Premiers pas

didier-braque

Déborah aimait se toucher et se caresser le sexe, depuis cette nuit où sa mère l’avait surprise assise toute nue sur le sol du carrelage de la cuisine, les jambes écartées, penchée au dessus de son entrejambe, absorbée à en étudier les détails, caressant du bout des doigts les petites lèvres, puis les écartant doucement pour en élargir la fente afin d’en évaluer la profondeur. Elle devait avoir neuf ou dix ans. Son père avait déjà abandonné le domicile conjugal depuis quelques années. Il était parti un jour sans donner de nouvelles. On ne l’avait pas revu. N’ayant pas de frères et sœurs, les deux femmes  étaient restées seules, ruminant leur peine chacune de leur côté, et reportant toute leur rancune et leur mauvaise humeur sur l’autre. Elles n’avaient jamais été très proches. Mais cette épreuve qui aurait pu les rapprocher les avait définitivement éloignées l’une de l’autre.


Elle était totalement courbée au dessus de sa chatte, tentant d’en apercevoir l’extrémité, puis devant l’impossibilité d’y réussir visuellement, elle avait sondé l’intérieur avec son majeur, et l’avait enfoncé complètement sans pouvoir néanmoins en atteindre le fond. Cette première auscultation lui avait cependant permis de sentir la douceur des parois qui la recouvraient et une douce sensation avait commencé à l’envahir. Elle avait approfondit son examen en faisant tournoyer son doigt pour en explorer les différents recoins. Elle était tellement absorbée par son travail d’introspection qu’elle n’avait pas entendu entrer sa mère dont la voix acariâtre avait brusquement interrompu l’état d’excitation particulier qu’elle avait atteint.
« - Que je ne te revoie plus jamais faire cela ! Petite traînée ! Mais tu te crois où ? »

Déborah se souvenait avec une acuité particulière de l’ambiance de cette nuit, de la lumière de la pleine lune dont les rayons diffusaient une lueur moite et lactée au travers des vitres, suffisante pour se déplacer et savoir où étaient les objets, mais sans que l’on puisse pour autant les distinguer nettement. Ils apparaissaient comme dans un rêve, un peu flous, en noir et blanc. Elle se remémorait avec précision de la sensation du carrelage froid sous ses fesses, des pavés de tomette brune, rustique, un peu rugueuse, qui avait accompagné l’explosion de sa première jouissance. Elle ne s’y attendait pas. Elle avait déjà éprouvé du plaisir à se caresser le clitoris tout en introduisant de temps en temps son doigt dans son vagin.

Mais cette fois ci, elle tournait énergiquement autour de son petit bouton de la partie pulpeuse de son majeur, comme si elle avait voulu faire disparaître une tâche tenace. Elle avait frotté et frotté de manière nerveuse et compulsive. Elle aurait été parfaitement incapable de dire pendant combien de temps. Cela lui avait semblé une éternité. Et puis subitement, elle avait reçu une immense décharge dont les spasmes lui avaient traversé tout le corps, partant de son périnée, remontant le long du dos, parcourant la colonne vertébrale, puis sortant par le haut du crâne. Déborah avait été anéantie. Un immense bonheur l’avait envahie. A peine contrebalancé par un sentiment d’angoisse et d’interrogation dû à la nouveauté et au caractère un peu étrange du phénomène dont elle venait pour la première fois de faire l’expérience.

Elle n’avait pas eu le loisir de creuser cette sensation. Elle aurait bien continué encore à se caresser, pour prolonger son plaisir, mais c’est cet instant exact, c'est-à-dire à la fin de sa jouissance, que sa mère avait choisi pour faire irruption dans la cuisine, allumant violemment le plafonnier et interrompant brutalement sa retombée.

Sa mère n’avait pas cherché à la comprendre. Elle n’avait pas voulu se souvenir qu’elle aussi avait été jeune, qu’elle aussi avait découvert des sensations nouvelles dans son corps, avec des sentiments contradictoires, teintés d’inhibition et de relents d’éducation religieuse qui l’avait freinée dans cette initiation, persuadée qu’elle faisait quelque chose « de mal ». Elle avait inconsciemment reproduit sur sa fille ce qu’elle s’était elle-même interdit à l’époque : pas de masturbation solitaire, et encore moins en y prenant du plaisir.

Déborah s’était refermée sur elle-même. Elle donnait le change. Et sa mère acceptait aveuglément ces mensonges. Pensait-elle que sa fille avait arrêté de se masturber ? En tout cas elles n’en avaient jamais plus parlé. Sa mère ne l’avait plus surprise une seule fois toute nue, encore moins en train de se toucher ou de se caresser le sexe. Elle s’habiller ou se déshabiller dans la salle de bain. Puis elle attendait d’être sûre que sa mère dormait, alors seulement elle écartait les cuisses et plongeant ses deux mains sous les draps, elle se mettait à se caresser pendant des heures, regardant fixement devant elle, mais ne retrouvant jamais la sensation qu’elle avait éprouvé cette première fois dans la cuisine.

Déborah avait pris l’habitude de se donner du plaisir toute seule toute les nuits en se caressant le clitoris et s’introduisant un ou plusieurs doigts dans le vagin. Jusqu’à ce qu’elle s’aperçoive que ses doigts et ses caresses ne suffisaient plus. Elle sentait confusément qu’elle avait besoin d’autre chose. Elle ne savait pas encore bien quoi.

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