Premières fois

Premières fois

C'était sa première carte postale.

"Coucou ici il fait beau, il fait chaud et la mer est très belle !"

C'était la première fois qu'il partait aussi loin de chez lui. L'île Maurice. Parce qu'il avait toujours rêvé de partir sur une île et qu'il s'appelait Maurice. C'était lui qui avait eu cette idée, il trouvait ça drôle de partir sur "son" île. Lui qui n'était jamais sorti de sa Bretagne natale, qui n'avait jamais pris l'avion, c'était toute une aventure que ces vacances.

"Je suis content d'être ici et je me sens bien (malgré mes coups de soleil ouille ouille ouille)"

C'était son premier coup de soleil. Ses joues, d'habitude si pâles, avaient longuement combattu ces trois dernières semaines les rayons de l'astre diurne. Il ne fallait pas être devin pour comprendre qui avait remporté la victoire : même un homard après cuisson paraissait palot face à ce visage cramoisi. La Bretagne et le soleil ne s'appréciant guère, Maurice n'avait que rarement goûté aux joies de la bronzette intensive.

"Hier j'ai fait du jet-ski je me suis beaucoup amusé ! J'ai eu peur parce que ça allait vite mais c'était très bien quand même"

C'était la première fois qu'il se sentait aussi vivant. En vérité, cela avait été le plus beau jour de sa vie. Cette sensation de vitesse, ce sentiment enivrant de liberté au milieu de l'immensité océane l'avaient plongé dans un état d'euphorie pendant quelques instants et il aurait voulu que ça dure éternellement. Une chose était sûre, il n'oublierait jamais ce moment, il n'oublierait jamais ces vacances.

"Papy est très gentil avec moi, il m'a emmené dans un très beau restaurant pour mon anniversaire. Hummm c'était trop bon !"

C'était la première fois qu'il était séparé de ses parents si longtemps. Les pauvres n'avaient pas pu venir, ils avaient dépensé toutes leurs économies pour deux billets et comme ils ne voulaient pas partir l'un sans l'autre - ce serait trop dur pour celui qui reste - ils décidèrent que ce serait le grand-père qui accompagnerait leur fils dans ce périple. Quand ils avaient appris la nouvelle, ils étaient effondrés. Phase terminale. Plus que quelques mois. Pour ses onze ans, il aurait le plus beau cadeau qu'ils pouvaient lui offrir.

"Vous me manquez beaucoup et j'ai hâte de vous revoir mais je serais bien resté toute la vie ici.  C'est bien plus rigolo que l'hôpital :-(

Merci beaucoup pour ce beau cadeau !

Je vous aime fort fort fort fort

Maurice "

C'était sa dernière carte postale