Anna

Jay M Tea

Elle se dit qu'il fait bon de se mettre à nu quand le monde prétend la voir mais ne la regarde pas. Elle sourit bêtement en pensant à ces anonymes qui traversent les rues obstruées par de lourds manteaux de fourrures diverses et synthétiques, ces longs costumes perméables qui se vendent et se présentent en de multiples devinettes. Celui-ci, qui regarde le dernier téléphone sorti hier sur le marché, se demande probablement si la couleur de la coque ira bien avec ses chaussures à talons pailletés rétro-éclairants. L'autre là-bas choisit méticuleusement le parfum qui selon Coco Chanel lui donnera un avenir certain, sans encombre et sans fioriture autre que le seul choix de la fragrance qui saura imposer aux regards du patron, l'assurance mal habitée d'une femme obsédée par la chaleur des compliments et des bouquets garnis après avoir vendu plus de cinquante contrats pour sa compagnie. Anna lisait la fierté que renferme les fausses habitudes des gens. Les jours de pluie, plus personne, il faut se cacher dans son intérieur tout confort et ne sortir que les jours de foule. Il faut se montrer ; rendons-nous plus visible pour avoir encore plus à ne plus savoir quoi en foutre. Elle réalise de plus en plus à quel point son oeil aiguisé jugeait sur pièce le moindre support médiatique et ses messages cachés. Cependant, elle avance les poings dans les poches crevées en se disant qu'elle ne sombrait pas dans la paranoïa. Ainsi s'offraient à elle, l'expérience des mots et le choc des individualités dans un mélange d'esprit critique et d'auto-dérision. Elle se sait sage et humble. Elle avance dans la vie la tête haute.

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