Poupées Gégé, joies du passé
Jean Claude Blanc
Poupées Gégé, joies du passé
Plus guère d'usines dans le Forez
Pour magnifier, de beaux jouets
Provenant de Chine, désormais
Mal imités et salopés
Acquis tel quel, à moindre frais
Années 60, vite oubliées
Où l'on aimait aller bosser
Pour fabriquer, poupées Gégé
Germain Giroud, en fut le pionnier
Son nom l'indique en abrégé
1000 employés à Montbrison
En assuraient la confection
Quelle gagnante exploitation
Sans robotique, ordinateurs
Que d'ouvrières toujours en sueur
De véritables touches à tout
L'une qui pique, l'autre qui coud
Il en fallait pour tous les goûts
De ses demoiselles en caoutchouc
Car très sévère, le père Giroud
Voulait en avoir pour ses sous
On ne parlait pas d'harcèlement
Ni de conditions de travail
Juste se faire un peu d'argent
Histoire de nourrir la marmaille
Modeste boite, près de Moingt
En cette bourgade de la Loire
Fallait s'en donner avec soin
Pour une paye dérisoire
Dans un hangar, tous assemblés
S'agissait pas de lambiner
Juste le temps, boire et bouffer
Et se remettre à turbiner
Comme réconfort, thé ou café
Finalement récompensés
Par ces mignonnes à croquer
Fières majorettes, articulées
Que la parole, ne leur manquait
Pas à la chaine comme aujourd'hui
Où on assemble, sortes de Barbie
Tout droit, importées de l'Asie
Empaquetées dans leur colis
Plaisir d'offrir, joie de recevoir
Chacun chez soi, sa part de rêve
Plus de surprise, on se la fait brève
« Choisi toi-même en ce bazar
C'est ton cadeau, suis pas avare
Tu es servie, même si j'en crève
De toute façon, vais faire la grève »
En ce temps-là, heureux le client
Que cette entreprise familiale
Tout se vendait à prix coûtant
Bien loin des multinationales
Certains bossaient à domicile
Pour ravauder, lisser les cils
Avec patience et dévotion
N'osant pas dire avec passion
Reconnaissance du patron
Lui ne plaignant pas son pognon
Pour ses petites mains, tellement habiles
Leur tenant même conversation
Inutiles les demandes d'emploi
Ça embauchait à tour de bras
Même sans diplôme, que de choix
Mais derrière nous, cet autrefois
Fallait pas plaindre ses efforts
Se lever tôt, quand tout le monde dort
Et se coucher presqu'à l'aurore
Pour un petit rien de confort
En descendait du Haut Forez
Des paysannes, 2ème métier
Pas restées plantées en ermite
Pour faire bouillir la marmite
La firme Gégé, les accueillait
Sans distinction, nettes ou pas claires
Pourvu qu'elles soient braves ouvrières
De préférence les moins calés
Elles qu'en avaient tellement bavé
S'avait d'avance ce qui les attendait
Ni révoltées ni syndiquées
Hélas ce temps est bien fini
Manque de profit, on plie boutique
Même frelatés tas de produits
Ne nous attire que par le prix
Donc plus rentables les asiatiques
Pourquoi s'en prendre à la finance
Le geste qui compte, le principal
On ne lésine pas sur la dépense
Quand il s'agit de notre trou de balles
Poupées Gégé, songes de gosses
Robes de mariées plus à la noce
Plus que pinups à la mode
Pleines de rubis sur la commode
On s'ingénie à se ruiner
Laissant aux autres se démener
Pour vanter leurs marchandises
« Cocus, contents », notre devise
Poupées gonflables pour les intimes
Hélas que pauvres figurines
Défendent pas la cause féminine
Souriantes, bougonnes, matière plastique
Pour les ranger tellement pratique
Symbole d'un progrès diabolique
Plus de Gégé, coupée la chique JC Blanc octobre 2017 (pertes et profits)