Poème des 85 ans

Sébastien Bouffault

Poème d'anniversaire pour mon grand-père Henri

Sauras-tu cette fois retenir sans problème

Les quatre-vingt-cinq vers de ton nouveau poème ?

Mais je sais que tu as une grande mémoire

Et un cerveau plus grand que ta massive armoire.

 

Pour cet anniversaire, un tout nouveau défi :

Raconter sans mentir ta véritable vie.

Du lever au coucher comprendre le secret

De ta ligne parfaite et ta longévité.  

 

Comme à ton habitude depuis ta tendre enfance,

Tu te lèves à cinq heures avec tant d'élégance

Que mamie sous les draps, légèrement secouée,

Se retourne et, miracle, arrête de ronfler

 

Bien avant que le coq ne se mette à chanter,

Tu te lèves fringant, commence à siffloter.

Puis va faire un café au fond de la cuisine

Et danser la bourrée en beurrant tes tartines.

Tu portes un beau T-shirt passé, troué, sans manches,

Tu ressembles un peu alors à un boxeur du dimanche.

Sexy dans ce « marcel », tu t'en vas te doucher

Précédé par Minouchette au pas très cadencé.

 

Sa Majesté Henri se lave alors les dents

Avec un dentifrice à l'arôme étonnant :

Une pâte verdâtre au goût de la verveine :

Une étrange mixture ramassée dans la Seine ?

 

Après avoir rasé ta peau de nouveau-né

Un peu d'après-rasage (y'en a mille stockés)

Sans oublier bien sûr,  un peu de sentibon :

Dans la nuque et le cou, le matin c'est si bon...

 

De retour au salon, un oeil au baromètre,

Le tour de la maison pour voir les thermomètres,

Un saut dans le jardin où est le pluviomètre,

Quelques gouttes dans l'oeil, jamais au pifomètre !

Puis tu prends tes stylos de toutes les couleurs,

Et du papier spécial sur lequel de bonne heure

Tu traces des graphiques un peu dans tous les sens

Il faut de l'expérience et bien des connaissances...

 

Tu es capable aussi, très bon documentaire,

De dire exactement s'il neigeait sur le Cher

Des années quatre-vingt à cet instant présent.

Tu peux donc constater le grand réchauffement.

 

Puis, tu t'assoies alors dans ton trône de roi

Pour lire le journal en tapotant des doigts.

Il t'est arrivé, à ta grande stupeur,

Qu'on annonce ta mort, mon Dieu, quelle horreur !

 

Tu regardes l'horloge et t'en vas très pressé :

Tu vas être en retard pour ouvrir les volets

De madame Chertuite qui s'inquiète déjà

En fumant le cigare que le soleil n'est pas.

Après avoir salué ta si tendre voisine,

Tu repars aussitôt chez une autre cousine

Qui tient l'épicerie d'en haut du bas du Bourg.

Tu lui fais la causette pendant parfois des jours.

 

Après le déjeuner, la panse bien nourrie,

Tu regagnes son lit où l'attend ton amie

La belle Minouchette au pelage soyeux

Qui de sa truffe fraîche  vient te toucher les yeux.

 

C'est l'heure de la sieste : tu mets ton transistor,

Au dessus du nombril et doucement t'endors

Avec sur RCF la voix mélodieuse

D'un prêtre psalmodiant  des chansons religieuses.

 

A l'heure du dîner, tu prends quelques cachets

Un bon verre de vin pour tous les avaler..

Le repas est léger, tout comme les potages

Que mamie par amour cuisine avec courage.

Quand soudain apparaît à l'heure du journal

Le visage radieux d'une Claire Chazal,

Tout à coup tu te tais religieusement

Suis les informations en mangeant sagement.

 

Puis vient la météo, la grande effervéscence,

Tu prend vite un stylo, un noir de préférence

Et sur une enveloppe écris de tes doigts fins

Les températures du lendemain matin.

 

A neuf heures déjà, de sommeil abattu

Tes paupières sont lourdes et ton ventre repus.

Tes yeux te piquent trop. Dans un dernier sursaut,

Tu mets ton pyjama et vas dans la salle d'eau.

 

Dans ta chambre t'attend, comme à midi ta chatte

Qui ronronne tout doux en te donnant sa patte.

Miaou Miaou Miaou, de sa voix suave et frêle

Ca veut dire : « je suis ta demoiselle »

C'est ainsi que s'achève une journée bien pleine

Imaginez alors ce qu'en une semaine

Papi Henri fournit comme Amour et travail,

Qui d'autres à Genouilly, pour si de virtuailles

 

S'investit comme lui pour le bonheur de Tous ?

 

  

 

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