Prémonition

Yoann Valour

Chaque rêve a un but mais aucune solution

     Notre histoire prend place dans un appartement situé en contrebas d'un jardin sombre et lugubre. Léo, petit projectionniste, la vingtaine, les yeux hagards, blasé et usé par la vie s'éveille. Tous les jours le même rituel, avec une pointe d'ironie, chaque matin un lever avec une envie pressante, toujours les mêmes déjeuners, les mêmes voisins a la fenêtre en ouvrant les volets, le même chat miaulant sans cesse... Chaque journée ressemblant à celle d'hier et d'avant hier. C'était une de ces journées où la pluie avait décidé d'éteindre le soleil, tout paraissait flou et irréel. Mais il était l'heure pour Léo d'aller gagner sa misère pour vivre... ou plutôt survivre comme il le dirait si bien.

      Il faisait partie de cette génération sans véritable place ni but ou rien n'était vraiment beau pour lui et rien n'était vraiment moche, juste ...Inintéressant. Malgré cela, il avait réussi a dégoté un petit job, dans ce petit cinéma. Dans une ville perdue dans sa noirceur et son passé. Un trou de quelques centaines d'habitants, triste et froid ou le soleil était plutôt inexistant. Bref, le genre de ville ou personne ne va. Mais Léo s'y plaisait, car elle lui ressemblait, pleine de mystère, sombre et inquiétante, lui, toujours vêtu de son grand manteau noir et ses cheveux blond presque blancs. Il se fondait dans ce décor quasi apocalyptique.

      Ce jour là, Léo se rendit à son travail, à l'heure, comme à l'accoutumée. Le film prévu à l'affiche se nommait « Prémonitions » ou l'histoire d'une femme pouvant prévoir à travers ses rêves l'avenir de chaque personne de ce monde. L'affiche avait l'air attrayante, une femme se tenait accroupie, de dos, vêtue d'un habit noir lacérés, les cheveux longs et noirs. Avec deux miroirs brisés devant elle. Le titre apparaissait en blanc sur fond noir, avec les lettres un peu usées.

      Une petite affluence se pressait devant la caisse, rien de vraiment exceptionnel, mais pour ce genre de film, c'était déjà un record. Une fois la salle comble, un bruit sourd montait à travers le cinéma, Léo ressentit un instant de faiblesse au moment du lancement du film. Il faut dire que ce lieu avait été bâti sur d'anciennes ruines d'une vieille église, où un ancien tueur en séries avait commis des meurtres particulièrement atroces, visant le sacrifice a dieu.

     Triste histoire, faisant parti du passé malsain de cette petite bourgade.

     Le film débutait sur l'image de l'affiche, une image floue, filmée avec un grain pas très net, une caméra chancelante, tout pour mettre mal a l'aise un spectateur déjà surexcité. La scène suivante s'ouvrait sur un appartement sinistre en contrebas d'un jardin sombre et lugubre...Léo resta bouche bée. Cloué, il regardait le film avec un intérêt non dissimulé. Il vit défiler sa vie pendant toute la durée du film, même des choses ne s'étant pas encore passées. Mais le personnage lui ressemblait sans vraiment lui ressembler. Quelque chose de différent. A la fin, sa vieillesse paisible avec sa femme et ses 2 enfants prit fin, mais Léo ne comprit pas de quelle manière, car la caméra tombait brutalement et plus rien, juste un bruit sourd et une voix sombre envahit sa tête :

« ILS SAVENT »

       Léo, troublé par ce qu'il venait de voir, se plongeait déjà dans un scénario de chaos, toujours a la recherche de sensations, rêvant d'un monde à reconstruire, tel un petit paradis perdu comme il l'appelait. Malgré cela, il rentra chez lui quelque peu tourmenté. En préparant son dîner, Léo voulait regarde la télévision, mais, lorsqu'il l'alluma, la seule chose qui paraissait était l'affiche du film. Pris de panique, Léo éteignit la télé, et ce soir là, il ne put rien avaler. Le jour fit place à la nuit, les heures défilaient, mais plus le temps passait, plus le silence se faisait oppressant. Ce fut une nuit noire, comme une tâche d'encre. En s'endormant sur le tard, ses rêves furent agités, appliquant à la lettre chaque scène du film, jusqu'à la moindre parole.

      Le lendemain, lorsqu'il ouvrit ses volets, Léo, ne vit pas ses voisins en face, ni le chat. Le jour se levait difficilement, un voile sombre persistait sur la ville. Sans prêter plus attention, II partit comme tous les jours, mais alors qu'il sortait de son immeuble, il ressentit comme un courant d'air, amenant la seule chose que le monde ne connaît jamais, le silence. Aucune voiture en circulation, personne en vue, pas un bruit, sauf lui. Il se mit à courir en quête d'une éventuelle vie, mais c'est à ce moment précis qu'une silhouette se dressa devant lui, sans visage, juste des yeux blancs et profonds, et une voix ténébreuse vint briser un silence de glace :

« ILS SAVENT.... SAUF TOI »

      Et plus rien. Après avoir retourné tous ces événements dans tous les sens du terme, il comprit que tout ramenait au film. Décidé à comprendre ce qu'il ne savait pas, il décida de retourner au cinéma, et de lancer le film. Tout ce qu'il avait déjà vu défilait devant ses yeux, tout sauf la fin. La caméra ne tombe pas, et il vit ainsi sa propre mort. Mais au-delà de sa mort, il vit aussi l'œuvre de sa vie... Il comprit que ce qu'il avait vu durant sa vie était simplement la voie à suivre en ce monde. Et c'est ainsi qu'il comprit que chaque personne ayant vu le film avait fait face à son propre destin et sa propre mort, Cherchant à changer leur destin, ils précipitèrent leur corps dans un abîme destiné à ceux qui n'avaient plus d'avenir.

      Mais ils savaient que le monde continuerait de tourner, et ils savaient qu'ils étaient déjà morts. Léo lui ne l'avait pas vu hier, et il était en quelque sorte l'Elu, choisi pour changer la face du monde et rendre enfin un sens a la venue de l'homme sur Terre.

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