Portrait d'une société compliquée peuplée d'hommes simples.

starlight

Souvent la simplicité apporte le bonheur. Il ne sert à rien de trop penser à chaque heure de la journée. Un esprit aéré est bien plus libre de penser qu'un esprit conditionné par le compliqué.

Comme tous les matins elle se réveillait en même temps que le soleil. Elle posa un pied sur le sol gelé de son appartement et lorsqu'elle fut totalement hors du lit et que la chaleur de la couverture l'avait quitté, elle osa enfin éteindre son réveil. A la place elle mit une musique entraînante afin de s'aider à bien commencer la journée. Elle regarda à travers la vitre sale de la fenêtre de sa chambre le paysage du dehors qui contrastait complètement avec celui de son fort intérieur ; tout était désolé. Les rues vides. La pluie battante tombant à grosses gouttes. Le vent qui venait fouetter les vitres ne donnait nullement envie de sortir. Pourtant il y avait quelques courageux qui osaient s'aventurer au-delà des murs de leurs chez-eux. Peut-être s'agissait-il d'une obligation, ou tout simplement d'une envie personnelle. De là où elle était, de l'intérieur de son appartement, elle voyait ce paysage semblable à un esprit en bordel. Tout était agité, désordonné, compliqué. Elle avait une vision globale de ce qu'elle appelait "la société dans son habitat naturel". 

Lorsqu'elle fut prête elle quitta son logement pour s'aventurer au dehors et rejoindre ces hommes "courageux". Le vent venait la pousser, faisant ralentir ses pas pourtant assurés. La pluie s'abattait sur son parapluie déployé si fortement que les gouttes d'eau auraient pu passer au travers. Finalement elle le ferma et le rangea, car le vent allait l'emporter. Elle mit alors sa capuche et s'avança toujours plus loin dans la rue. Elle accéléra le pas et continua d'observer le paysage qui s'offrait à elle, cette fois d'un œil différent. Elle n'avait plus une vision globale des personnes qui marchaient dans la rue, elle était devenue une personne qui marche dans la rue ; de ce fait elle voyait ce qui l'entourait plus individuellement. La question n'était plus les autres et leur courage de sortir aujourd'hui sous cette pluie battante et ce vent violent, ni leur potentielle raison de sortir qui serait sûrement liée à l'obligation ou, plus rarement, à leur envie. A présent elle ne pensait à cette pluie qui venait marteler le tissu de sa capuche et au vent qui poussait à contre-sens, ainsi qu'à l'endroit où elle devait aller, et ce qu'elle devait y faire, et ce pourquoi elle était sortit.

Alors qu'elle rentrait chez elle la nuit tombait, les arbres tanguaient toujours sous le poids du vent, les feuilles dansaient jusqu'au sol le couvrant de tout son long de leur couleur jaunâtre, la pluie n'avait cessé de la journée et les rues laissaient couler un flot d'eau imperturbable dont le courant emportait les feuilles qui ornaient le sol sur son passage.  Elle s'approcha à nouveau de la fenêtre de sa chambre et essuya la vitre toute sale. Elle y vit pourtant la même chose que le matin même : des personnes rentrer chez elles, sûrement exténuées de leur travail accomplis durant la journée, ou bien rentrant après une activité entre amis ou seul. Un cinéma peut-être ? Maintenant elle ne pensait plus à ses problèmes. Quelle vie compliquée à l'extérieur de ses murs. Chez elle tout est organisée, tout est simple y compris ce qu'elle voit. Mais alors qu'elle se retrouve confronté à cette simplicité elle s'y noie dans un flot individuel et une complication inattendue la rejoint à chaque fois. Étrange. Elle ne change pourtant pas son comportement, elle ne fait rien de compliqué, alors pourquoi cela paraît comme ça ? Pourquoi diable tant de réflexions et d'individualité dans le collectif ? Et pourquoi tant de collectivité dans l'individualisme ? Elle se préoccupe plus d'elle-même lorsqu'elle n'est pas seule qu'elle ne le fait lorsqu'elle l'est. Il y a là un paradoxe évident, dont l'homme en est à la fois le sujet et l'émetteur. 



©Starlight. 


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