Pourquoi tant de souffrances :

Dominique Capo

Révélations partielles sur moi

Je suis conscient que beaucoup de mes lecteurs et de mes lectrices doivent être peinés, voire déconcertés, par toute la souffrance qui suinte de mes doigts lorsque j'aborde des sujets tels que le femmes et ce qu'elles m'inspirent. Comme la beauté, l'amour, l'amitié, la passion, la fascination, l'espoir, le désespoir, la trahison, les blessures, le rejet, les déchirements, l'adoration ; qui sont des thèmes, parmi d'autres, qu'elles suscitent en moi.

Ces sentiments sont profondément, et depuis longtemps ancrés en moi. Jamais, jusqu'à présent, je ne suis parvenu à m'en défaire. A maintes reprises, et par tous les moyens qui ont été, ou qui sont, à ma disposition, j'ai tenté de m'en débarrasser. J'ai essayé de les relativiser, en songeant notamment qu'il y avait des personnes plus malheureuses que moi ; des personnes qui ont dû, et qui doivent, affronter, des épreuves bien plus terribles que moi : la mort, la maladie, la violence, la haine, j'en passe. Mais, je crois que quand quelqu'un souffre, que quand quelqu'un blessé depuis longtemps – et encore plus, depuis sa plus tendre enfance -, il reste marqué jusqu'à ce qu'il trouve un moyen de guérir des dommages qui lui ont été infligés.

Moi, c'est le regard des autres sur mon handicap – sur ma légère hémiplégie du coté droit -, mais surtout, sur la tache de vin qui a, durant mon enfance et mon adolescence, envahi les trois-quart du coté gauche de mon visage, qui m'a traumatisé. Oh, cela ne s'est jamais vu ; mes parents ne s'en sont jamais véritablement rendu compte. J'ai déjà expliqué le comment le pourquoi partiellement dans d'autres textes ; de toute façon je ne souhaite pas m'attarder sur ce genre d'explication psychanalytique cette fois-ci. Tout ce que je peux dire, c'est que je sais d'où cela vient, quel a été le processus qui m'a conduit à ce genre de mésestimation de moi, quels en ont été les acteurs ou les actrices, de quels tourments et de quelles douleurs irréparables ils sont à l'origine. Ce qui les a alimenté, amplifié, au fil des années et des décennies. Que j'ai suivi plusieurs psychothérapies pour évacuer une grande partie de ce passif que j'ai porté seul sur mes épaules pendant toute cette période. Que je suis pleinement conscient, lucide, sur les dégâts qu'ils m'ont fait. Et encore, au fur et à mesure de ces psychothérapies et des années, je me suis progressivement déchargé d'une partie de mon fardeau.

Cependant, je n'ai pas tout évacué – le peut-on véritablement totalement ? Certaines blessures parmi les plus profondes et les plus dévastatrices ne sont pas guéries. Elles se réveillent à chaque fois que j'essaye de les surmonter, mais que je me heurte au mur des personnes qui les provoquent sans qu'elles n'en n'ait conscience ou le désir. Au point que je préfère généralement briser le lien affectif ou amical qui me lient à elles, en les poussant à se détourner de moi, afin de ne plus en souffrir. Afin de ne plus être torturé, brisé, meurtri, par ce qu'elles éveillent en moi. C'est ce qui est advenu avec la jeune femme dont j'ai parlé dans mes textes précédents. Parce qu'elle ne pouvait ou ne voulait pas me donner ce que je souhaitais partager avec elle – et uniquement amicalement ; sans y chercher d'arrières-pensées sentimentales ou sexuelles - , elle en a pris prétexte afin de me condamner et de casser la relation d'échange qu'il y avait entre nous depuis quelques mois. Cela se termine souvent ainsi. Et même si, sur le moment, cela me fait mal, me déchire, m'abat, au point que j'en ai parfois le désir de mourir pour pouvoir me débarrasser de cette malédiction, lorsque cette tension est retombée, je me sens mieux. Je me sens délivré d'un poids, de quelque chose qui m'étouffe et qui me broie ; sans que je ne puisse rien faire pour qu'il en soit autrement.

Je suis condamné – comme je l'ai toujours été depuis que j'ai l'age d'aimer ; depuis que j'ai l'age d'être attiré, séduit, envoûté, captivé malgré moi, par une femme. Systématiquement, le même phénomène se reproduit, sans que je ne puisse m'en absoudre. Je croise, je rencontre éventuellement, une jeune femme qui a un quelque chose d'inexplicable, d'indéfini, en plus. Ce quelque chose éveille cette passion, cette fascination, cet espoir, ce rêve, qui sommeille en moi depuis que je suis adolescent. Je n'arrive pas à l'approcher ni à lui parler. Je suis prisonnier des émotions qu'elle suscite, et qui me déchirent parce que je ne peux pas les exprimer par la parole, parce que je ne peux pas les libérer par les gestes de tendresse, d'affection, d'amitié, voire d'amour, qu'elle attise en moi. Et qui me dévorent, qui me détruisent, qui m'anéantissent, et qui me conduisent régulièrement aux portes de la folie et de la mort. Qui me précipitent dans un Enfer d'où je suis incapable de m'échapper tant que celle-ci n'a pas mis un terme au lien qui nous rattache d'une manière l'un à l'autre.

A chaque fois que je la vois, que je la croise, que je l'admire – de loin le plus souvent -, j'ai le visage fermé, j'ai des larmes amères, de désespoir, qui coulent en moi, et que je ne peux refréner. Je me maudis, je me hais, je me méprise d'être l'homme si abject physiquement. D'être cet homme couturé de cicatrices issues de mes séances de chirurgie esthétique incomplètes ou mal réalisées. Il faut en effet se souvenir qu'au début des années quatre-vingt-dix, nous n'en n'étions qu'aux balbutiements de cette science, et que les miracles accomplis aujourd'hui étaient irréalisables ; même si on m'a souvent laissé espérer le contraire. Je m'en veux d'être cet homme au visage légèrement asymétrique, aux cicatrices chirurgicales ineffaçables, à la paupière de l'œil gauche légèrement tombante, et aux traces rouges encore apparentes à certains endroits des tempes et du front. A une époque – plus maintenant -, quand je me regardais dans une glace, j'avais envie de vomir ; j'avais le sentiment de ressembler à « Éléphant-man ». Notamment durant la première époque où je me suis fais faire de la chirurgie esthétique : on a placé des ballons sous la peau de ma joue et de mon front ; il fallait les faire gonfler une fois par semaine dans le but de fabriquer de la peau supplémentaire Et celle-ci était destinée à recouvrir les fragments rougeâtres de mon épiderme. Sans évoquer les douleurs insupportables que le gonflement de ces ballons provoquaient : comme si on m'avait transpercé le crâne avec une aiguille chauffée à blanc. Sans compter les crises de convulsions, les douleurs diverses et variées dont je suis toujours la proie la nuit, dès que je pense pouvoir me reposer, et qui m'empêchent de m'endormir avant deux ou trois heures du matin.

J'en passe… Bref, tout cela pour dire que, dès mon enfance, le regard des autres sur moi a été sans pitié, moqueur, humiliant, déstabilisant, destructeur. Que j'ai été rejeté, hué, montré du doigt. Que, malgré mes efforts pour tenter de m'intégrer à un groupe, j'étais toujours celui que l'on choisissait le dernier, avec réticence, parce qu'il n'y avait pas le choix. Mais que l'on aurait préféré ne pas y être contraint. Je ne sais pas si cela est susceptible de vous parler, mais ces gestes, ces paroles chuchotées pour que je ne les entende pas – du moins, pas officiellement – ces comportements, se lisaient dans le regard des personnes concernées. Pour moi, ils se voyaient comme le nez au milieu du visage ; ils étaient si évidents, mais aussi si dévastateurs.

Je passerai sur bien d'autres choses qui ont pourtant leur importance. Toutefois, ce que je tiens à expliquer avec ce texte, c'est que les femmes que j'ai rencontré ont été les pires. Aucune ne m'a fait de cadeau. A chaque fois que je leur ai ouvert mon cœur et mon âme, elles m'ont jaugé d'un regard apitoyé, condescendant, voire affolé. Certaines, carrément, me l'ont déclaré, parfois en essayant de faire attention pour ne pas me froisser, d'autres fois sans égards pour moi. Mais toutes m'ont à peu près révélé la même chose : « Dominique, je t'aime beaucoup, tu es sympa, gentil. Tu es quelqu'un qui en vaux la peine ; qui est intelligent, qui a des tas de connaissances, qui a des tas de qualités ou de capacités. Mais, désolé, je ne me vois pas sortir ou aimer quelqu'un comme toi. Je me sentirais gênée de me promener avec toi dans la rue. J'aurai peur qu'on me regarde, que mes ami(e)s se détournent de moi, que ma famille me dise : tu vaux mieux que d'être avec un homme de cette sorte. Je me sentirais mal à l'aise si tu devais me faire l'amour ; je me demande si cela ne me dégoutterais pas. ».

Voilà ce que j'ai entendu à de multiples reprises tout le long de mon existence jusqu'à aujourd'hui. Alors, oui, il y a des femmes qui me fascinent, y compris parmi celles que je connais et que je croise parfois sur Facebook. Peut-être toi, qui lis ces lignes en ce moment, je ne sais pas. A chaque fois qu'une jeune femme m'attire, ce n'est pas forcément – même si cela peut arriver, je suis un homme après tout – avec le désir de la mettre dans mon lit. Regardez la photo de la jeune femme qui accompagne ce texte. Elle existe quelque part. A un moment donné de ma vie, je l'ai croisé. Et oui, je ne le cache pas, elle me plaît, elle me fascine ; j'en serai presque à la déifier, comme je le dis parfois dans certains de mes poèmes. Croyez moi, ici ou ailleurs, il y en a beaucoup d'autres qui me font le même effet. Tout ce que j'aimerai, afin de me délivrer de ce mal qui me ronge depuis tant de temps, qui me rend presque fou, qui détruit tout ce qu'il y aurait de beau et de bon à construire entre celles que je chéris et moi, c'est de pouvoir leur parler. C'est de pouvoir échanger, partager, avec elles. C'est de pouvoir discuter par téléphone ou skype, avec elles. C'est de pouvoir les rencontrer, les côtoyer, de pouvoir marcher dans la rue, aller au restaurant, au cinéma, en voyage, avec elles. C'est de pouvoir les connaître, les découvrir, les apprécier pour ce qu'elles sont, pour ce qu'elles suscitent en moi. C'est ainsi, d'apprendre à ne plus avoir peur, de ne plus avoir honte de l'homme que je suis. C'est de retrouver – ou trouver – cette confiance en moi, que je ne possède pas confronté à ce genre de personne et de situation. Elles sont belles, séduisantes, attirantes, sensuelles, nul ne peux en douter. En même temps, ce ne sont pas des top-models. Elles ne sont pas extraordinaires. Ce sont des jeunes femmes comme on peux en croiser régulièrement dans nos villes, dans la rue, dans les magasins, etc. Et cependant, elles m'hypnotisent, autant qu'elles me terrorisent. Elles me plaisent, autant que je sais qu'elles vont me détruire. J'envie ceux et celles qui ont la chance, le privilège et l'honneur de pouvoir leur parler, de pouvoir faire partie de leur vie amicale ou amoureuse. Et en même temps, elles me font pleurer toutes les larmes de mon corps, elles me font hurler de désespoir, d'amertume, de terreur. Et, sans cesse, en permanence, je jongle entre ces diverses émotions. Je jongle entre ces sentiments extrêmes qui m'enchaînent à mon passé, sans que je ne puisse m'en libérer. Et me torture, m'épuise, anéantit mon désir de vivre, m'empêche d'avancer.

Le pire, c'est que je connais la solution afin de me sortir d'une situation qui m'interdit d'être en paix, de trouver la sérénité, la joie, le bonheur, l'en,vie de m'échapper de cette antre dans laquelle je me suis réfugié il y a près de quatorze ans afin de ne plus avoir à être confronté à ce genre de sévices physique ou mental. Il suffirait qu'une, ou que quelques unes d'entre elles acceptent la main affectueuse et amicale que je leur tends. Il suffirait que je puisse les côtoyer assez régulièrement, que je puisse me promener avec elles, discuter avec elles, aller au restaurant avec elles, etc. Que je puisse m'habituer à elles pour ne plus en avoir peur, pour que je ne me sentes plus jugé, moqué, rejeté. Et ainsi, ces échanges, cette amitié, ces relations, soigneraient les blessures que je porte en moi depuis si longtemps. Bien entendu, cela n'effacerait jamais mon passé et ce à quoi j'ai été confronté jadis. Mais, au moins, cette attitude de leur part, de me faire entrer dans leur monde sans honte, sans appréhension, sans moqueries, sans m'oublier, sans me négliger ; simplement en me considérant autant que n'importe laquelle des personnes pour laquelle elles ont de la sympathie, de l'amitié, de l'affection, me permettrait d'avancer. Cela me permettrait de surmonter toutes ces souffrances, tous ces malheurs, toutes ces haines, qui me brûlent.

Mieux encore, et j'en suis aussi convaincu que tous les mots que je viens de rédiger fiévreusement, d'un seul trait, et sans relecture, qui précèdent : je suis certain qu'une fois cette étape majeure de mon existence dépassée, je serai enfin apte à écrire ce grand roman auquel je me destine depuis toujours. Débarrassé de ce fardeau, l'esprit libre et tranquille, toute mon énergie, toute ma concentration, toute mon imagination, toutes mes capacités créatrices et intellectuelles pourront se tourner dans un seul but : rédiger ce roman de 600 à 700 pages qui sommeille depuis toujours en moi ; et que ces impossibilités neutralisent quotidiennement…

Dominique

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