Poussière d'Agonie

petite-lune

Allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête, le corps entièrement nu sous les draps, il repensait à son arrivée au royaume dix ans plus tôt, alors qu’il venait tout juste de fêter son onzième anniversaire.

Janvier 2006,

Château d’Amort


-          C’est pas vrai, bougonna un vieil homme aux yeux bridés. Qui m’a livré un gamin pareil.

-          Pardon maître, s’excusa le petit en baissant brutalement la tête.

-          Tes excuses ne changeront rien. Recommence et ne t’arrêtes pas avant d’avoir planté cette flèche dans cette foutue cible !

 

À l’époque, il venait à peine de commencer à comprendre ce qu’il lui arrivait. Deux jours plus tôt, il avait été enlevé à sa famille pour servir l’héritière du trône, la princesse Dellani Amort. Depuis ses onze ans, il était placé dans le rang d’esclave, servant son corps aux dents saillantes de la princesse. Car si la famille Amort avait un don pour se démarquer des autres familles royales, c’était bien pour la singularité de ses membres. En tant que vampires pur-sang,  ils avaient une certaine aptitude à se faire comprendre, entre autre piocher parmi les habitants du royaume et déchiqueter la gorge de leur victime devant toute l’assistance, se débarrassant de la vie sans ménagement.

-          Othar, roucoula une voix près de son oreille.

Il porta son attention sur le visage de Dellani.

-          Princesse, murmura-t-il.

-          Es-tu encore perdu dans tes pensées ?

-          Oui, princesse.

Dellani soupira. Elle se tourna légèrement, collant son corps contre le flanc d’Othar et fit lentement glisser sa fine main blanche le long du torse parfaitement bien musclé de son esclave. Des griffes poussèrent aux extrémités de ses ongles, elle griffa durement la peau rosée d’Othar qui se crispa sous son emprise.

-          Je m’ennuie, dit-elle finalement, retirant sa main. Divertis-moi.

-          Que veux-tu que je fasse pour toi princesse ?

-          Montre-moi ta force, souffla-t-elle, un léger sourire sur le bord des lèvres.

Il inclina la tête et se redressa. Tandis qu’il s’apprêtait à se revêtir de son pantalon de cuir, Dellani l’interrompit en lui prenant le bras.

-          Je veux te voir nu, dit-elle.

Il se releva donc, sans pudeur. Depuis dix longues années qu’il était au service de Dellani, il avait eu le temps de mettre de côté son air pudique de jeune garçon. Dellani était une jeune femme avide de chair et de muscle. Et plus que tout, elle aimait le sexe sans  retenue. Elle était souvent exaspérée de devoir laisser Othar dormir, tandis qu’elle ne dormait jamais. Un point sur lequel elle méprisait la race humaine. Mais quelque chose de fort la liait avec Othar. Ce n’était pas de l’amour, simplement, contrairement aux autres esclaves dont elle avait pût profiter, celui-ci était le seul qu’elle affectionnait plus particulièrement.

Âgée de deux cent huit ans, la princesse Dellani avait la réputation d’être une jeune femme perfide et provocatrice. Elle savourait pleinement ce que les humains racontaient d’elle. Sa beauté sans pareille faisait énormément d’envieuse auprès de la cour des vampires. Comme le disait la légende, les vampires étaient tous dotés d’une étrange et incroyable beauté. Ce qui n’était pas tout à fait faux. Mais tous les vampires n’étaient pas aussi hypnotisant que Dellani. Son corps svelte était toujours habillé d’une fine robe jaune, sa poitrine remontée presque à l’extrême par un bustier ficelé au centre, laissant parfaitement voir la naissance de ses seins. Elle portait une sorte de jarretière qu’elle attachait sur le haut de son bras droit, ainsi qu’une fine bague sertie d’un diamant vert sur le majeur de sa main gauche. Ses pieds étaient toujours nus. Elle possédait une longue chevelure brune, bouclée à la manière d’une princesse de conte de fées. Cependant, son regard brulant trahissait sa méchanceté. Ses pupilles orangées brillaient lorsque le soleil caressait sa peau de neige, tel un feu carbonisant les regards mal placés.

Othar se tint devant le grand lit où reposait le corps nu de la princesse. Il se pencha sur un petit fauteuil gris et attrapa d’une main experte son arc polit dans un bois blanc, fascinant. Il amena très lentement l’arc près de sa poitrine, laissant Dellani prendre le temps de savourer la vue de ses muscle se tendre.

Othar était un jeune homme très beau. Âgé de vingt-et-un ans, il avait un corps taillé comme de la pierre. Ses bras étaient presque aussi volumineux que ses cuisses, ses abdominaux dessinés à la perfection, ses pectoraux bombés de façon très attirante. C’était un homme assez grand, mesurant un mètre soixante-quatorze, dépassant de quelques centimètres la princesse Amort. Sur ses deux bras figuraient de longs tatouages représentant des dragons noirs, certifiant sa loyauté envers Dellani. Bien qu’il n’ait pas vraiment eu le choix de s’être fait imprimer des dessins sur le corps, la vue de cette encre indélébile ne le dérangeait pas. Ses cheveux noirs, rabattus vers l’arrière de sa tête éclaircissait son visage dur et ténébreux. Il avait des mâchoires saillantes, des lèvres finement rebondies et rosées, un nez assez court avec une petite et discrète bosse sur l’arête. Ses yeux bleus étaient encadrés de longs cils noirs, la fatigue accumulée avait marqué le bord inférieur d’une fine courbe rougeâtre. En un sens, c’était une personne plutôt attirante, quoique très renfermé.

Il se tourna légèrement, avançant sa jambe droite afin de cacher son intimité aux yeux avides de la princesse. Il relâcha la corde de l’arc, lançant dans la pièce une flèche invisible censée transpercer le cœur inexistant de Dellani. Car s’il y avait une chose qu’il reprochait à cette famille royale, c’était son manque de liberté. Il se sentait enchaîné à d’imposantes chaines de fer, baissant l’échine à chaque fois qu’il le fallait,  révélant un visage dépourvu de sentiment, adoptant un langage d’esclave, soumit à la richesse et au pouvoir de ces vampires.

Depuis dix ans, il n’avait pas eu la chance de revoir sa famille qui pourtant, ne vivait qu’à quelques pas. Etaient-ils encore en vie ? Vivaient-ils toujours dans la maison de ses souvenirs ?

Il lui arrivait souvent de se demander ce qu’aurait été sa vie si ces gardes ne l’avait pas arraché à sa famille pour le jeter aux mains de suceurs de sang. Il ne vivait pas dans la misère, loin de là, il était plutôt bien traité, Dellani veillant à ce qu’il se sente tout de même à l’aise dans ses quartiers. Mais quelque chose dans son cœur avait périt. Ainsi, il allait passer le restant de ses jours, prêt à tout pour protéger la princesse. Il ne pourrait connaître l’amour, la liberté, la vie. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était rêver d’une vie ailleurs, une vie sans crainte de décevoir sa maîtresse et de fondre sous les crocs puissants d’une femme vampire.

-          Viens vers moi, chantonna soudain Dellani, tendant la main vers lui.

Il laissa son arc rejoindre le fauteuil gris et enjamba le lit. Dellani s’allongea sur le dos, attrapant la nuque d’Othar, se délectant du poids de son corps couché sur le sien. D’une main, elle empoigna une de ses fesses et de l’autre, dégagea lentement ses cheveux retombant sur sa nuque. D’un geste assuré et précis, elle se retourna, chevauchant le corps nu de son esclave. Elle se pencha sur sa nuque et croqua sa gorge en gémissant de plaisir.

Il était prisonnier. Aucune issue ne s’offrait à lui. Même si la détermination le rongeait, il n’avait aucun moyen de s’enfuir de cette cage gigantesque, si ce n’est s’offrir les bras ouverts à une mort certaine. 

Cette nouvelle fait partie d'un projet fantasy qui me trotte dans la tête. j'avais envie d'écrire une nouvelle pour chaque personnages avant de commencer l'écriture de l'histoire.

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