Pour elle...

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Dans les marches d’escaliers, elle s’est assise et a croisé les bras sur ses genoux. Puis elle a posé la tête sur ses bras croisés. Elle est là. Et elle l’attend. Elle a mis sa belle robe rouge, comme il avait demandé, elle ne s’est passé aucun rouge sur les lèvres, aucun far à paupière, aucune couche superflue de maquillage, elle n’a préparé aucune affaire. La robe rouge était la seule condition. Son impatience palpable sera soulagée aujourd’hui. Le départ se fait aujourd’hui.

Depuis toute petite, elle se sait différente, elle se sait autre que ceux-là qui vivent et grandissent sur Terre. Comme si son instinct l’avait forcée à se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond. Sa dernière année passée ici, elle sera enfin avec lui, au-delà. Il a promis de venir la chercher, il a juré, il n’a pas le droit de faillir à sa promesse. De toute façon, en regardant dans ses yeux, elle y a lu la sincérité. Ses quinze ans se sont déroulés dans l’espérance quasiment vaine qu’elle trouverait enfin de quoi avoir une merveilleuse vie au-delà de ces limites absurdes, de ce monde qu’elle n’aime pas, et dont elle sait ne jamais avoir fait partie. Dans l’espérance de trouver un jour l’âme sœur qui la guiderait loin des méandres stupides de la Terre se mourant à petit feu. Quinze ans ! Comme si sa véritable naissance se faisait ici, comme si sa vie commençait là, maintenant.

Hier. Elle l’a trouvé hier soir. Dans la nuit. Alors qu’à son habitude, elle observait les étoiles du toit de la jolie maison qu’avec ses parents, elle habite. Insomniaque. Elle l’a toujours été. Il ne lui suffit que d’une heure de sommeil pour vingt-trois d’un affreux éveil attentif… et ennuyeux. Dans un monde terne où la pluie et le beau temps se ressemblent tant, où les êtres vivants sont calqués les uns sur les autres, où la nature elle-même n’a plus d’esprit véritable.

Hier soir, il est descendu à elle. Une petite bulle est apparue dans le ciel, s’est posée comme par enchantement sur le toit, à ses côtés ! A ses côtés ! Quand elle y pense, elle se demande si ce n’est pas un rêve. Puis la bulle s’est ouverte. Fendue peut-être ? Elle l’ignore. Elle se souvient uniquement de cette lumière apaisante qui a soudain inondé l’espace autour d’elle, de la silhouette qui s’est découpée dans l’ouverture et qui a marché vers elle. Vers elle… Elle a tout d’abord fermé les yeux, mais elle avait espéré si ardemment et pendant si longtemps que, enfin, quelque chose d’extraordinaire lui arrive un jour, qu’elle s’est forcé à percer la luminosité affreuse pour voir cette ombre s’approcher. Il ne lui voulait aucun mal, elle le savait. Elle le savait.

Alors il s’est approché d’elle, s’est penché en avant, s’est même agenouillé, et il a posé sa main sur son épaule frêle exposée au froid de la nuit. Il l’a regardée dans les yeux. Dans les yeux. Malgré la lumière absorbante, elle a vu la couleur de son regard. Elle y a vu l’océan. Il a dit qu’il l’avait cherché pendant quinze ans. Qu’elle était le seul espoir de sa race. Qu’elle n’avait jamais été humaine et qu’elle devait partir avec lui. Aujourd’hui.

Elle le savait ! Elle savait qu’elle n’était pas de ce monde trop étiré entre les sentiments. Dans ce monde morbide. Un monde où ne règne que le chaos et la misère. Là bas, au moins, elle sera chez elle.

C’est pourquoi elle attend ; assise dans ces escaliers, elle attend qu’il vienne la chercher. C’est lui son âme sœur. C’est lui qui va la sortir d’ici. De ce cauchemar !

Assise sur les marches d’une maison qui n’est pas la sienne, une jeune fille à la robe rouge attend son prince…

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