Primrose, the Dollmaker
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« J'aurais pu refermer cette fenêtre sans répondre à mon interlocuteur, pourtant je ne l'ai pas fait. En y repensant, c'est sûrement ce qui a causé ma perte. »
Cassette 2
« Je lui ai donc répondu. Hormis le premier, tous ses autres messages étaient parfaitement normaux. Je me suis donc dit que je devenais parano à force de regarder trop de films d'horreurs. Au final, le courant est bien passé avec elle. J'en ai déduit que c'était une femme à sa façon d'écrire. Nous avons dû discuter pendant plusieurs heures sur nos passions. Je n'étais plus vraiment triste de n'avoir pas réussi à acheter cette poupée puisque la demoiselle était tellement éloquente sur le sujet que je me suis demandée si sa passion n'était pas en réalité une obsession. Mais peu m'importait à l'époque. À ce moment-là, j'étais célibataire, depuis bien trop longtemps à mon goût, et avec mon travail, je n'avais pas beaucoup d'occasion de parler avec des filles, alors ce serait mentir que de dire que je n'avais aucun espoir. Je l'imaginais selon mes goûts : de petite taille, brune avec de grands yeux bleus innocents. Puisque nous nous entendions bien, nous nous sommes échangés nos numéros avec la promesse discuter à nouveaux. »
« Et en effet, c'est ce que nous avons fait. Au départ, ce n'était qu'une fois de temps en temps. Les traditionnelles “Salut ça va ? - Oui et toi ?” suivis de quelques banalités, parfois sur mes passions, parfois sur les siennes, parfois même sur des sujets qui n'avaient aucun rapport. Puis, peu à peu, la fréquence a augmenté, nous parlions quasiment tous les jours, et plus le temps passait, plus j'avais envie de la rencontrer. J'avais complètement oublié mon malaise du début. »
« En très peu de temps, j'ai appris énormément de chose sur elle. Elle s'appelait Primrose, elle était un petit peu plus jeune que moi. Sa couleur préférée était le bleu ciel et le style victorien. Elle aime beaucoup la danse de salon, le violon et le piano, instruments qu'elle a pratiqués dans son enfance. Et... Comme vous avez pu le deviner, elle vouait une véritable obsession pour les poupées de porcelaines. J'ai d'abord trouvé ça étrange, mais la passion et la ferveur avec laquelle elle me parlait de ses poupées ont fini par me conquérir. Ainsi, avant même que je la rencontre en vrai et sans que je m'en rende compte, je suis tombée amoureux d'elle. »
« Mes collègues n'ont pas tardés avant de remarquer le changement qui s'était produit en moi. J'avais toujours mon portable à portée de main et je sautais dessus à la moindre notification. Ils ont vite compris que la raison était une fille et m'ont beaucoup taquiné à ce sujet. Et un jour, suite à leurs nombreux encouragements, j'ai fini par prendre mon courage à deux mains et lui proposer un rendez-vous. Et à mon plus grand bonheur, en tout cas à ce moment-là, elle a accepté. »
« Nous avons donc convenu de nous retrouver au Greyleen Café la semaine suivante. Je me souviens que j'étais tellement stressé la veille que je n'avais pas dormi de la nuit. J'avais mis toute la matinée à me préparer et ma sœur, qui était venue m'aider, m'avait même sorti que je me comportais comme une fille avant un rendez-vous. Au final, j'ai failli arriver en retard. Et c'est là que je l'ai vu. Primrose. J'ai su que c'était elle dès le premier regard. Elle ressemblait exactement à l'image que je m'étais faite d'elle, les vêtements victoriens en plus. Son cou, ses bras, mains et jambes étaient par conséquent cachés par des vêtements, chose rare de nos jours, ce qui lui attirait quelques regards curieux. Elle s'était déjà assise à une table en terrasse et m'attendait, un vieux livre à la main. Je me suis alors rapproché et je l'ai salué en lui offrant ce que j'espérai être mon plus beau sourire. Puis je me suis assis et c'est ainsi que notre rendez-vous a commencé. »