Présent, passé
aile68
Répéter les mots de notre mère, "C'est prêt!", les gestes de notre père qui pose le ciment sur le parpaing de sa truelle habile, dans la cuisine la lumière reste allumée comme une présence exquise, le four nous mitonne de bonnes pâtes en gratin, c'est la fin de la journée, tout se pose, tout repose comme la dernière abeille aux derniers jours de l'été. Sortir le premier pull, le premier gilet, le tablier de notre mère nous tient encore plus chaud quand elle nous enlace et nous embrasse avant qu'on aille à l'école, équipés de nos cartables qui sentent le plastique et la craie. Les platanes sont nos arbres les plus familiers, ils trônent dans la cour d'école parmi les bancs de pierre blanc gris, nous offre leurs feuilles pour que nous en fassions de beaux bouquets. Avant la cour il y a comme un petit bois qui nous accueille, charmant, chatoyant. Je parle au présent quand je devrais parler au passé, le temps a passé, soit, dehors il fait nuit noire tandis que j'essaie de le retrouver ce chemin qui me conduisait à la boulangerie de l'autre côté de la place. Là j'achetais des puddings et des glaces au cassis ou au citron entre les deux ma gourmandise balançait. Partager des carreaux de chocolat avec le petit frère avant que les copines n'arrivent, les samedis après-midi avaient toujours les mêmes saveurs de jeu et de liberté, nous galopions comme des petits lapins ici et là, nous étions de petits diables rouges.
J'ai éteint la lumière dans la cuisine, ça sent la cire et le savon noir, tout est calme, au repos comme la dernière abeille aux derniers jours de l'été. Les abeilles ont-elles une durée de vie comme les papillons? Quinze jours, si je me souviens bien... Qu'importe. Dans leur ruche, elles fabriquent du miel qui fait du bien avec du lait chaud, il n'y a que comme cela que j'aimais boire ce doux breuvage. Il me rappelle l'exquis propolis et le tablier de ma mère qui nous tenait si chaud quand elle nous embrassait.