jouant de la canne. Thibaut se leva pour lui prêter secours.

- Merci jeune homme, merci beaucoup c'est toujours pareil, je reste coincé à chaque fois…

Thibaut amusé par la situation laissa échapper un léger sourire.

- Je ne suis plus aussi jeune et rapide pour m'amuser à ça, si toutefois que je l'ai été un jour reprit-il avec une petite moue.

- Au fait j'ai oublié de me présenter, je manque à tous mes devoirs, je m'appelle Herschel, reprit le vieil homme.

- Moi c'est Thibaut, enchanté de faire votre connaissance.

- Vous voulez un peu d'aide, lui suggéra Thibaut

- Oui merci…

Pendant que Thibaut déplaçait la valise, le vieil homme se dirigea vers sa place.

- Ah c'est ici, voilà le numéro 44...!!

- Je crois que vous faites erreur, mais je vous en prie ce n'est pas grave, allez-y...

Herschel lui montra son billet, on pouvait y lire place n°44.

- C'est étrange…

- Quoi donc?

- Je suis certain d'avoir la même place.

Thibaut sortit le billet de sa poche. On pouvait y lire très distinctement la place n°44.

- Ceci dit je l'ai pris sur un de ces sites où l'on peut payer moins cher…alors…on sait jamais avec eux... ajouta Thibaut avec un sourire gêné. Le vieil homme ne sembla pas relever ses paroles.

- Excusez-moi monsieur, dit Thibaut en voyant Herschel plongé dans ses pensées, je ne vais pas vous déranger, prenez-la, après tout, il y a de la place partout c'est ridicule; bon voyage.

Thibaut commençait à prendre ses affaires, quand il sentit une main attraper son bras, il se retourna;

- Non attendez, ce n'est pas grave, asseyez-vous là, dit Herschel en désignant la place d'en face. Je n'aime pas voyager seul, j'aime bien discuter un peu, ça ne vous dérange pas?

- Non pas du tout, au contraire, répondit Thibaut en repoussant ses affaires au fond du compartiment.

- En ce qui me concerne ce sont les affaires qui m'emmènent ici..! déclara Thibaut

- 6h de train cela doit être important dit le vieil homme...

- C'est vrai, mais comment savez-vous que...

- J'ai pris ce train de nombreuses fois et le trajet est toujours aussi long, répondit le vieil homme

- De plus les gens comme vous, n'y voyez aucune réflexion désobligeante, se dirigent toujours vers les grandes villes... c'est tout à fait logique. Ici il n'y a pas beaucoup d'avenir pour un jeune homme, dit Herschel en regardant le costume tiré à 4 épingles de Thibaut.

- Je peux vous demander quelque chose, sans indiscrétion, ajouta Herschel ?

- Oui, bien sûr... Allez-y

- Vous êtes marié?

- Oui une femme et deux enfants.

- Ce n'est pas toujours facile de gérer tout ça, n'est-ce pas ?,

- J'essaye de faire de mon mieux, et vous que faites-vous?, Thibaut se ravisa, que faisiez-vous?

- Oh moi, chercheur…

-Scientifique?

- Non…historique plutôt, une sorte d'archéologue, les mains sales, toujours à récupérer ou à rechercher des choses enfouies au plus profond de notre histoire...

- Ca a l'air intéressant dit Thibaut

- Je voyage, régulièrement pour aller voir ma famille, voilà vous savez tout, ajouta Herschel.

- Un vieil homme comme vous, sans vous offenser, qui se déplace sans arrêt à l'autre bout du pays… Ils ne viennent jamais vous voir? demanda Thibaut

- Ils ont horreur du train répondit Herschel;

- Ah bon!, ajouta Thibaut surpris.

- En ce qui me concerne continua Thibaut, j'espère ne pas avoir à le reprendre souvent, je n'aime pas être aussi loin de ma famille, mais j'avoue que si mon travail porte ses fruits, je devrais me déplacer plus souvent, juste le temps de gagner un peu d'argent et de m'installer à Paris...

- Et vous que faites-vous exactement, jeune homme ?

- Je suis consultant financier.

- Ah oui très bien… il en faut. Ils se mirent tous deux à rigoler.

- Mais je vous avoue que c'est beaucoup de soucis, je fais des cauchemars depuis quelques jours, sûrement l'angoisse...

Tandis que le train passe sous un tunnel, Thibaut voit le visage du vieil homme durant une nanoseconde maculé de sang. Le sien ne fit qu'un tour...Thibaut pâlit à vue d'œil. Herschel lui attrapa la main comme pour le sortir d'un mauvais rêve;

- Ca ne va pas mon garçon? demande-t-il

- Non…c'est rien, je vais juste me passer un peu d'eau sur le visage, je reviens tout de suite.

Thibaut encore décontenancé entra dans les WC, fit couler le robinet et s'aspergea avec un peu d'eau. De gros coups de pieds retentirent sur la porte, comme si on cherchait à la défoncer. Des rires moqueurs d'enfants se faisaient entendre.

- Eh vous, je vous conseille de vous calmer, sinon j'appelle le contrôleur, qui vous donnera une bonne raclée, et à défaut, c'est moi qui le ferai, compris…? cria Thibaut avec autorité.

Le bruit cessa. Il ouvrit la porte d'un seul coup, mais aucun enfant dans les couloirs, ni dans les wagons voisins. En rejoignant sa place, Thibaut remarque qu'il ne reste plus que le vieil homme, les rares voyageurs sont tous partis; le temps semble s'être couvert, les nuages passent du gris au noir, la pluie se déchaîne, clapotant avec intensité sur la paroi métallique de la bête ruminante. Tout d'un coup, une vision; des enfants hurlent, gémissent, pleurent, implorant une pitié qu'ils savent déjà perdue. Thibaut secoue la tête comme pour reprendre ses esprits.

- Ca va mieux ? demande Herschel

- Juste un peu de fièvre c'est tout, ça va me passer, il faut juste que je me repose un peu… La cadence du train semble avoir changé, le jour reste imperceptible à travers les fenêtres, Au moment de s'asseoir, Thibaut remarque quelques gouttes de sang ruisselant d'un siège appartenant à une voyageuse qui se trouvait là quelques minutes plus tôt.

- Du sang ? dit Thibaut étonné

- Ce ne sont pas quelques gouttes qui vont vous effrayer Her Caporal! vous n'êtes pas à ça près lança Herschel, avec un regard noir et pénétrant. A partir de là, le sang commença à couler partout dans le wagon, dégoulinant, des sièges et des murs, s'agglutinant par terre, formant à présent une flaque homogène empruntant le long couloir pour se terminer au pied de Thibaut, chaussé des fameuses bottes noires.

- Quoi… mais qu'est-ce que c'est…qu'est-ce qui m'arrive...qui êtes-vous?

Petit à petit Thibaut voit ses habits recouverts de sang, laissant place à présent à sa tenue d'officier.

- C'est quoi ce bordel! hurle Thibaut

- Tout à l'heure je vous ai dit que j'était un chercheur, en quelque sorte, passionné d'histoire … A vrai dire je n'ai pas été tout à fait franc avec vous, mais cela vous ne pourrez me le reprocher, j'en suis sûr…Mon travail ne se limite pas à une simple recherche historique… Je veille sur elle.. L'Histoire…j'entends bien...afin qu'il n'y ait pas d'atomes crochus, pas de bavure. Vous m'avez donné beaucoup de fil à retordre… mais maintenant, les choses vont reprendre leur cours normal, enfin celui qu'elles n'auraient jamais dû perdre…dit le vieil homme avec un savoureux mélange de malice et de complaisance...

Thibaut, les yeux écarquillés, reste coi... N'arrivant pas à croire à ce qui lui arrive. Herschel reprend alors:

-Voyez-vous Caporal Finkster, vous avez fait couler beaucoup de sang. ...et beaucoup d'encre par la suite étalant vos morbides exploits…mais vous n'avez pas assumé vos actes, toutes ces horreurs que vous avez commises, alors vous vous êtes refugié dans une vie fantasmagorique, à travers une personne qui n'existe pas, celle de Thibaut Renier, consultant financier, marié à Agnès Costengua, avec deux enfants, Pierre et Eric...

- Vous mentez, je ne sais pas qui vous êtes, ou ce que vous êtes...ni ce que vous me voulez.. Mais vous êtes sénile…

- Sénile.: humm fit-il d'un air amusé en faisant mine de réfléchir. Thibaut sortit la photo de sa femme et de ses deux enfants, et la lui brandit au visage...

- Vous voyez bien, là!, vous voyez!

La photo se mit à jaunir, jusqu'à s'enflammer et se décomposer; il ne restait à présent que quelques cendres brûlantes dans sa main qui ne tardèrent pas à s'envoler. Thibaut est ébahi.

- Lorsque votre femme, Agnès, a appris votre liaison, elle n'a pu le supporter, elle s'est suicidée au gaz, avec vos deux enfants de 4 ans et 6 mois, Peter et Enrich, élément que vous maîtrisez fort bien je vous l'accorde…Quelle ironie, vous me direz, mais la vie n'est-elle pas ainsi… Elle vous admirait, Thibaut! Ou …Diebold, comme vous voulez, en tant que mari, que soldat, prêt à défendre son pays, mais elle n'était pas au courant des horreurs que vous aviez commises. Comment l'a-t-elle su ? Les journaux…Thibaut, les journaux,...vous avez eu une carrière remarquable, que cela soit de la rafle du Vel d'Hiv en 42, où vous avez « recueilli » tous ces enfants, pour les exterminer par la suite…aux différentes formes de tortures, pour jouer au docteur et s'aventurer dans les limbes de la souffrance humaine, un travail remarquable encore une fois.. « Plus ils sont jeunes, plus c'est intéressant, ils résistent davantage», c'est ce que vous avez déclaré lors de vos harangues à la foule convaincue de vos grands talents destinés à guérir l'Allemagne du cancrelat juif... Et je passe les sévices que vous avez fait subir aux tziganes et aux homosexuels, leur cas était réglé…avec beaucoup…d'attention... Ceci dit Agnès a omis un détail, dans son acte désespéré… Vous étiez tellement minutieux, que ce jour-là vous êtes retourné chez vous peu de temps après être parti pour récupérer la brosse pour astiquer vos bottes, on ne sait jamais après tout, des fois que le Führer passerait vous voir… Voyant les corps inertes de toute votre famille étendue sur le sol, vous êtes tombés à genoux, en larmes, lorsqu'un léger râle s'est fait entendre, c'était Enrich... Dieu sait par quel miracle il était encore vivant. Dans un sursaut démesuré d'humanité, vous l'avez sauvé. Vous avez alors rejoint votre maîtresse, la belle Hedwig... Votre passion démesurée pour votre maîtresse, qui ne pouvait pas supporter d'élever un enfant qui ne faisait pas partie de l'élite, un arien, vous a poussé à tuer Enrich, d'une balle dans la tête, à bout portant…un enfant de 6 mois, votre propre enfant…votre propre enfant… Vous êtes un monstre Caporal Diebold Finkster…. Grace à Hedwig et à ses relations, vous êtes très vite monté au sommet de la hiérarchie, et vous vous êtes chargé « d'organiser » les transports ferroviaires. Vous savez ce n'est pas un hasard si nous partageons, cette place, le numéro 44, mais ce n'est pas pour les mêmes raisons, ce siège est le symbole de notre place dans l'histoire. Ce train, voyez-vous, est plein de fantômes, d'âmes que vous avez torturées... Ce train est parti de Toulouse en août 44, mais en raison des bombardements, des coupures de voies, le train erra de longues semaines dans le sud de la France et s'immobilisa plusieurs fois. Le 18 août, le convoi a été abandonné, nous avons marché des jours entiers, quelques-uns d'entre nous sont parvenus à s'échapper… Mais un nouveau convoi a repris la route et celui-ci est bien arrivé…le 28 août 1944. Caporal, vous êtes mort en 1957, fusillé pour crime contre l'humanité, mais cette mort pour moi n'est pas digne de votre rang.

Le vieil homme se lève, laissant apparaître sur le bras le numéro 824615876.

- Je crois à présent que vous avez de la visite, je ne vous dérangerai pas plus longtemps…

Herschel sort du wagon, à peine la porte s'est refermée que deux soldats SS entrent, empoignant Thibaut, et le traînent jusqu'à la sortie…pour le jeter sur le quai.

- Lâchez-moi..!! Lâchez-moi..!! proteste le Caporal

- Ferme ta gueule, sale merde, tu feras ce qu'on te dira, crie l'un des deux soldats avec autorité, On va te mettre avec tes copains...

Le sang s'est évaporé du wagon, mais une odeur pestilentielle réside, celle de la merde et de la pisse mélangée à une sévère odeur de bétail. Le train laisse désormais échapper de la vapeur. Lorsqu'il met les pieds à terre, le contrôleur porte désormais un autre genre d'uniforme… un uniforme nazi, et Diebold celui d'un juif… Nous sommes le 28 Août 1944, le train est arrivé… Bienvenue à Dachau. 


fin

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