Poème des 89 ans
Sébastien Bouffault
J'entends un sifflement continu et joyeux,
De petits pas pressés trotter dans le couloir.
Il s'est levé bien tôt, comme au temps où la Loire
Non loin de la DR, se mirait dans ses yeux.
Le compteur électrique a livré son secret
Devant la lourde torche agitée, ancestrale.
Dans le couloir obscur des fraîcheurs matinales,
Papi, tout en chantant, sait se montrer discret.
D'un pas aussi léger, il va dans le jardin
Cueillir de beau matin auprès du thermomètre
Ses précieuses données qui depuis la retraite
Forment chaque matin son devoir quotidien.
Des graphes et des tableaux, du rouge au noir, du vert,
Tout y est recensé et l'on peut consulter
Depuis quatre-vingt-cinq, chaque mois, chaque année,
Le temps qui ce jour-là, faisait tourner la terre.
Et puis, chaque matin, c'est le même rituel :
Il va boire un café chez l'ami Adrien
Achète le journal : « quelles sont donc les nouvelles ?
Quelle est donc la Une de tous les quotidiens ? »
Auprès de la mairie : c'est là qu'est installée
Le dépôt des gourmands. Entre viennoiseries,
Eclairs au chocolat, religieuse au café
Il y a un grand choix à la boulangerie !
Mais c'est d'un bon baba que papi a envie.
Mangé modérément car il y a du rhum.
Ça réchauffe le cœur et creuse l'appétit.
Et puis ça rend « baba » ! Plus fantaisiste, en somme.
Cette vie bien tranquille que papi et mamie,
Mènent depuis longtemps, est donc très bien réglée.
Cet été a pourtant été un tsunami.
Chizuko, en effet, a encore accouché !
Et Julie, l'air de rien, le petit poing en l'air,
A fait ses premiers cris. L'avez-vous entendue ?
C'est quand même un peu loin car dans mon dictionnaire,
Genouilly-Montpellier : « vous n'êtes pas rendu »
Lorsque des bras câlins viennent à lui manquer
Elle se met à pleurer en remuant les mains
Pour saisir au passage un petit bout de nez
Qu'elle porte à la bouche avec un air coquin.
Elle esquisse toujours aux yeux qui la regardent
Sourires ravageurs et clins d'œil appuyés.
Lucas est sur le vif et tout le temps prend garde
A ce que lui aussi soit tout autant aimé.
Tu as déjà croisé son regard angélique
Son allure discrète et ses mollets trognons.
Lucas, Bella, Julie, trois enfants magnifiques
Un saut dans le futur et de générations !
La si vieille maison du bourg de Genouilly
S'est vue en quelques mois tout à fait transformée.
Des dizaines de jouets, sur la table : bouillie,
Petits pots, bavoirs côtoient de mémé les mets.
J'ai pris une photo où l'on te voit sourire
Devant ce bout-de-chou aux cheveux redressés.
Ton regard bienveillant lui fait pousser un rire
Et il semble, c'est vrai, que vous vous comprenez.
Lucas, lui, est coquin : un vrai petit garçon !
Pirate ou Superman, Tintin ou bien Tarzan,
Sautant sur le divan, dansant dans le salon,
Il fait rire aux éclats ses si heureux parents.
Il protège et prend soin de sa petite sœur.
Et quand un bruit suspect soudain se fait entendre,
Il empoigne Julie et l'étreint en douceur.
C'est un bon grand frère qui sait se montrer tendre.
IL nous parle souvent de papi, de mamie,
De pépé, de mémé qu'il voit trop rarement.
Du jardin enchanté où les roses s'allient
Au pommier qui fléchit sous ses fruits abondants.
De nombreux souvenirs sont encore attachés
A ce lieu peu commun, au potager magique.
Tandis que ma cousine effectuait quelques roues
Je lançais dans le ciel des bouteilles en plastique.
Et ces soirées d'été où nous jouions aux cartes
Terrassés par les mouches et un soleil de plomb.
Où nous nous aspergions jusqu'à ce que ne partent
En milieu de soirée, les tout derniers rayons.
J'ai choisi cette année une carte géante
Et un bouquet de fleurs aux couleurs pétillantes
Qui agrémentera le buffet du salon.
Mais je vois que déjà, mon poème est très long
Et il me faut conclure à présent ma chanson.
Quatre-vingt-neuf années, quel beau parcours, dis-moi !
Que te souhaiter de plus pour ton anniversaire
Que de rester ainsi et propager la joie
Partout autour de toi lorsque c'est nécessaire.
Nous te couvrons ce-jour de gloire et de baisers
Pour honorer encore au travers d'un poème
Ta générosité, ta suprême bonté
Ton brin d'humour, aussi. Ton petit-fils qui t'aime.
Fin