Présence

Benjamin Didiot

Aux présences invisibles et immatérielles, perturbantes mais indispensables.

Je me réveille à peine après m'être endormi, certainement quelques secondes après. Après réflexion et vérification, je me suis en fait endormi vingt sept minutes. Bonne performance.

Cela fait trois jours que je souffre de ces troubles, qui à la première nuit ne m'inquiétait pas, et qui se sont accentués les autres nuits. D'ailleurs, est-ce bien trois nuits, ou quatre ? Je ne le sais plus, j'ai arrêté de compter. Ça pourrait même faire dix jours, et même un mois, ou deux. Je me suis perdu dans tout ça, le temps ne fait plus que passer.

Mes yeux me brulent, je ne dors ni la nuit ni le jour, ou alors pas plus de soixante minutes. Au bout d'une heure voir moins, elle me réveille.

J'ai d'abord pensé à un cauchemar. Il n'en était rien.

Je renonce à essayer les méthodes que je trouve sur internet, qui seraient susceptibles de m'aider à dormir. J'abandonne, je n'ai plus la force de lutter. Je finirais par m'y faire.

Mes rares amis me trouvent aigri et froid en ce moment, je ne les vois plus, ou du moins ils ne viennent plus me voir. Je reste enfermé ici, et je n'ai envie d'ouvrir à personne. Je ressens pourtant toujours une présence, lointaine mais oppressante. Parfois elle se rapproche.

Je me nourris à peine, et exclusivement à base de brioche tranchée. J'en ai toujours acheté en grande quantité, et tant mieux car je ne pourrais sortir. Non satisfaite d'être omniprésente, elle est possessive, bien qu'immatérielle. Elle me manquait, et elle m'obsède toujours autant. Mais maintenant, je n'ai seulement plus d'autres choix.

J'allume une bougie, non pas que lors de l'accident ils ou elles aient prit ma lampe de chevet, c'est seulement que l'éclat de lumière qu'elle fournit m'aveugle.

Elle faisait tomber les lampes lorsque je les allumais, au début. Mais maintenant elle n'as plus besoin de le faire, j'ai compris. Je sais ce que je peux faire, et ce que je ne dois pas faire. Je tiens tout de même à elle, mais il n'y a que dormir que j'aimerais faire. Du moins je crois, je n'en suis même plus sûr. Il doit y avoir mieux à faire.

Le mieux à faire. C'est ce que je mettais promis de faire après l'accident. Seulement, effondré comme je l'étais, ça me paraissait l'unique solution.

Je n'avais pas pensé à cela, je n'imaginais pas les conséquences si terribles. Parfois, en situation de peur, de danger ou de stress, nous les humains nous avons parfois tendance à agir en suivant les dictats de réflexes insensés.

J'avais pensé que c'était le mieux à faire, quand j'avais retrouvé son corps, vidé de son sang et de toute vie, son sang glissant sur le sol, sa vie disparaissant à tout jamais.

Ils ou elles étaient trois, masqués et avec des démarches étranges d'après le peu de témoins. Ils ou elles étaient venus pour prendre tout ce qui était intéressant. Mais comme ils n'avaient rien trouvés, ils avaient pris sa vie. Et détruit la mienne.

Je sens qu'elle pose sa tête contre mon épaule. Je ne vais pas manger ce soir, même si cela fait sûrement bien plus de cinq jours que je ne me suis pas nourri.

Son corps se trouve actuellement sous le parquet où je me tiens assis. Je savais très bien que ça la ferais rester, mais en aucun cas que cela rendrait le drame encore plus terrible.

Elle me manque, bien qu'elle soit là.

Je devrais manger, enfin, me nourrir, mais je ne veux plus m'empêcher de mourir de faim.

Je veux la rejoindre.

Je souffle la bougie, je la sens plus proche que jamais, même de son vivant. C'est certainement car je suis moi même en train de mourir.

Je vous ai menti. Je sais depuis combien de jours je ne dors plus. Je n'ai jamais pensé que c'était un cauchemar. Car lorsqu'elle me réveille, c'est bien mieux qu'un rêve. Je l'aimais, je l'aime et l'aimerais, et maintenant que la mort nous a réunis, jamais plus nous ne serons séparés.


Signaler ce texte