printemps
Camille Catelan
Mon appartement est parfait pour voir le jour décliner. A plat ventre sur mon lit je le regarde faire, contre les vitres et sur les murs, les ombres rappliquent sans en avoir l'air. Je dois lever les yeux souvent pour voir où il en est. Le froid rend les couleurs vives, même les pâles. Contre le ciel encore clair, les branches se dessinent en noir, elles seraient compliquées à découper. Je suis en croisière dans un décors figé, seul lumière et couleurs changent, mon humeur aussi change, mais les objets et les corps sont immobiles. C'est rare que je puisse profiter de ce voyage du jour, je retrouve habituellement le soir mes baies vitrées à rideaux tirés et la nuit déjà tombée. Comme je suis malade et que j'ai tout laissé ouvert, je profite de la lumière. C'est le tout début, le commencement du printemps et je suis à l'intérieur, hors-jeu. Je n'ai plus envie d'hiver, pourtant ces beaux jours m'effraient. Je ne sais pas d'où me vient ce sentiment étrange à l'égard du printemps. Me semble-t-il trop beau pour être vrai? Je le trouve irréel. Est-ce l'impression qu'il en promet trop? Je me sens déshabillée sous les rayons de son soleil qui se veut doux mais redoutable révèle beaucoup. Le printemps éclaire tant qu'il force à faire le ménage. Et ce n'est pas toujours facile de bouger la poussière, de déplacer les armoires de sentiments. C'est un grand roulement général. Le printemps est un tambour qui réveille les tympans. Je me sens comme lors d'un déménagement, le printemps me prend et m'étreint au moment où je n'ai rien, où il ne reste plus que moi dans les escaliers, des cartons aux quatre coins. Il nous fait comprendre que l'on pourrait être si léger, le plancher débarrassé des tracas passés. Le printemps transperce et ouvre en grand à peu près tout, les portes d'une nouvelle année. C'est le braquage général des âmes verrouillées.
C'est joli !
· Il y a presque 11 ans ·chachfd